Répondant à l'interpellation de notre rapporteur, le ministre de l'immigration déclara : « Le Président de la République s'est en effet engagé à ce qu'un sage et une commission soient rapidement nommés pour travailler sur ce sujet sensible. » Mes chers collègues, comment confier à un sage ou à une commission le soin de réformer le code de la nationalité sans les saisir également de la déchéance de la nationalité ?
L'extension des cas de déchéance de la nationalité française est à mes yeux, et je le prouverai tout à l'heure, inconstitutionnelle, inapplicable, et rétablit ce que j'appellerai une forme de double peine. Si cette proposition était acceptée, elle créerait de graves inégalités entre nos concitoyens en raison de leur appartenance à telle ou telle catégorie civile. En effet, pour un même crime, aussi odieux soit-il, les punitions seraient différentes selon que l'on est naturalisé depuis moins de dix ans sans bénéficier de la double nationalité, que l'on est naturalisé depuis plus de dix ans ou que l'on a conservé sa nationalité d'origine. La proposition de déchéance de la nationalité est, en outre, une nouvelle forme de double peine, laquelle avait pourtant été profondément modifiée et en grande partie supprimée en 2003, lorsque le Président de la République était ministre de l'intérieur. Ce retour en arrière me paraît incohérent.
Rappelons l'histoire de la déchéance de la nationalité française. Jusqu'au régime de Vichy, il s'agissait d'une sanction exclusivement destinée à réprimer l'espionnage et les actes contraires à l'intérêt de la nation. L'ordonnance du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité a étendu la possibilité de déchoir de leur nationalité française toutes les personnes ayant commis un crime ayant entraîné une condamnation à une peine au moins égale à cinq ans de prison. La constitutionnalité de cette extension n'a jamais été examinée par le Conseil constitutionnel, lequel s'est prononcé le 16 juillet 1996 sur la seule extension de la déchéance de nationalité aux auteurs d'actes de terrorisme.