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Intervention de Claude Birraux

Réunion du 15 septembre 2010 à 10h15
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Birraux, rapporteur :

Je crois que vous partagerez mon sentiment : comme je le dis en introduction de ce rapport, la liste des conventions fiscales que notre pays a négociées ces derniers mois n'aurait pas été complète si le gouvernement n'avait pas réussi à conclure un accord avec la Suisse. S'il est un pays avec lequel il est essentiel de pouvoir collaborer dans le cadre de la lutte contre les paradis fiscaux et la fraude fiscale, et de parvenir à plus de transparence, c'est bien celui-là.

Ce texte a une portée symbolique forte : le fait que la Suisse renonce enfin à invoquer le secret bancaire pour ne pas échanger d'informations fiscales est une forme de révolution, que le contexte international et la pression du gouvernement ont permis de réaliser.

Il faut rappeler que la France et la Confédération helvétique sont liées depuis de nombreuses années, depuis 1966 exactement, par une convention des plus classiques en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune. Ce texte avait déjà été amendé deux fois, en 1969 et en 1997, sans que son économie générale soit profondément bouleversée. A partir de 2005, une troisième révision avait été engagée, sur laquelle les deux Parties s'étaient d'ailleurs accordées. Au terme de cette négociation, la Suisse n'avait toutefois dérogé en rien à sa pratique traditionnelle et l'échange de renseignements fiscaux restait circonscrit aux renseignements nécessaires à l'application de la convention et aux situations constitutives de comportements frauduleux, au sens de la législation interne suisse. Ce projet d'avenant restait donc en retrait par rapport aux nouveaux standards internationaux, qui permettent désormais aux Parties, comme vous le savez, un échange étendu d'informations fiscales, sans limitation quant à la nature des impôts, des personnes et des renseignements visés par la demande, ni sans pouvoir non plus opposer le secret bancaire.

C'est au début de la procédure de ratification de ce premier projet d'avenant que la pression internationale exercée sur les pays considérés comme non coopératifs est montée d'un cran. Lorsque le G20, en mars 2009, a annoncé son intention de publier la liste des pays n'ayant pas adopté les standards de l'OCDE, la Suisse a immédiatement indiqué sa volonté de se mettre en conformité et d'adapter les conventions auxquelles elle était partie. La France a saisi cette occasion pour demander la réouverture des négociations sur l'avenant précité afin d'y introduire des dispositions relatives à l'échange de renseignements conformes aux standards de l'OCDE.

Cette nouvelle attitude des autorités suisses démontre l'efficacité que peut avoir la pression internationale pour faire bouger les choses. Les propos qu'a tenus le gouvernement de la Confédération devant son parlement sont à cet égard sans ambiguïté : la Suisse craint plus que tout les mesures de rétorsion qui seraient prises par la communauté internationale et qu'elle considère comme pouvant être très dommageables pour son économie. Elle a donc décidé de tenir le plus grand compte des changements intervenus sur la scène internationale, et prend même parfois les devants.

La Suisse souhaite intégrer le G20 et revendique une meilleure place dans la gouvernance mondiale du système financier, à laquelle elle considère pouvoir prétendre eu égard à son rang de 7e place financière mondiale. C'est la raison pour laquelle elle se montre aussi fort active dans la mise en oeuvre des décisions du G20. Nombre de réformes ont été adoptées ces derniers mois en ce sens, s'agissant notamment de l'encadrement des établissements bancaires, comme vous pourrez le voir plus en détail dans le rapport. En d'autres termes, la Suisse est aujourd'hui parfaitement consciente de son intérêt à coopérer avec les pays membres de l'OCDE, et le nôtre notamment. La preuve en est que dès 2009 elle avait, sans tarder, signé les douze accords nécessaires à son retrait de la liste grise. Elle continue sur sa lancée : elle vient de signer avec l'Inde une nouvelle convention. De leur côté, les partis politiques, pour ne pas risquer une crispation de la communauté internationale, se sont refusés à lancer la procédure de référendum qui aurait pourtant été possible, selon la constitution.

Les dispositions concrètes du texte de l'avenant reprennent largement le modèle de l'OCDE, sur lequel tout a déjà été dit, je n'y reviendrai donc pas. Ce qu'il est surtout important de relever, s'agissant de cet avenant, c'est le fait que, désormais, la Suisse ne pourra plus opposer le secret bancaire pour refuser de transmettre les renseignements demandés. L'article 7 de l'avenant consacre clairement la fin de l'opposabilité du secret bancaire suisse en précisant que : « En aucun cas les dispositions (du paragraphe 3) ne peuvent être interprétées comme permettant à un Etat contractant de refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci sont détenus par une banque (…) »

Par ailleurs, l'échange de renseignements fiscaux n'est plus restreint à l'application de la convention. C'est un des points sur lesquels la France a particulièrement insisté et qui a représenté une phase décisive de la négociation qui aurait pu achopper si cette question n'avait pas été réglée à la satisfaction de notre pays.

Le second aspect important de cet avenant concerne le régime fiscal des retraites des travailleurs frontaliers : 100 000 Français se rendent en Suisse chaque jour pour travailler. La convention fiscale actuelle prévoit l'imposition des personnes bénéficiant du versement de pensions exclusivement dans l'Etat dans lequel elles résident. Le système de retraite suisse repose sur trois piliers : un régime de base obligatoire, le même pour tout le monde, du balayeur au PDG, et deux régimes complémentaires, l'un obligatoire, le « deuxième pilier », le troisième étant facultatif.

Les pensions du deuxième pilier peuvent être versées en Suisse sous forme de capital, option qui n'existe pas en droit français pour ce type de pension. Consécutivement, lorsque des résidents en France, notamment anciens travailleurs frontaliers, perçoivent de telles pensions, elles ne sont aujourd'hui imposées ni en Suisse, aux termes de la convention en vigueur, ni en France, puisque notre droit interne ne prévoit pas de mécanisme d'imposition pour les pensions versées en capital. Les autorités suisses ont souhaité mettre fin à cette situation de double exonération, contraire au principe d'égalité devant l'impôt, d'autant plus injuste que les retraités qui perçoivent leur pension sous forme de rente sont, eux, imposés.

Les dispositions qui ont été introduites permettent de mettre fin à cette situation et elles ont suscité de la part des représentants des frontaliers travaillant en Suisse de vives inquiétudes, craignant le risque d'une double imposition, au motif que l'impôt à la source prélevé en Suisse sur leur salaire est prélevé sur un revenu brut, les cotisations de retraite n'étant pas ou peu déductibles. Cela concerne d'un côté les travailleurs du canton de Genève et d'autre par, pour ce qui est du deuxième pilier, tout le monde.

En fait, selon les renseignements que j'ai pu obtenir, les cotisations afférentes aux pensions en capital sont déduites, de manière réelle ou forfaitaire, au cours de la période d'activité des salariés frontaliers, qu'ils relèvent ou non du régime prévu par l'accord frontalier franco-suisse de 1983. S'ils sont imposés en France, les cotisations à des régimes de retraite obligatoires suisses, correspondant aux régimes de base et complémentaire français, sont déductibles de l'impôt sur le revenu en France ; s'ils sont imposés en Suisse, ils sont assujettis à la retenue à la source sur leurs salaires bruts, mais le barème applicable prévoit à leur profit une déduction forfaitaire. L'égalité de traitement entre les différentes catégories est donc préservée et je crois qu'on ne peut que souscrire à la disposition qui a été introduite, dont je rappelle qu'elle met fin à une situation de double exonération des pensions en capital de source suisse perçues par des résidents français, et qu'elle préserve à la France le droit d'imposer les pensions en capital si notre droit interne venait à évoluer sur ce plan.

A cet égard, j'ajoute que les précisions que j'ai pu obtenir de la part du cabinet de Mme Lagarde montrent que le gouvernement est soucieux des effets sur la progressivité de l'impôt sur le revenu que pourrait représenter une imposition unique au versement de la prestation de retraite en capital. La réforme du Code général des impôts que le gouvernement prévoit d'introduire permettra aux intéressés de demander des modalités spécifiques d'imposition. Concrètement, pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, le montant des prestations de retraite ainsi versées pourra, sur demande expresse de l'intéressé, être divisé par quinze, pour être ainsi étalé sur une durée correspondant à l'espérance moyenne de vie à l'âge du départ à la retraite. Ce dispositif replacera les intéressés dans la situation qui aurait été la leur s'ils avaient perçu leur retraite sous forme de rente et les effets sur la progressivité de leur impôt seront atténués.

Telles sont les principales dispositions de cet avenant à la convention fiscale franco-suisse de 1966 qu'il me paraît important de voir entrer rapidement en vigueur. Je vous recommande par conséquent d'approuver le projet de loi qui nous est soumis.

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