Je voudrais également rebondir sur ce qu'a très justement dit Jean-Paul Bacquet. Je suis un modeste médecin généraliste, mais qui exerce encore, dans la région de Dunkerque. C'est dans ce secteur qu'a été déchargé environ 80 % de l'amiante, mon collègue Decool le sait, et il y a chaque semaine, en moyenne, trois décès dus à l'amiante. Il faut imaginer ce que cela représente pour une agglomération de 300 000 habitants.
La remarque de Jean-Paul Bacquet est donc très juste, tout comme celle de M. le ministre concernant les mesures spéciales concernant l'amiante, pour lesquelles nous nous sommes battus. Dans le cas de l'amiante, on ne parle même pas de retraite à 60 ans : une grande partie des salariés exposés sont déjà morts à cet âge. On pratique des radios des poumons à 55 ou 57 ans, j'en fais régulièrement, et l'on ne voit rien. Mais deux ans ou dix-huit mois après, on peut être mort.
La réforme nous annonce un énorme progrès en réduisant le taux d'invalidité de 20 % à 10 %. Mais pour faire un dossier d'invalidité à 20 %, le docteur généraliste a déjà beaucoup de travail. Je peux vous assurer qu'il faut presque être cul-de-jatte ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'était plus facile à une époque, je parle d'expérience, peut-être même trop facile, mais actuellement c'est très difficile. Je peux vous montrer un certain nombre de cas dans lequel les gens travaillent encore, et un taux d'invalidité de 20 %, il faut vraiment se démener pour l'obtenir à l'heure actuelle.
Dans la première mouture de la loi, à 20 % d'invalidité, le départ était presque automatique. L'amendement du Gouvernement qui abaisse le taux à 10 % va rendre les choses encore plus dures, du fait de cette commission dont on ne connaît ni la composition, ni les critères.
Avec l'amiante, certaines personnes ont des plaques, et développeront la maladie. Imaginez l'épée de Damoclès que représente une exposition à l'amiante, avec des plaques pleurales qui vous valent une simple invalidité à 5 %. C'est terrible de savoir qu'on va mourir, sans savoir quand, mais qu'on n'est pas reconnu. Avec cette pseudo-avancée sociale des 10 %, ce qui va se passer est que l'on aura des taux d'invalidité de 5 %, de 7 %, ou de 9,99 % comme dans les supermarchés, mais on n'atteindra jamais les 10 %.