Je vous encourage, ainsi que vos collègues de la majorité, à lire les écrits que M. Pierre Laroque a rédigés à la fin de sa vie, à la fin des années quatre-vingts, et dans lesquels il revient sur les conditions de la naissance de la sécurité sociale.
Il précise que, s'il a fallu fixer l'âge de départ à la retraite à soixante-cinq ans, qu'il considère comme un âge très tardif, c'est uniquement parce que la France sortait de la guerre dans un état très affaibli. Rendant compte de la loi de 1975 dont nous avons parlé, il estime heureux que des mécanismes dérogatoires aient été mis en place pour prendre en compte la pénibilité du travail et que certaines catégories de la population aient pu bénéficier d'un départ à la retraite à soixante ans. Pourtant M. Pierre Laroque n'avait rien d'un socialiste. C'est pourquoi nous ne parvenons pas à comprendre votre attitude.
En commission comme ici, M. le ministre a reconnu qu'il y avait deux manières de prendre en compte la pénibilité, fondées sur deux approches différentes des situations sociales difficiles : une approche individualisée et médicalisée, limitée au maximum pour des raisons financières, et une approche tendant à prendre en compte l'espérance de vie de certaines catégories de salariée, approche à laquelle vous avez renoncée. Cela est d'autant plus étonnant que vous présentez votre projet comme répondant à l'évolution de la démographie.
Si vous ne prenez pas en compte la pénibilité de certains métiers, vous devriez au moins prendre en considération la question de l'espérance de vie. Or vous prenez prétexte de l'allongement de celle-ci pour relever l'âge légal de départ à la retraite, sans tenir compte des différences existant en la matière. Il y a des dizaines, voire des centaines d'études sur le sujet, monsieur le ministre. Tout le monde sait qu'il existe dix ans d'écart entre l'espérance de vie en bonne santé d'un cadre et celle d'un ouvrier. C'est pourquoi nous prônons une modulation de la durée de cotisation des salariés.
Il s'agit d'une question de fond, qui aurait mérité un grand débat politique et social.
Reconnaissez que vous avez renié, pour des raisons financières et comptables, à la fois vos engagements de 2003 (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP), ceux que vous aviez pris au cours de la négociation sociale qui a eu lieu entre 2005 et 2008 et l'engagement de M. Xavier Bertrand de présenter rapidement, après l'échec des négociations, une loi au Parlement pour prendre en compte la pénibilité dans le travail. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ce faisant, vous avez trahi les engagements de vos prédécesseurs, qui étaient pourtant du même bord que vous, et vous avez raté la grande occasion qui s'offrait à vous de faire avancer de manière significative le droit social dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)