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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 16 septembre 2010 à 15h00
Avenant à la convention france - suisse en vue d'éviter les doubles impositions — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Monsieur le président, madame la ministre, nous sommes entre nous, et c'est donc l'occasion d'avoir un vrai débat, ce que le déroulement habituel de nos travaux ne permet pas toujours.

Le sujet de fond, c'est notre rapport à l'impôt. C'est un sujet de débat fondamental depuis deux siècles dans notre pays. Je vais vous lire un beau texte, madame la ministre : « Le principe de faire contribuer aux charges publiques à proportion du revenu n'est pas seulement fondé sur ce que le plus riche a un intérêt plus grand au maintien de la société, mais aussi sur ce que des sommes égales ont réellement pour lui une moindre importance. » C'est écrit par une belle figure de la révolution française, Condorcet. Ce texte reste toujours valable. J'étais dans une réunion publique, le week-end dernier, et on parlait de cette dame dont je fais la promotion depuis dix ans. (Sourires.) J'ai rappelé qu'elle paye en impôts environ 0,17 % de son revenu. Je veux parler de sa fortune connue parce que quand on est si riche, c'est comme les icebergs : il y a ce que l'on voit spontanément, puis ce qu'on peut imaginer. Mais n'allons pas dans le phantasme ! Restons-en à ce qui est établi : 0, 17 %. J'ai pris une personne au hasard devant moi, et je lui ai fait calculer le montant cumulé de son impôt sur le revenu, de sa taxe d'habitation et de ses taxes foncières. Elle, elle arrivait à 14 % de son revenu. Vous voyez que pour être fidèle à l'esprit de Condorcet, nous avons encore quelques marges de progression.

Madame la ministre, vous avez dit beaucoup de choses intéressantes – comme d'habitude d'ailleurs –, avec beaucoup d'urbanité. Nous avons pour une fois une discussion sur un tel sujet, et vous nous avez d'une certaine façon rendu grâce pour notre constance. Mais vous l'avez fort bien dit : il suffit pour un État de signer douze accords pour sortir des fameuses listes. Ainsi, M. Birraux a cité l'Inde dans les douze partenaires qui ont signé avec la Suisse. Pour ma part, je serais allé chercher des partenaires plus fiables. Certains des douze États concernés se sont acoquinés avec ceux qu'ils avaient déjà l'habitude de fréquenter et qui rencontrent les mêmes problèmes qu'eux. L'OCDE, qui n'est pas très sévère avec les paradis fiscaux, aurait pu être beaucoup plus exigeante, de même que le G20. Vous évoquez 500 accords signés. Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Il faudrait mettre dans la balance, d'un côté les accords dotés d'un vrai contenu et passés avec des États moraux, et, sur le second plateau, les autres. De ce point de vue, il ne suffit pas d'annoncer des chiffres comme vous l'avez fait.

Vous déclarez que votre politique est efficace. Je ne mets pas en cause les services fiscaux ni ceux de La Poste car nous avons des services très républicains, qui sont donc aujourd'hui à votre service comme ils seront demain au service d'une autre administration. Loin de moi l'idée de leur reprocher de fidèlement appliquer ce que vous leur demandez de faire. En vertu du nouvel avenant, vous aurez ainsi la possibilité de demander aux Suisses des informations sur tous les contribuables français. C'est bien que ce soit écrit dans le texte ; reste à voir comment cela va fonctionner. Non, madame la ministre, nous n'accueillons pas votre accord avec dérision, mais c'est l'expérience qui nous amène à être méfiants envers les descendants de Guillaume Tell. Quand Claude Birraux et Philippe Vigier parlent de révolution à propos de cet avenant, j'en conclus qu'eux et moi n'avons pas la même notion de la révolution. Car si Guillaume Tell la fit, je ne pense pas que les autorités suisses soient aujourd'hui sur cette voie, surtout pour tout ce qui touche à l'argent. Mais que la Suisse, comme l'a évoqué Claude Birraux, craigne pour son image, c'est vrai. Il lui faut donc des produits cosmétiques et de la chirurgie esthétique pour améliorer son image.

Monsieur Philippe Vigier, vous avez rappelé à juste titre que nous sommes tous deux au G24 ; souvenez-vous donc des propositions fort utiles que nous avons faites, et comparez-les avec celles que le Président de la République a reprises à son compte : vous verrez où nous en sommes vraiment.

Mon temps de parole s'épuisant peu à peu, monsieur le président, je vais aborder d'autres aspects de la question.

Madame Aurillac, vous avez dit que si nous sommes trop sévères, les grandes sociétés de notre pays s'en iront. Mais on ne peut pas donner la prime à l'esprit de trahison de l'intérêt national.

Madame la ministre, vous avez évoqué le shaming. C'est une notion extrêmement importante qui n'est pas reprise dans la traduction officielle française. Il s'agit de faire honte, de stigmatiser, de clouer au pilori. Je pense que c'est une très bonne technique que de désigner à la vindicte populaire et dans notre pays, et à l'étranger, ceux qui violent la règle définie par Condorcet.

M. Alain Cousin ayant indiqué que nous allions débattre de nouvelles conventions fiscales le 30 septembre, mes chers collègues, je connais la charge parlementaire de chacun, mais je souhaite que vous regardiez dans le détail ces textes qui vont nous être soumis, et surtout que vous lisiez ce qu'il y a en creux plus que les reliefs. En effet, parfois, dans les trous mal éclairés, se cachent des dispositions peu morales ou qui laissent subsister des réalités nuisibles et néfastes. Cela me donne envie d'utiliser le 30 septembre prochain la même procédure qu'aujourd'hui, pour que d'ici là vous ayez le temps d'étudier ces textes et qu'ainsi nous puissions confronter nos points de vue. Je suis sûr que certains d'entre vous ne sont pas loin d'être d'accord avec moi quand il s'agit de valeurs fondamentales touchant à l'intérêt collectif de la nation.

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