Pour les revenus, ce n'est pas pareil, en particulier, chez M. Raoult, pour Le Raincy, je ne parle pas de Clichy-sous-Bois.
…écoutez-les. L'inégalité entre le traitement infligé aux plus modestes et celui, que vous tolérez ou que vous confortez, qui est réservé à ceux qui trichent et sont à l'origine de tous les dysfonctionnements portant atteinte à notre économie nationale n'est pas supportable.
Je vais vous citer quelques chiffres pour vous faire prendre conscience de l'ampleur, de l'importance des paradis fiscaux.
Leur nombre a été multiplié par trois en trente ans et s'élève à environ soixante-douze aujourd'hui. Ils ne s'établissent plus seulement dans l'ombre de minuscules États mais s'affichent désormais au Delaware et à Monaco, au Lichtenstein, à Guernesey et, bien sûr, en Suisse, et on pourrait citer bien d'autres lieux. Les paradis fiscaux abritent deux fonds spéculatifs sur trois et hébergent plus de 2,4 millions de sociétés écrans, que l'on appelle dans ces pays – je ne sais pas, madame Lagarde, si vous êtes allé aux Bahamas ou au Panama, j'ai eu ce privilège, pour le compte de l'Assemblée –, les plate companies. Dans des immeubles ayant beaucoup d'étages, il n'y a aucun bureau mais on peut voir en bas de nombreuses plaques de cuivres, et le crime est signé, vous avez le nom de toutes ces sociétés qui servent de paravent pour blanchir.
D'après l'avocat fiscaliste Édouard Chambost, spécialiste du sujet, et cité par La Tribune, 55 % du commerce international, 35 % des flux financiers transitent par les paradis fiscaux. Selon lui, c'est bien la preuve qu'ils constituent aujourd'hui un rouage essentiel de notre économie. Environ 50 % des prêts bancaires et 30 % des investissements directs à l'étranger y sont enregistrés. En 2007, selon le Hedge Fund Research Institute, ces derniers avaient placé près de 1 200 milliards de dollars dans les paradis fiscaux. Au total, mes chers collègues, ce sont près de 11 000 milliards de dollars qui seraient abrités dans ces territoires, soit presque cinq fois le PIB de la France,
Dans l'un de ses rares moments de lucidité, ou d'honnêteté intellectuelle, le président Sarkozy avait d'ailleurs reconnu le poids économique exorbitant et la capacité de nuisance extraordinaire des paradis fiscaux. Ainsi, le 23 septembre 2009, il avait déclaré devant l'assemblée générale des Nations unies : « Il faut en finir avec les paradis fiscaux, car nous n'avons pas à tolérer les lieux où se cache l'argent de la spéculation, du crime, et l'argent de la fraude. Cela ne dépend que de nous, personne dans le monde ne comprendrait que nous transigions avec cet objectif. »
Or que s'est-il passé de concret depuis ? Rien, ou si peu. Certes, la France a établi une liste d'États ou de territoires non coopératifs, mais personne n'est dupe sur l'efficacité de cette liste, à commencer par ceux qui l'ont rédigée et qui l'ont fait disparaître d'une certaine manière dans les tiroirs. Les conventions que nous sommes amenés à ratifier ne règlent en effet rien.
Parlons de ces textes, de ces accords d'échanges d'information en matière fiscale. Depuis le mois de février 2009, votre majorité a ainsi approuvé vingt et une conventions. Comme cela devait initialement être le cas pour le texte que nous débattons aujourd'hui, elles ont toutes été adoptées dans l'indifférence la plus générale, et, surtout, avec une procédure d'examen simplifiée, qui, par elle-même, réduit la curiosité de nos collègues. Pour celles et ceux qui nous regardent et qui ne connaissent pas forcément les subtilités de notre règlement, cela veut dire tout simplement qu'il n'y a ni débat, ni même présentation des textes. C'est faire preuve de mépris vis-à-vis de l'institution parlementaire, et, dès lors qu'ils s'agit de textes importants, on devrait écarter cette procédure.
La question des paradis fiscaux est fondamentale et, en tant que telle, elle mérite le débat.
Dans un groupe composé de douze députés et douze sénateurs, que les journalistes appellent le G24, nous avons beaucoup travaillé sur la crise. Nous avons remis en septembre 2009 un rapport adopté à l'unanimité, qui contenait trente propositions pour passer à l'acte dans la lutte contre les paradis fiscaux. Le Président de la République nous a dit dans un élan qui nous avait beaucoup impressionnés qu'elles étaient très intéressantes, mais dites-moi celles qui ont été appliquées, celles qu'il a portées. Il y avait par exemple l'instauration d'une obligation de déclaration des prix de transfert, et je reconnais qu'il y a une petite avancée sur ce point dans votre texte, madame la ministre, la création d'un service fiscal judiciaire, le renforcement du dispositif de taxation des bénéfices réalisés dans un pays à fiscalité privilégiée, ou encore la dénonciation des conventions fiscales d'élimination des doubles impositions conclues avec les États qui ne coopèrent pas ou coopèrent insuffisamment ou l'interdiction pour les navires battant pavillon de complaisance de faire relâche dans nos ports. Il n'y a aucune volonté de donner une suite concrète à ce travail des députés et des sénateurs.
Pour conclure, je vais vous citer ce qu'a déclaré le 6 janvier 2010 le président d'honneur du Fouquet's, vous avez reconnu le Président de la République : « Comme je vous l'avais promis en 2009, nous avons mis fin au scandale des paradis fiscaux. Fantastique, la course actuelle – je le dis sous contrôle d'Éric Woerth – de tous ces pays qui veulent signer une convention fiscale avec la France. On leur demande pourquoi ils ne l'ont pas fait avant ! Vous savez qu'ils doivent en signer douze pour ne pas être sur la fameuse liste noire que j'ai exigée. Mais on est passé près de la faillite mondiale parce qu'il y avait ces paradis fiscaux. Je n'accepterai pas que les mêmes causes produisent les mêmes effets. » Et vous voyez les effets de manche qui vont avec ! Évidemment, nous en sommes restés au discours, mais la liste des conventions qui sont passées en procédure simplifiée suffit à nous édifier.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de voter cette motion de rejet préalable comme un acte de morale que je vous donne l'occasion d'accomplir.