L'espérance de vie augmente, c'est vrai, mais les années entre quatre-vingt-huit ans et quatre-vingt-dix ans ne seront pas les plus agréables, nous le savons. Tel n'est pas le cas après soixante ans, alors que le salarié est encore en bonne forme physique. Vous allez priver de nombreuses personnes qui ont travaillé dur toute leur vie de deux années. Deux ans, c'est énorme, lorsque l'on arrive à soixante ans, quelques-uns ont déjà pu le constater, d'autres ne tarderont pas à le faire ici-même.
L'ajustement se fera au rythme des uns et des autres. Ceux qui auront eu des carrières longues pourront partir à soixante ans, c'est la seule certitude que nous ayons aujourd'hui, car vous ne leur faites aucun cadeau ; les autres continueront à leur rythme. Le Front de gauche et le parti communiste défendent avec conviction la retraite à soixante ans à taux plein pour tout le monde. Nous, nous ne disons pas cela. Nous avons accepté que la retraite à taux plein n'intervienne qu'au bout de quarante et une annuités. C'est une manière de prendre en considération le problème démographique. Nous considérons qu'il faut laisser le choix. Certains peuvent avoir envie d'arrêter pour des raisons diverses : gagner au loto, au casino ou bénéficier de dégrèvements…
Pour nous, ce n'est pas une mesure absurde : c'est une mesure humaine, chacun partira à son rythme. Vous verrez que ceux qui ont commencé plus tard, fait des études – tant mieux pour eux ! – partiront plus tard, car ils n'auront pas de retraite à taux plein. C'est déjà ce que l'on constate sur le terrain. Regardez autour de vous. De nombreuses personnes diffèrent leur départ, car elles n'ont pas les trimestres nécessaires. Ce sera encore plus le cas à l'avenir. Il y a a priori une certaine corrélation entre ceux qui ont commencé tôt un travail pénible et ceux qui ont commencé plus tard des travaux moins pénibles. Tout cela s'ajustera à peu près harmonieusement.
Que constaterons-nous lorsque votre projet aura été voté ? Cela a été dit à plusieurs reprises ce matin : vous allez créer des vieux chômeurs entre cinquante-huit, cinquante-neuf ans, tous ceux qui attendront d'arriver à soixante-deux ans pour toucher leur retraite, car quels que soient les efforts qui seront accomplis, nous ne rétablirons pas le travail pour tous jusqu'à soixante-deux ans. À cet égard, il faudrait que le MEDEF joue le jeu. Chaque fois qu'il y a des plans sociaux, des licenciements dans une entreprise, c'est immanquablement le vieux salarié qui est visé : il est un peu moins productif, il coûte cher et on a hâte de le remplacer par un plus jeune. C'est la réalité. Vous aurez donc encore des chômeurs, que vous devrez indemniser.
Notre projet est beaucoup plus juste et humain. Notre méthode d'individualisation reconnaît la pénibilité. Avec le départ à soixante ans, nous la reconnaissons, de fait, a minima, ce que vous ne faites pas. Nous avons prévu des recettes correspondantes pour financer le départ des salariés à soixante ans, car cela représente un coût.
Ce n'est visiblement pas votre choix. Nous souhaitons défendre avec conviction une catégorie de Français : les sans-grade, ceux qui travaillent, qui n'auront jamais la légion d'honneur.