Les mots ont un sens et un usage. Et l'usage qu'en fait le ministre de l'immigration et de l'identité nationale est très politique.
Monsieur Luca, monsieur Vanneste, tout cela s'inscrit dans une opération que notre collègue Mme Taubira a brillamment qualifiée d'opération de grignotage. Nous parlons du grignotage d'un certain nombre de principes républicains, et du grignotage du droit du sol pour introduire progressivement et insidieusement sa substitution par le droit du sang. C'est bien ce que nous a proposé M. Vanneste en nous faisant croire qu'il existerait des Français différents selon qu'ils seraient de parents étrangers ou nés français. Nous ne pouvons pas accepter qu'un tel tri soit effectué.
Quant aux dispositions relatives à la déchéance de la nationalité, elles font la différence entre ce que l'on pourrait appeler « le Français de cinq minutes » et le « Français de souche » ; entre celui qui paierait la double peine et celui qui ne la paierait pas. Vous êtes dans une opération idéologique et l'amendement que nous examinons en est le coeur ; il doit être combattu.
Tout cela ne date pas du discours de Grenoble. Vous en parlez d'ailleurs comme d'une sorte de discours fondateur, ce qui n'est pas très glorieux pour la France – pour ma part, je préfère franchement le discours de Bayeux. En fait, tout a commencé lorsque M. Sarkozy est devenu ministre de l'intérieur. Le début de l'opération de grignotage de nos principes remonte à cette époque. Faut-il rappeler le nombre de lois sur la sécurité dont nous avons dû débattre ? Faut-il rappeler le nombre de lois sur l'immigration que vous avez fait voter ? Faut-il rappeler toutes ces brèches dans lesquelles vous avez essayé de vous engouffrer – car vos coups de boutoir sont permanents – pour remettre en cause nos principes, et pour substituer le droit du sang au droit du sol ?
Pour ces raisons, nous nous élevons contre cet amendement. Il ne s'agit pas d'une posture d'opposition contre la majorité, mais de la défense de certains principes. Je me trouvai cet après-midi avec Étienne Pinte, qui appartient à votre majorité. Comme le disait Mme Ameline et comme le diront, je l'espère, d'autres humanistes et républicains à droite, il s'exprimait très clairement contre ce projet de loi parce que ce dernier porte atteinte à nos principes.
Nous avons encore des raisons d'espérer, mais vous venez tout de même nous présenter comme une urgence ce projet de loi sur l'immigration alors que l'INSEE a publié des chiffres effrayants sur le nombre de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté dans notre pays – près de treize millions de Français. Et vous considérez comme prioritaire de durcir un peu plus les textes relatifs à l'immigration et la condition des migrants ! Non, ce n'est pas de l'angélisme de notre part de défendre des valeurs universalistes.