Quand on est dans cette situation, on risque donc d'arriver à la retraite malade, voire de ne pas y arriver, en tout cas d'avoir une espérance de vie à la retraite extrêmement courte. Tout le monde en convient donc, il faut discriminer, en quelque sorte, entre les situations, sur la base même de ce critère de pénibilité, puisque certains occupent des emplois pénibles alors que d'autres occupent des emplois qui ne le sont pas.
Le débat sur la pénibilité, nous l'avons eu, nous le poursuivons. Il fait apparaître qu'il faut distinguer pénibilité et incapacité. La clef de ce débat, c'est la prise de conscience du fait que l'exposition à des risques, à des facteurs de pénibilité, a des effets sur la santé qui sont différés, qui peuvent ne pas apparaître au moment de l'examen médical, du départ à la retraite. Telle maladie, tel handicap, tel cancer peut en effet n'apparaître que plus tard.
J'évoquerai, à l'appui de cette démonstration, un rapport présenté au Conseil économique, social et environnemental en juillet 2010 par M. François Édouard, qui porte sur le travail de nuit et s'intitule : « Le travail de nuit : impact sur les conditions de travail et de vie des salariés. » Je vais vous en lire deux extraits.
« La tendance observée depuis un certain temps est celle d'un développement du travail de nuit, principalement dans le secteur des services et pour la population féminine, dans un contexte plus général d'accroissement des rythmes de travail atypiques. C'est aujourd'hui près d'un salarié sur cinq qui travaille habituellement la nuit. »
Ce rapport se penche sur les conséquences du travail de nuit sur la vie, la santé et le devenir des salariés – et voici le second extrait :
« Diverses études, dont celle du Centre international de recherche sur le cancer, dépendant de l'OMS, font un lien entre le travail de nuit posté et la probabilité de cancer, notamment cancer du sein et cancer colorectal, en raison de la perturbation des rythmes circadiens et de l'affaiblissement des défenses immunitaires résultant d'une insuffisance de mélatonine. Du fait de l'exposition nocturne à la lumière, les femmes se trouvent exposées à des risques spécifiques liés à la grossesse. »
Je pourrais continuer mes citations. Ce rapport fourmille d'exemples et je vous en recommande la lecture. Il montre la réalité des dégâts causés à la santé par les facteurs de pénibilité que nous avons énoncés. Ce sont des critères sur la prise en considération desquels les partenaires sociaux sont arrivés à un consensus. Sur ces critères nous souhaitons construire – nous, mais pas vous ! – une véritable prise en compte de la pénibilité pour distinguer entre celles et ceux qui, occupant des emplois pénibles, auront une espérance de vie plus courte et ne pourront pas bénéficier de leur retraite et celles et ceux qui – tant mieux pour eux ! – pourront en bénéficier. C'est notre projet ; ce n'est pas le vôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)