Le groupe Nouveau Centre aurait préféré que la prévention de la pénibilité fasse l'objet d'une réflexion indépendante d'un texte sur les retraites. La pénibilité, en effet, c'est d'abord la pénibilité au travail et, M. le ministre l'a indiqué, elle peut être compensée par d'autres moyens. Il est également possible de faire de la prévention dans l'entreprise, afin de diminuer la pénibilité par différents moyens.
Il était donc important, pour le groupe Nouveau Centre, que l'on puisse travailler sur cette pénibilité en dehors d'un texte sur les retraites qui, bien évidemment, n'en compense qu'une partie. C'est ce qui, à mon avis, explique le dialogue de sourds auquel nous avons assisté tout à l'heure, la gauche voulant compenser intégralement la pénibilité, alors que, de l'autre côté de l'hémicycle, on estime que la pénibilité doit être reconnue, mais qu'elle ne doit pas forcément être compensée par un départ anticipé à la retraite.
Il me paraît important de rappeler que la prévention de la pénibilité en entreprise est de la responsabilité de l'employeur. Plusieurs amendements gouvernementaux tendent à réformer le système de santé au travail. La médecine du travail est là pour prévenir, donner des conseils, essayer d'améliorer les conditions de travail, mais, en aucun cas, elle n'est responsable de la mise en oeuvre de ces mesures de réparation ou d'amélioration des conditions de travail.
Par ailleurs, le texte qui nous est présenté traite de la pénibilité dans le cadre des retraites. Le Gouvernement propose de prendre l'incapacité de travail à partir de 10 %. C'est une avancée sociale très forte, mais qui laisse de côté toute la réflexion autour des risques psychosociaux, c'est-à-dire des maladies psychiques qui pourraient provenir de la pression psychologique au travail, et les maladies différées. Je reconnais que ces deux thèmes sont très difficilement mesurables pour être comptabilisés dans la réforme des retraites. C'est pourquoi le Nouveau Centre aurait préféré que l'on travaille sur la pénibilité en général, que l'on examine toutes les formes de pénibilité, tous les risques pour le salarié, que l'on étudie la manière d'améliorer les conditions de travail en entreprise, et que l'on s'occupe ensuite de les compenser dans le cadre de la retraite.
On n'est évidemment pas obligé de compenser la totalité de la pénibilité dans le cadre de ce texte. Cela pourra être fait dans le temps, en fonction de l'amélioration des connaissances scientifiques et des analyses qui auront été effectuées par l'observatoire de la pénibilité que vous avez introduit à l'article 1er.
L'article 25 traite de la traçabilité de la pénibilité dans le parcours professionnel. Il est important qu'elle reste confidentielle et il serait inconcevable que des documents retraçant la vie professionnelle et, surtout, l'exposition à des produits dangereux ou des postures particulières occasionnant des troubles musculo-squelettiques, soient visibles par un employeur au moment de l'embauche et empêchent un demandeur d'emploi de retrouver un travail par une forme de discrimination à la santé. Nous avons déposé un amendement proposant que ce carnet reste un document médical confidentiel, et ne circule pas entre toutes les mains.
J'en viens au service de santé au travail.
L'amendement déposé en dernière minute par le Gouvernement reprend divers amendements que j'avais moi-même présentés sur les missions du service de santé au travail, qui devait comporter la traçabilité de la pénibilité. Le Gouvernement a repris également l'exigence de pluridisciplinarité, car il est évident que le service de santé au travail est composé non seulement de médecins, mais de diverses professions médicales ou paramédicales.
L'indispensable indépendance de la médecine du travail vis-à-vis de l'employeur doit être réintroduite dans le texte. Auteur, l'an dernier, d'un rapport sur le budget du travail, je me suis rendu compte, lors des auditions, que, lorsque tout le service de santé était intégré et salarié de l'entreprise, l'employeur pouvait exercer des pressions pour éviter de prendre en compte telle ou telle préconisation de la médecine du travail. Pour ne rien vous cacher, ce cas s'est notamment présenté à France Télécom, l'année dernière. Il est évident qu'il faut maintenir et renforcer cette indépendance, de manière que les préconisations de la médecine du travail, qu'elle soit intégrée à l'entreprise ou mutualisée, puissent permettre l'amélioration des conditions de travail et diminuer la pénibilité.