Les accords que je vais vous présenter concernent Antigua-et-Barbuda, Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie, la Grenade et Saint-Vincent-et-les-Grenadines, cinq Etats indépendants situés dans la mer des Caraïbes : Antigua-et-Barbuda et Saint-Christophe-et-Niévès sont au nord de la Guadeloupe ; les trois autres sont au sud de la Martinique. Ces anciennes colonies britanniques à l'histoire et aux structures économiques et politiques proches font l'objet de projets de lois sur l'échange de renseignements en matières fiscale strictement identiques, c'est pourquoi la Commission a décidé de leur consacrer un seul et même rapport.
Je ne m'étendrai pas sur les éléments de contexte de signature de ces accords qui sont désormais bien connus de tous. Ces Etats sont d'anciennes colonies britanniques ayant acquis leur indépendance entre les années 1970 et 1980 ; ils appartiennent aujourd'hui au Commonwealth.
Les économies de ces pays sont de taille modeste, leur PIB étant comprises entre 1,2 milliard de dollars américains pour Antigua-et-Barbuda et de 524 millions pour Saint-Christophe-et-Niévès. Leurs populations sont aussi très limitées puisque, à eux cinq, ils sont moins peuplés que le département du Morbihan où je suis élu ! On peut incontestablement les qualifier d'Etats confettis…
Mais les économies de chacun de ces pays pâtissent d'un manque de diversification. Le tourisme demeure une grande source de revenus, le cas d'Antigua-et-Barbuda est révélateur de cette situation puisque selon le FMI, 50 % du PIB émane directement de l'activité touristique. Cet Etat est en effet une destination très appréciée des Américains, notamment car il est plus moderne et mieux équipé que la plupart de ses voisins Ce n'est donc pas un hasard si les Etats-Unis ont conclu un accord d'échange de renseignements fiscaux avec lui dès 2000. Le secteur touristique représente aussi un peu plus du quart du PIB de Saint-Christophe-et-Niévès. La croissance économique de ces pays est également stimulée par le secteur de la construction, lui-même directement liés aux besoins touristiques, phénomène également observé dans les territoires français de Saint-Martin et Saint-Barthélémy.
Toutefois, ces cinq îles connaissent une forte dépendance vis-à-vis d'un secteur financier qui s'est développé sous l'effet d'une fiscalité favorable permettant l'afflux de capitaux étrangers. Les taux d'imposition sur les sociétés varient entre 25 % et 35 % mais les dividendes et les plus-values sont quasiment exonérés de toute taxe. De plus, l'imposition des dividendes des non-résidents est comprise entre 0 % et 25 % selon les pays. Ces transactions sont effectuées à l'abri de toute surveillance des instances internationales et des administrations fiscales internationales. Cette situation facilite le blanchiment d'argent de montants financiers importants issus du trafic de drogue ou d'armes, provenant d'Amérique du Sud et transitant par les Caraïbes.
Le secteur offshore est aussi florissant, comme sur l'île de Niévès où sont domiciliés 90 compagnies d'assurance, 3 800 trusts et environ 34 000 International Business Compagnies.
La récente crise financière n'a pas épargné ces archipels. En effet, plusieurs grands groupes des secteurs de la finance et des assurances ont fait faillite et mis en danger leurs économies.
Soucieux d'être retirés de cette liste « grise », les cinq Etats ont signé, le plus souvent entre l'automne 2009 et le printemps 2010, un nombre d'accords suffisants pour figurer sur la liste « blanche », soit, à l'heure actuelle, douze pour la Grenade, dix-sept pour Antigua-et-Barbuda, dix-huit pour Saint-Christophe-et-Niévès et pour Sainte-Lucie et dix-neuf pour Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Certains pays comme la Grenade ont remis de l'ordre dans leur fiscalité, puisque qu'une TVA a été approuvée par le Parlement, une réforme des impôts indirects est à l'étude et une taxe sur la propriété foncière devrait voir le jour d'ici à janvier 2011. Toutefois, ces réformes font figure d'exception, puisqu'il semblerait que pour le moment les engagements pour se conformer aux standards ne soient pas mis en oeuvre.
Ces accords bilatéraux ne comportent pas de différences majeures par rapport à ceux déjà étudiés par notre commission depuis plusieurs mois. Comme vous le savez ces accords ont été signés selon les modèles de l'OCDE mais comportent quelques améliorations, par exemple en ce qui concerne le champ des impôts couverts ou l'obligation pour les parties de prendre les mesures de nature à garantir la disponibilité des informations.
La conclusion de ces accords relatifs à l'échange de renseignements en matière fiscale avec des territoires encore considérés il y a peu comme non coopératifs est très importante pour eux, puisqu'elle leur a permis de sortir de cette catégorie et de retrouver une forme de respectabilité internationale. A ce jour, les cinq Etats n'ont pas notifié l'accomplissement des procédures internes requises pour l'entrée en vigueur des accords.
Pour la France, les enjeux ne sont pas du même ordre. Les bénéfices concrets – financiers – qu'elle peut en espérer sont impossibles à évaluer, de l'aveu même du Gouvernement. Mais ces accords ont en tout état de cause valeur de symbole : toute la communauté internationale – et en particulier le Forum mondial qui passera en revue la situation dans ces Etats au cours de l'année 2011 – sera attentive à ce que les signataires respectent leurs engagements, ce qui suppose que les accords ne soient pas seulement signés mais aussi entrent en vigueur et soient appliqués le plus rapidement possible.
Par conséquent, je vous invite à approuver ces projets de lois.