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Intervention de Gilbert Le Bris

Réunion du 26 juin 2008 à 15h00
Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilbert Le Bris :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, le choix du Président de la République et des auteurs du Livre blanc – je cite en premier celui qui porte la plus grande responsabilité – de ne pas prendre de décision au sujet du deuxième porte-avions est un gâchis, un déni de démocratie et une ineptie.

Un gâchis d'abord, parce que reporter la décision aux environs de 2012 – ce qui ne saurait être une simple coïncidence en termes d'échéances électorales –, c'est à coup sûr rendre inutiles les quelque 200 millions d'euros déjà dépensés pour ce projet, dont plus de la moitié pour aider au dessin des porte-avions anglais. On peut d'ailleurs mettre cette somme en parallèle avec les 250 millions d'euros annoncés par le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire pour la restructuration des territoires touchés par la fermeture des sites militaires. Nous avons donc, d'un côté, 200 millions d'euros dépensés en vain, de l'autre, 250 millions d'euros seulement pour agir sur des territoires traumatisés. Il y a de quoi tirer son chapeau devant de tels choix financiers !

L'absence de décision a également pour conséquence de rendre vains les efforts d'une équipe de 80 spécialistes travaillant à temps plein sur ce dossier depuis 2005 et d'occasionner la perte des 1 500 emplois créés pour la durée de construction. Elle constitue, enfin, un reniement de la loi de programmation 2003-2008 qui entérinait cet investissement. Votre honnêteté intellectuelle doit en souffrir, madame Alliot-Marie, vous qui, en tant que ministre de la défense, avez à l'époque affirmé inscrire 700 millions d'euros pour ce programme dans la loi de finances 2007 afin de le rendre irréversible.

On prend nos compatriotes pour des dupes et les militaires pour des naïfs, avec un report qui s'apparente à des soins palliatifs appliqués à un projet que la droite balade de report en report depuis 2002, faute d'oser avouer le renoncement qu'il faut pourtant désormais constater !

L'absence de décision constitue également un déni de démocratie. Comment les élus de l'UMP ont-ils pu entériner ce choix d'un deuxième porte-avions en période électorale, pour le couler maintenant d'une honteuse manière dans le gouffre des économies budgétaires à effectuer, dont ils avaient connaissance dès le départ ? Le 7 février 2007, le candidat Sarkozy se déclarait favorable à « cette évidence opérationnelle et politique » qu'est le deuxième porte-avions. Le 24 juin 2007, M. Morin, ministre de la défense, affirmait : « si l'on est cohérent, il faut un second porte-avions. C'est la volonté du Président de la République, c'est acté ». L'ex-Président de la République, Jacques Chirac, avait coutume de dire que, comme les gendarmes, les porte-avions vont forcément par deux. Enfin, le président de la commission de la défense de notre assemblée expliquait qu'avoir un seul porte-avions revenait à n'en avoir qu'un demi. Tous savent qu'en trahissant leur promesse, ils commettent un reniement et une tromperie démocratique.

Ce reniement est en outre une ineptie, dans la mesure où le processus de « maritimisation » de notre planète s'accroît. Les océans représentent toujours 71 % de la surface du globe et nous continuons à exercer notre souveraineté sur 11 millions de kilomètres carrés, soit vingt fois plus que notre superficie terrestre. De plus, 80 % du commerce mondial en termes de volume transporté, et les deux tiers en valeur, passent déjà par voie maritime. Ainsi s'accroît régulièrement la composante maritime des menaces pesant sur nos nations, et les crises de ces dernières années ont prouvé la pertinence d'une projection de puissance et de force.

Il convient donc de réaliser un deuxième porte-avions, afin de pouvoir en disposer sur 100 % du temps et non plus sur 60 % seulement, comme c'est le cas actuellement. Il n'est plus acceptable de ne disposer qu'à temps partiel – mais pour un coût d'au moins 15 milliards d'euros, en comptant les aéronefs – d'une capacité de projection de puissance, de mise en oeuvre de la composante nucléaire embarquée, de gestion des crises dans la dimension préventive, diplomatique ou humanitaire, et de participation à de potentielles coalitions.

Certes, il y a la question du coût. La commission du Livre blanc a bien dit qu'elle ne doutait pas de l'utilité du deuxième porte-avions, mais que le contexte actuel de rareté budgétaire ne permettait pas sa réalisation. Pourtant, un investissement de l'ordre de trois milliards d'euros répartis sur dix ans, ce qui représente des annuités de 300 millions d'euros, ne paraît pas excéder les moyens budgétaires de la France. D'autant que ce coût doit pouvoir être optimisé en réexaminant l'option d'un deuxième porte-avions à la lumière des nouvelles données que constituent le renchérissement du pétrole, le choix volontariste mais autonome des Anglais, l'excellence de la technologie française dans le domaine de la propulsion. Il n'y aurait que des avantages à se placer dans l'hypothèse d'un second Charles-de-Gaulle actualisé, évolutif, contemporain.

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