…je voudrais quelques éclaircissements.
Concernant le lien entre les économies de fonctionnement et le financement de nos capacités, je veux vous poser une question simple. Vous allez procéder à la diminution des effectifs de nos armées. Le Président de la République a annoncé, porte de Versailles, une réduction des effectifs de 54 000 hommes. Je me suis penché sur la pyramide des âges de nos armées et j'ai constaté, comme vous d'ailleurs, qu'il serait vraisemblablement très difficile d'atteindre cet objectif par le départ naturel. Il faudra donc mettre en oeuvre des mesures sociales.
Quelles seront ces mesures sociales ? Sont-elles aujourd'hui arbitrées et évaluées ? Quel est le montant que vous entendez y consacrer de manière à atteindre la cible autrement que, brutalement, par des licenciements secs, ce qui est une hypothèse que vous n'avez d'ailleurs jamais évoquée ? Nous ne disposons d'aucune information concernant l'arbitrage ou le montant, ni, ici, dans cet hémicycle, ni au sein des états-majors, qui attendent des réponses.
Il faudra bien entendu déduire le montant des économies attendues du montant des mesures sociales. J'ai cru comprendre que vous attendez trois milliards d'économies chaque année pour les réinjecter dans nos capacités. Est-ce que ces trois milliards d'économies intègrent le coût des mesures sociales non encore arbitrées ?
La deuxième question se rapporte au financement de nos moyens capacitaires, qui sera effectué, si je comprends bien, grâce à des économies budgétaires. À cet égard, je prendrai un exemple très concret qui est celui de DCNS, que je connais mieux que d'autres.
Si vous avez été obligés de procéder à des arbitrages au terme de la présentation du Livre blanc, ce n'est pas simplement parce que les socialistes, depuis 1848 en passant par le Front populaire, le Cartel des gauches et 1981, n'ont pas consacré à la défense les moyens qu'on était en droit d'attendre d'eux – viendra d'ailleurs un moment où vous aurez gouverné depuis si longtemps que vous devrez rendre des comptes sur votre propre politique ; non, si vous êtes obligés de procéder à des arbitrages, vous l'avez dit vous-même devant la commission de la défense, c'est parce qu'une grande partie des programmes de la précédente législature n'a pas été financée, madame la ministre. Je vais citer des exemples concrets.
Le financement du programme FREMM reposait sur un dispositif si baroque – treize dix-neuvièmes financés par le ministère du budget, six dix-neuvièmes par le ministère de la défense – qu'il a suscité des interrogations de la part du ministère du budget, qui n'a pas fourni les sommes correspondantes, contrairement au ministère de la défense. Voilà qui montre le caractère extraordinairement aléatoire de vos montages financiers. L'argent n'est tout simplement pas là pour abonder ce programme, censé garantir des années et des années de plans de charge pour DCNS.
Par ailleurs, madame la ministre, lorsque vous étiez ministre de la défense sous la présidence de Jacques Chirac, vous avez signé un contrat pour le programme Barracuda aux termes duquel six sous-marins devaient être commandés une fois tous les deux ans. On nous indique maintenant qu'ils le seront une fois tous les trois ans. Et j'aimerais savoir, monsieur le ministre, si ces informations sont justes.
Vous avez également engagé, madame la ministre, une coopération franco-britannique en vue de réaliser un porte-avions. Elle était censée faire diminuer les coûts : à combien s'élèvent-ils ? Elle était censée accroître l'interopérabilité : qu'en restera-t-il dès lors que la construction de ce navire est reportée ? À un moment où l'argent public est rare, est-ce là une politique susceptible de l'allouer dans de bonnes conditions aux programmes nécessaires au déploiement de notre marine nationale sur les théâtres d'opérations extérieures ?
Ces questions précises appellent des réponses précises.
Je voudrais également savoir, monsieur le ministre, quelles seront les conséquences de ces étalements sur les effectifs de DCNS, alors que 54 000 emplois ont déjà été supprimés ? Y aura-t-il un plan social ? Si oui, est-il financé et quelles mesures sociales comptez-vous prendre ? Rappelons que, devant le comité d'entreprise, certains dirigeants ont indiqué qu'il pourrait y avoir des suppressions d'emplois en nombre.
Au-delà des effectifs et de l'emploi industriel, quelle politique de construction des industries de défense proposez-vous de mettre en oeuvre ?
Enfin, monsieur le ministre, l'absence de lien entre l'aménagement du territoire et la défense peut sans doute se concevoir aisément Porte de Versailles. Mais, sans parler des socialistes qui ont l'esprit mal tourné, quand le député UMP de Commercy se plaint des conditions dans lesquelles certaines décisions ont été mises en oeuvre des mesures d'accompagnement des territoires avant de décider leur déménagement.
Enfin, monsieur le ministre, j'en viens à l'OTAN. Comme Jean-Michel Boucheron, je me pose un certain nombre de questions sur la réalité des intentions qui vous animent. Selon vous, il n'y aurait aucune raison de ne pas intégrer l'OTAN et de ne pas assumer cette décision devant l'opinion publique puisque nous en ferions déjà fait partie et que l'Union européenne ne concevrait pas la construction de l'Europe de la défense autrement qu'au sein de cette organisation. Nous avions pourtant compris que, jusqu'à présent, c'étaient les États-Unis qui ne concevaient pas la construction de l'Europe de la défense autrement que sous l'égide de l'OTAN. Nous les avons vus à plusieurs reprises à l'oeuvre, notamment sous la présidence de François Mitterrand qui fut à ce sujet d'une extrême vigilance, pour faire échouer l'Europe de la défense plutôt que de la voir se développer en dehors de l'OTAN et leur échapper.
Qui plus est, vous voulez rejoindre le commandement intégré de l'OTAN à un moment où les États-Unis n'ont jamais mené une politique aussi unilatérale, affirmant leur hyperpuissance au nom d'une vision du monde fondée sur l'idée d'un conflit entre les civilisations qui, comme le disait excellemment Jean-Michel Boucheron, nous autoriserait nous, Occidentaux, à porter nos valeurs partout par la guerre, sous prétexte qu'elles sont supérieures à celles des autres.