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Intervention de Régis Juanico

Réunion du 13 septembre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Avant l'article 25, amendement 459

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRégis Juanico :

L'article 12 de la loi de 2003 prévoyait que, dans un délai de trois ans, les organisations syndicales et professionnelles représentatives au niveau national devaient s'engager dans une négociation interprofessionnelle sur la définition et sur la prise en compte de la pénibilité. En ne donnant pas corps à ces engagements, en n'offrant pas de débouchés à ces engagements, vous avez renoncé à une grande idée.

Les négociations n'ont pas abouti entre les partenaires sociaux entre 2005 et 2008, tout le monde le sait. Néanmoins ces derniers s'étaient mis d'accord sur des points importants : la définition de la pénibilité, les critères de pénibilité et les mesures relatives au volet prévention.

Certes, les discussions n'ont pas pu aboutir sur le volet de la réparation, ni sur celui de la compensation de la pénibilité au travail, ou, pour le dire plus simplement, sur la question des départs anticipés de retraite. Cependant, l'accord des partenaires sociaux concernant le volet prévention de la pénibilité au travail est un point fondamental.

Rien n'était prévu dans votre texte initial sur la question de la prévention. Sur notre insistance, mais aussi sous la pression du mouvement social, vous avez intégré à la dernière minute, un peu à la va-vite, une réforme des services de santé au travail – nous y reviendrons dans la discussion –, prévoyant la négociation d'accords de branche ou d'entreprises sur la prévention de la pénibilité et l'aménagement des fins de carrière, même s'il n'est question, pour le moment, que d'un fonds expérimental public. En revanche, vous ne proposez toujours rien sur la formation des managers, sur celle des chefs d'entreprise et des salariés, ni même sur le renforcement des CHSCT ou des documents uniques.

Par ailleurs un accord était intervenu entre les partenaires sociaux – c'est extrêmement important – sur les critères et les facteurs de pénibilité au travail qui sont au nombre de trois : les contraintes physiques – le port de charges lourdes notamment –, l'environnement de travail agressif – l'exposition aux produits chimiques, par exemple – ou les rythmes de travail contraignants : travail de nuit ou horaires décalés. Ces critères figurent bien dans le projet de loi et ces facteurs d'exposition seront consignés dans un carnet de santé au travail, mais on peut se demander à quoi servira celui-ci puisque le dispositif d'incapacité physique que vous proposez s'appuiera non pas sur la traçabilité des facteurs d'exposition tout au long de la carrière professionnelle des salariés, mais l'état de santé d'un salarié à l'instant T.

De même – et c'est fondamental – les partenaires sociaux s'étaient mis d'accord sur une définition de la pénibilité au travail. Cette définition est simple : la pénibilité au travail résulte de sollicitations physiques ou psychiques de certaines formes d'activité professionnelle qui laissent des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé des salariés et qui sont susceptibles d'influer sur l'espérance de vie. Vous vous êtes bien gardés d'inscrire cette définition dans le projet de loi, tout simplement parce que vous avez choisi de ne pas traiter la pénibilité au travail, notamment ses volets réparation ou compensation.

Pour finir, je tiens, en quelques mots, à tordre le cou à trois mensonges proférés par le Gouvernement depuis maintenant quelques semaines sur la question de la pénibilité.

D'abord, premier mensonge, on ne peut pas dire – je viens de le démontrer – qu'il y ait à proprement parler dans ce texte un volet pénibilité au travail, au sens de la compensation des inégalités des espérances de vie. Il contient seulement un volet relatif aux incapacités physiques permanentes, l'incapacité étant l'état d'un individu qui se trouve empêché d'exercer son activité du fait de la maladie ou de l'accident. Vous allez donc simplement procéder à une extension des mécanismes applicables pour les accidents du travail ou les maladies professionnelles. Or un tel dispositif sera limité : même avec un taux de 10 % d'incapacité, on parle de 30 000 salariés concernés, ce qui représente 5 % des 700 000 salariés qui partent à la retraite chaque année. On est donc très loin des 15 % ou 20 % de salariés qui sont effectivement confrontés à la pénibilité.

J'ajoute que si le mécanisme est applicable à ceux qui ont un taux d'incapacité de 20 %, tous les salariés dont le taux est situé entre 10 % et 20 % ne seront pas concernés. Il faudra qu'ils répondent à une double condition : ils devront apporter la preuve de leur exposition aux risques professionnels et il faudra, en plus, l'aval d'une commission pluridisciplinaire qui devra établir le lien de cause à effet entre l'incapacité et l'exposition aux facteurs de pénibilité. Il n'y aura donc pas d'automaticité.

Surtout, ce mécanisme d'incapacité est extrêmement restrictif et injuste dans la mesure où en seront exclus tous les salariés exposés au travail de nuit – 4 millions de personnes – et, plus grave encore, tous ceux exposés à des produits cancérigènes, notamment l'amiante, et ceux atteints de cancers professionnels. On sait en effet que ces salariés peuvent ressentir les effets de leur exposition à de tels risques des années après leur départ à la retraite.

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