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Intervention de Gérard Bapt

Réunion du 28 octobre 2008 à 21h45
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Bapt :

En fait d'équilibre, notre pays a accumulé, depuis, près de 80 milliards d'euros de dette supplémentaire, après que M. Mattei eut laissé filé le déficit vers des records abyssaux en 2003 et en 2004. Autant de milliards que les contribuables auront à prendre en charge, avec la CRDS, d'ici à 2020, sans préjuger ceux qui s'ajouteront, au moins jusqu'en 2012. La situation budgétaire démontre que, année après année, vous vous installez dans l'accoutumance aux déficits sociaux, laquelle conduit à la dépendance à la dette : plus de 10 milliards d'euros tous les ans, en intégrant le FFIPSA, le fonds de financement des prestations sociales agricoles

Avant la crise du capitalisme financier, le Gouvernement se fixait comme objectif de ramener le déficit du régime général à 8,6 milliards d'euros en 2009, contre 8,9 milliards en 2008 et 9,5 milliards en 2007. Encore la Cour des comptes, dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, déplore-t-elle pour 2007 comme pour 2006 que soient pratiquées des opérations de contraction des comptes. La même Cour des comptes a été amenée en juin dernier, à l'occasion de la certification des comptes pour 2007, à majorer de 979 millions d'euros le déficit de cet exercice, pour trois opérations étiquetées « irrégularités comptables », lesquelles minoraient le déficit des branches maladie et vieillesse de respectivement 700 millions et 300 millions d'euros. En conséquence, la Cour des comptes a rectifié le tableau d'équilibre pour 2007 des régimes de base, en portant le déficit à 10,1 milliards d'euros, contre 9,1 milliards affichés par le Gouvernement, et à 11,4 milliards pour 2008. Elle a aussi refusé de certifier les comptes du recouvrement et de l'ACOSS, et a relevé la reconstitution d'une dette de 3,5 milliards de l'État, et ce malgré les versements intervenus en 2007, notamment l'apurement de 5,1 milliards d'euros du 5 octobre 2007. N'est-ce pas ce que l'on peut appeler, monsieur Door, l'échec de la loi de 2004 ?

Le solde du compte unique de disponibilités courantes ouvert auprès de la Caisse des dépôts et consignations, qui atteignait 6,9 milliards à la fin de 2005 et 12,5 milliards à la fin de 2006, s'est élevé à 20,1 milliards au 31 décembre 2007 – nouvelle preuve de l'échec de la loi de 2004.

Les finances sociales ont fortement pâti de l'inaction du Gouvernement, avec l'alourdissement des charges liées aux intérêts d'emprunt. Le découvert a atteint 27,6 milliards d'euros à la fin de 2008, tandis que la hausse des taux d'intérêt a provoqué une montée rapide des charges financières : 930 millions d'euros en 2008, contre 648 millions en 2007, soit plus de 100 millions d'euros de plus, en gaspillage de frais financiers, que ce que rapporteront les franchises médicales !

Pour appréhender la dimension réelle de la situation des comptes sociaux, il convient de prendre en compte celle des fonds participant à leur financement, le FSV, le Fonds de solidarité vieillesse, et le FFIPSA. Si la situation du FSV est meilleure que prévue en 2007, avec un solde positif de 0,9 milliard d'euros, le déficit cumulé s'élève à 4,8 milliards. Quant au FFIPSA, il est resté lourdement déficitaire – 2,6 milliards –, le déficit cumulé atteignant 4,9 milliards, dont 200 millions d'euros de charges d'intérêt. Vous nous proposez en 2009 de régler la situation de déficit chronique du FFIPSA : pourquoi avoir attendu si longtemps ?

La situation lourdement dégradée du régime général de la sécurité sociale résulte de l'échec des deux lois que vous nous aviez présentées comme les grandes lois de réforme, pour la branche maladie en 2004 et pour les retraites en 2003, comme l'a expliqué Marisol Touraine. En 2004, vous aviez prétendu réformer le pilotage de la sécurité sociale, supprimer les cloisonnements, installer des pilotes dans les structures, instaurer une maîtrise médicalisée des dépenses, réformer l'organisation des soins avec l'instauration du médecin traitant. Qu'en est-il aujourd'hui ? Le pilotage de l'assurance maladie est toujours éclaté, entre une UNCAM s'épuisant dans des discussions conventionnelles improductives, lesquelles font sans cesse la démonstration de son impuissance à maîtriser les dépenses de la médecine de ville – vous l'avez vous-même observé, monsieur le ministre – et une UNOC fantomatique.

Seule la maîtrise des dépenses hospitalières s'est révélée être un succès, avec le respect de l'ONDAM hospitalier, notamment public. Je reviendrai sur la question, particulièrement préoccupante, de l'hôpital public.

Nous ne sommes donc toujours pas sortis des cloisonnements, pourtant bien identifiés en 2004, entre santé publique, prévention, organisation des soins et gestion du risque, entre l'hôpital et la ville, entre le médical et le médicosocial. La crise sanitaire s'est aggravée, qu'il s'agisse des déserts médicaux, qui s'élargissent, des difficultés persistantes de la permanence des soins après la décision désastreuse de M. Mattei de supprimer l'obligation déontologique s'appliquant à l'ensemble des exercices médicaux, dans le public et le privé.

Les difficultés d'accès aux soins se sont aggravées pour des raisons démographiques, mais aussi à cause de la généralisation des dépassements d'honoraires trop souvent pratiqués sans tact ni mesure. Le Gouvernement et la majorité en avaient longtemps nié l'importance, avant qu'ils ne soient évalués par l'IGAS en 2007 et dénoncés par un nombre grandissant de patients.

Des difficultés d'accès aux soins, les ayants droit à la couverture médicale universelle complémentaire en rencontrent aussi, face aux refus de soins qui s'expriment de manières diverses et souvent camouflées. Sur cette question aussi, le Gouvernement et sa majorité ont longtemps été sourds, refusant de reconnaître, pour le corriger, ce scandale sanitaire et déontologique. Cette année, enfin, seront prises des initiatives qui n'ont que trop tardé. Nous en discuterons les modalités lors de l'examen des articles et des amendements. Mais que de temps perdu !

Et c'est encore du temps que vous avez perdu en négligeant volontairement de prendre en compte la région comme l'échelon le plus pertinent pour l'organisation du système de santé. Cela permettrait pourtant d'assurer l'ensemble du continuum entre la prévention, la surveillance sanitaire, l'organisation de l'offre de soins, le parcours coordonné des soins dans le cadre de réseaux, ainsi que la prise en compte des besoins, sur la base d'indicateurs de santé et démographiques. Il serait temps d'adapter l'offre de soins et les réponses médicosociales à la réalité des territoires. La loi Hôpital, patients, santé et territoire, qui sera discutée en 2009, va créer des agences régionales de santé, mais ses premiers effets ne se feront sentir que dans quatre ou cinq ans.

Temps perdu aussi, depuis 2004 et après la suppression, pour raison idéologique et pour donner satisfaction aux corporatismes, du statut du médecin référent. C'est l'échec des négociations conventionnelles en matière de répartition de l'offre de soins de premier recours, de maîtrise de la prescription médicale, de réponse aux aspirations nouvelles des jeunes générations de médecins, qui vous conduit aujourd'hui, en matière de PDS, de démographie, de mise en place de nouveaux cadres d'exercice et de nouveaux modes de rémunération, à rompre avec les dogmes sur lesquels sont encore arc-boutés certains conservatismes syndicaux, sur la base desquels le gouvernement précédent et M. Bertrand n'ont cessé de dénoncer auprès de la médecine libérale, notamment dans ce que M. Bertrand appelait le SAV, le service après-vente de la loi de 2004, les propositions formulées par les socialistes !

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