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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 16 septembre 2010 à 15h00
Avenant à la convention france - suisse en vue d'éviter les doubles impositions — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

On en rencontre davantage également dans le 7e ! Je vous remercie de votre esprit de coopération, que j'avais déjà remarqué, madame Aurillac ! Vous êtes, en effet, une collègue fort sympathique. Nous partageons, de plus, sur ces bancs une certaine ancienneté, ce qui explique cette connivence dans l'efficacité, au moins dans le discours ! Pour le reste, en effet, ma chère collègue, en dépit de tout le respect que j'ai pour vous, vous avez encore quelques progrès à accomplir !

Que dire de cet accord ? Alors que la Suisse désirait à tout prix être retirée de la liste des paradis fiscaux, le Gouvernement français a jugé pertinent de lui offrir une contrepartie, ce qui n'a pas été dit tout à l'heure. Cette contrepartie est d'ailleurs telle qu'elle retire toute saveur à la seule disposition intéressante de l'accord, à savoir la mise à niveau de la Suisse quant aux critères internationaux de l'OCDE. L'article 9 de l'avenant vise, en effet, les intérêts, dividendes et redevances perçus par le biais des fonds de pension suisses. Les revenus perçus par ces structures, qui sont, à l'heure actuelle, soumis en France aux retenues à la source de droit interne, seraient désormais soumis à des retenues à la source conventionnelles bien plus faibles. Pour les intérêts, le taux de retenue, actuellement compris entre 0 et 18 %, serait ramené uniformément, monsieur Vigier, à 0 % ; pour les dividendes, le taux actuel de 25 % serait ramené à 15 % ; pour les redevances, le taux, actuel de 33,33 % serait ramené à 5 %. Nos collègues, tout comme Mme la ministre, n'ont, certes, pas voulu abuser de notre temps, en ce début d'après-midi. Mais pourquoi ne pas avoir voulu expliquer cela ? Vous faites un pont d'or aux riches Helvètes ! Telle est la réalité ! L'accord révèle donc un défaut majeur qui le gâche intégralement : le déséquilibre total, puisqu'il bénéficie aux contribuables suisses, plutôt qu'aux institutions de notre État. D'un côté, se situe la France qui obtient des informations en vue d'un recouvrement hypothétique de créances qui lui sont dues parfois depuis des années, de l'autre la Suisse qui obtient, d'une part, l'impunité pour les Français qui y sont partis – si ce n'est le lourd désagrément de recevoir une lettre recommandée qu'il faut aller chercher à La Poste – et, d'autre part, un abaissement du taux d'imposition pour ses propres nationaux au détriment de la France.

Cet accord a pour conséquences une diminution des recettes fiscales françaises, des cadeaux aux contribuables helvètes et des renseignements qui pourront être utilisés dans de belles lettres recommandées sans qu'aucune coopération ne puisse être envisagée pour le recouvrement effectif. Autrement dit, mes chers collègues, le Gouvernement n'envisage pas le recouvrement effectif de ces dettes fiscales qui sont, je vous le rappelle, la propriété de la nation. Il se rend ainsi complice de la fraude. La fraude est un vol organisé à l'encontre des Français. Permettez-moi de vous rappeler le mot célèbre de Charles Péguy : « Complice, complice, c'est pire qu'auteur, car c'est la lâcheté en plus. » Pour ma part, j'irai même plus loin que Charles Péguy. En effet, mes chers collègues de la majorité, si vous-mêmes et le Gouvernement restez tellement passifs en ce qui concerne la lutte contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux, ce n'est pas par « lâcheté », comme disait Charles Péguy. Affirmer cela serait vous faire porter un travers qui n'est pas le vôtre, parce que vous assumez. Ce n'est pas de la lâcheté, mais de la conviction ! Vous protégez les « États non coopératifs », comme vous les nommez pudiquement. Un collègue a, tout à l'heure, évoqué Saint-Martin, dont je pourrais vous parler pour m'y être déjà rendu. On pourrait même citer Saint-Barthélemy – qui est un morceau de la République française – et toutes les turpitudes des autorités locales ! Nul n'est besoin de convention, il suffirait d'appliquer la loi. Rappelez-vous ces gens qui se sont permis à Saint-Barthélemy de jeter à la mer des représentants des services fiscaux français ! Quelle sanction y a-t-il eu ? Aucune ! Plus que complices, vous êtes donc coupables de la perpétuation d'un système économique, d'un système de fraudes et de caisses noires qui prive la nation de rentrées fiscales colossales auxquelles elle a droit en vertu de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, je l'ai déjà dit. En ne faisant rien d'efficace pour lutter contre les paradis fiscaux, madame la ministre, mes chers collègues, vous vous rendez complice d'un système criminel – si l'on s'en tient au sens des mots ! Je ne dis pas que c'est vous qui ouvrez les comptes, mais vous laissez se perpétuer le système qui favorise le blanchiment et donc les infractions qui fournissent l'argent à blanchir. Et vous aurez compris que je ne parle pas uniquement de l'argent du crime organisé qui est évidemment, lui aussi, caché et blanchi dans ces territoires. On pourrait de nouveau parler, même si tel n'est pas notre sujet aujourd'hui, de Saint-Barthélemy, un des lieux où la mafia américaine vient se reposer, vous le savez !

Si j'ai tenu de tels propos sur cette espèce de complicité, c'est pour faire appel à votre sens de la morale. Nous ne sommes pas naïfs. Les seules valeurs qui restent aux possédants et aux privilégiés dont vous êtes les fondés de pouvoir – je vous le dis, même si cela ne vous fait pas plaisir – sont celles qui figurent sur les courbes de Wall Street, du Cac 40 et du classement annuel du magazine Fortune. La morale du président Sarkozy est à l'image de la formule du président Chirac : « Les promesses n'engagent que ceux qui les croient ». Éric Raoult, qui est un ancien proche du Président de la République me confirmera si la citation est exacte !

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