Cette directive considérait déjà les migrants comme des intrus, des problèmes en soi, des charges déraisonnables.
Monsieur le ministre, votre texte accentue et aggrave cette orientation, car il va bien au-delà de ce qu'aurait dû être une simple transposition.
Cette directive marquait un renoncement de l'Europe à ses propres valeurs. Sinon, que dire des refoulements massifs effectués par le gouvernement italien et le renvoi des refoulés vers la Libye ?
Ne marquent-ils pas l'abandon, désormais assumé explicitement par certains États, du principe d'universalité des droits de l'homme ?
Votre texte prévoit des dispositions contraires à nos engagements internationaux et à nos traditions.
Nous connaissons pourtant les causes de ces migrations : les déséquilibres économiques et l'inégale répartition des richesses ; les écarts démographiques ; les conflits, notamment liés au contrôle des sources d'énergie ; l'absence de démocratie dans un nombre important de pays du sud ; les catastrophes climatiques et écologiques.
Nous savons par ailleurs qu'en raison de sa situation démographique, l'Europe ne pourra pas se passer de l'apport de l'immigration.
Cette directive, que nombre d'associations de défense des droits humains et nombre de gouvernements de la planète avaient dénoncée, apparaît comme un rempart. Quel triste paradoxe pour celles et ceux qui la considéraient comme une honte – et c'est mon cas – de devoir s'y référer pour freiner les ardeurs répressives et sécuritaires de votre politique et combattre les abus que vous prétendez introduire dans la législation par votre projet de loi. Vous auriez pu choisir, monsieur le ministre, le mieux-disant, mais vous avez préféré le pire.
La « carte bleue européenne » que transpose également ce projet s'inscrit dans la logique de l'immigration choisie qui vise à attirer en Europe des travailleurs qualifiés. Tout comme la carte « compétence et talents » apparue en 2006, elle concernera peu de monde.
La directive sur la lutte contre l'emploi des étrangers sans titre de séjour est une avancée en trompe-l'oeil. Quelques mesures visent, certes, à améliorer les droits des travailleurs sans papiers en cas de rupture de contrat de travail et d'éloignement, en relevant les indemnités qui leur sont dues, mais elles sont à la fois limitées et problématiques à appliquer.
Il est prévu une aggravation des sanctions, notamment contre les donneurs d'ordre, mais je doute qu'il y ait une véritable volonté politique de lutter contre ces pratiques : les intéressés pourront facilement s'exonérer de leur responsabilité pénale ou de la solidarité financière avec leurs sous-traitants, comme ce fut le cas dans cette maison même, lorsqu'ont été employés des travailleurs sans papiers pour les travaux de rénovation de nos locaux situés au 101 rue de l'Université. La présidence de l'Assemblée a affirmé avoir été abusée par les entreprises sous-traitantes et cela a suffi pour la dédouaner de toute responsabilité. Il n'est pas sûr, par ailleurs, que, dans l'actuel contexte économique et social, l'administration prenne la responsabilité de fermer un établissement dans lequel aura été constatée une infraction de travail illégal.
Je commencerai donc par vous dire que, sur bien des points, monsieur le ministre – et je le regrette –, la directive de la honte offre de meilleures garanties aux migrants que votre texte.