L'accord entre la France et l'Uruguay relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale s'inscrit dans la liste des nombreux accords de cette nature que la France a signés récemment et dont nous avons déjà eu l'occasion de débattre ici même. C'est pourquoi je ne m'étendrai pas sur les éléments de contexte désormais bien connus.
En revanche, je reviendrai plus en détail sur les particularités qui font de l'Uruguay une exception en Amérique latine mais aussi parmi les « paradis fiscaux » et sur les nombreux efforts dont fait preuve ce pays pour se conformer aux standards internationaux.
Souvent qualifié de « Suisse de l'Amérique latine » pour des raisons de fiscalité mais aussi de qualité de vie, l'Uruguay compte une population de près de 3,5 millions d'habitants dont le niveau de vie, à l'européenne, est bien plus élevé que dans les autres pays d'Amérique latine. L'économie uruguayenne, qui repose largement sur le secteur des services s'est distinguée par une très bonne tenue face à la crise internationale comme en témoigne la croissance positive de l'ordre de 2 % au cours de l'année 2009. Le PIB par habitant était alors de 10 000 USD soit 20 % de plus que la moyenne régionale, les perspectives pour 2010 sont encourageantes avec une croissance aux alentours de 4 % du PIB. Cette situation s'explique par un environnement économique et financier sain, caractéristiques encore relativement rares en Amérique latine.
Avant la crise argentine de 2001-2002, l'Uruguay était encore une place financière internationale relativement importante, notamment grâce au système bancaire qui bénéficiait du secret pour le développement des activités off-shore. Aujourd'hui le secteur bancaire présente trois caractéristiques, à savoir une très forte dollarisation, une extrême liquidité et enfin une faible représentation des crédits à 13 des dépôts.
Deux banques françaises étaient présentes en Uruguay jusqu'au début de cette année. Mais depuis lors, le Crédit Agricole – qui souhaite recentrer ses activités en Europe et méditerranée – et la BNP-Paribas ont déclaré qu'elles se retiraient des « paradis fiscaux non-coopératifs ».
Je souhaite attirer tout particulièrement votre attention sur les nombreux efforts de réforme de la législation interne que les autorités uruguayennes ont commencé de mettre en oeuvre depuis plusieurs années, effort qui se poursuit aujourd'hui. Dès 2007, une réforme a ainsi conduit à soumettre au droit fiscal commun des sociétés uruguayennes les sociétés financières off-shore et à partir du 1er janvier 2011, plus aucune de ce type de sociétés ne pourra être créée.
Dans la continuité du gouvernement précédent, l'ancien guérillero Tupamaros, José Mujica qui a pris ses fonctions de Président le 1er mars dernier fait de la lutte contre fraude et l'évasion fiscales l'une de ses priorités. Preuve en est, l'importante diminution des dépôts des non-résidents ramenés de 41 % à 17 % en 2010. Au début du mois de juin le nouveau ministre des finances, Fernando Lorenzo, a déposé un projet de loi sur la flexibilisation du secret bancaire. Cette réforme s'inspire directement des dispositions prises par le Chili avant son entrée dans l'OCDE. Elle prévoit d'étendre les cas qui permettent aux autorités d'exiger la levée du secret bancaire à la présomption de fraude fiscale, dans le cas de l'application des accords de non double imposition et d'échange d'informations mais aussi s'il y a présomption de fraude dans la déclaration patrimoniale.
Ces efforts pour le renforcement de la régulation financière ont été salués lors de la récente réunion du GAFISUD, groupe d'action financière de lutte contre le blanchiment d'argent en Amérique du Sud. Cette organisation a souligné la bonne volonté uruguayenne mais aussi la nécessité de fournir un effort supplémentaire dans le secteur immobilier et en particulier dans la station balnéaire de Punta del Este.
La structure même de cet accord est similaire à ce que nous avons déjà pu voir lors de l'examen des conventions précédentes puisqu'il est directement inspiré du modèle de l'OCDE. Néanmoins, il comporte des améliorations notoires. En particulier s'agissant des impôts couverts, l'article 3 détermine les impôts concernés par l'accord sans les énumérer allant ainsi plus loin que le modèle de l'OCDE. Cet accord contraint les parties à prendre les mesures de nature à garantir la disponibilité des informations et leur propre capacité à y accéder. Aucune prise en charge, par la partie requérante, des coûts éventuels n'est prévue. Enfin, la quatrième amélioration concerne les sociétés cotées puisque le présent accord ne fixe pas de limite dans l'échange d'informations relatives à ces structures.
Même si des interrogations persistent quant à la mise en oeuvre de cet accord, je tiens à souligner les bonnes intentions des autorités uruguayennes et je reste optimiste. C'est pourquoi je vous invite à approuver ce projet de loi.