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Intervention de Marie-Françoise Clergeau

Réunion du 13 septembre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Article 25

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Françoise Clergeau :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les femmes sont-elles soumises à des conditions de travail spécifiques ? Pour le savoir, je vous conseille la lecture des ouvrages d'Elsa Fayner, qui a beaucoup travaillé sur ce thème et qui nous donne par exemple le témoignage d'une infirmière : « à domicile, je fais beaucoup de manutention. Il faut lever les patients, sans aide ni matériel adapté. Une maison ne permet pas un tel équipement. Or, je suis seule et, parfois, les patients sont lourds. D'ailleurs, quand mon patient de 90 kg tombe, j'appelle les pompiers. »

Cette infirmière est infirmière libérale depuis trois ans. Auparavant, elle travaillait en clinique et imaginait que le travail à domicile serait moins pénible. Aujourd'hui, elle accumule les cervicalgies, les douleurs lombaires et dans les épaules. Elle poursuit : « J'ai des agacements dans les jambes quand j'essaie de m'endormir. Dès que je me couche, j'ai mal partout. Je me lève tôt, je finis tard, j'ai trop de charges et pas assez d'épaules. Je dépasse mes limites physiques et psychologiques. »

Les métiers exercés essentiellement par des femmes sont réputés moins fatigants physiquement, mais le cas de cette infirmière est-il unique ? Certainement pas.

Les femmes ont également d'autres spécificités, notamment en termes de secteurs d'emploi. En 2005, 86 % des emplois féminins se trouvaient ainsi dans le tertiaire, majoritairement dans la santé, l'éducation et l'action sociale, mais également dans les services aux particuliers ou aux entreprises et, dans une moindre mesure, dans le commerce et les administrations. Dans ces métiers, les tâches peuvent être physiquement pénibles – il faut porter des malades, travailler penchées pour faire le ménage, transporter des caisses et des palettes – mais elles ne sont pas forcément considérées comme telles, car elles n'entrent pas dans la définition habituelle de la pénibilité, issue du monde industriel.

Longtemps, les tâches infirmières n'ont pas été perçues comme comportant des risques. Il a fallu attendre les grèves de 1989 pour que les infirmières elles-mêmes déclarent majoritairement porter des charges lourdes.

De même, les expositions à certains produits chimiques nocifs dans la coiffure, le nettoyage ou dans certains établissements de santé, qui concernent majoritairement des femmes, ont été jusqu'à présent peu étudiées.

En outre, dans ces métiers dits « féminins », les contraintes psychosociales sont particulièrement prégnantes. Ce sont des activités qui limitent l'autonomie dans le travail, nécessitent souvent d'être en contact avec le public toute la journée et contraignent à des horaires difficilement compatibles avec les obligations familiales.

Enfin, ces métiers sont souvent solitaires, loin de toute activité collective, et considérés comme naturels pour les femmes. Il s'agit de métiers qui nécessitent apparemment attention, gestion des émotions et empathie, d'où le manque de prise en compte du stress, de la souffrance psychologique, des difficultés qu'il peut y avoir à accompagner des personnes dépendantes, à domicile, par exemple, et la quasi-absence de prévention des risques en la matière.

Monsieur le ministre, je ne dis pas que tout ce que je viens de mentionner doit être pris en compte au titre de la pénibilité. En revanche, vous revenez en la matière sur la loi votée en 2003, puisque, à l'époque, il avait été prévu de lancer une négociation avec les organisations syndicales, ce qui n'a jamais abouti. Vous avez changé de braquet, mais, en l'occurrence, nous ne sommes plus du tout sur les mêmes notions. Aujourd'hui, il est encore temps de définir des critères qui permettraient, notamment aux femmes, de partir plus tôt à la retraite et d'en profiter au maximum, dans les meilleures conditions physiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Successivement appelés, les vingt-cinq autres orateurs des groupes SRC et GDR, inscrits sur l'article, renoncent à la parole.)

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