Votre projet de loi, déjà au printemps, et davantage encore avec ses derniers ajouts, dégrade encore la France au sein des démocraties et en Europe.
Avec vous, le recul de l'état de droit est généralisé, ce texte en est un exemple supplémentaire. Dans un État de droit, la liberté est la règle, sa privation, l'exception. Pourtant 800 000 personnes se sont retrouvées en garde à vue l'an dernier dans ce pays, dont près de 10 % d'étrangers. Et vous vous apprêtez à banaliser encore davantage la privation de liberté, par la création des zones d'attentes aux articles 6 à 12, ou par l'allongement de la durée maximale de la rétention de trente-deux à quarante-cinq jours, dans l'article 41.
L'État de droit, le contrôle des juges sur les actes de l'administration dérange ? Le projet de loi les marginalisent et réduit leur pouvoir d'appréciation, en étendant le champ et la durée de l'arbitraire et du discrétionnaire.
Les irrégularités de procédures commises à l'égard des étrangers se multiplient sous la pression de la politique du chiffre ? Au lieu de rétablir le droit, vous différez au contraire la notification des droits, vous organisez la purge des nullités.
Les reconduites effectives à la frontière sont insuffisantes ? Vous allongez symboliquement la durée de la rétention, donc son coût pour le contribuable, alors même que chacun sait que ce n'est pas la durée de la rétention qui détermine la possibilité d'éloigner effectivement une personne en situation irrégulière.
Vous faites d'ailleurs dire aux directives européennes ce qu'elles ne disent pas : rien dans la directive « retour » n'oblige à créer de zones d'attente supplémentaire, mobiles, rien n'oblige à allonger la durée de la rétention. Un ministre de la République, votre prédécesseur, s'était d'ailleurs engagé sur ce point dans cet hémicycle en réponse à une question de Serge Letchimy.
La clause de sauvegarde prévue à l'article 4 de la directive « retour » prévoit explicitement que sa transposition doit se faire sans préjudice de dispositions plus favorables dans le droit national pour les personnes concernées. Mais au contraire vous trahissez l'esprit et la lettre des directives : l'esprit de la directive « retour » c'est de privilégier les départs volontaires sur la contrainte.