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Intervention de Philippe Vitel

Réunion du 26 juin 2008 à 15h00
Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale — Déclaration du gouvernement et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vitel, vice-président de la commission de la défense et des forces armées :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, empêché pour des raisons personnelles, notre ami Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées, m'a chargé de vous demander d'excuser son absence et, en ma qualité de vice-président de cette commission, de vous faire part du contenu de l'intervention qu'il souhaitait présenter à cette tribune.

Depuis plus de dix mois la commission installée en août 2017 par le Président de la République a produit un travail considérable, tant en qualité qu'en quantité, pour proposer au chef des armées le Livre blanc sur la sécurité et la défense nationale. Membre de cette commission, avec son homologue du Sénat et deux parlementaires de l'opposition dont il regrette qu'ils aient cru devoir démissionner, Guy Teissier voudrait apporter un double témoignage.

C'est d'abord celui de la profondeur et de l'objectivité de la réflexion : rien n'a été laissé au hasard ou abordé superficiellement. Les conclusions et options proposées à la décision du Président de la République ne doivent donc rien à l'approximation et sont fondées dans leurs concepts comme dans leurs conséquences capacitaires ou budgétaires. Sans aucun a priori ni tabou, tous les éléments de notre politique de défense et de sécurité ont été soumis à un examen critique.

Guy Teissier souhaite ensuite souligner l'association du Parlement aux réflexions de la commission du Livre blanc. Tout d'abord, deux représentants de chacune des assemblées ont été nommés membres de cette commission, ce qui lui a permis d'exprimer des vues particulières par rapport aux experts, militaires ou membres de la société civile qui composaient cette institution. Ensuite, dans la phase terminale de l'élaboration du Livre blanc, les commissions compétentes des assemblées ont pu non seulement prendre connaissance du projet de document, mais également formuler, dans un nécessaire huis clos, leurs remarques et propositions. Cette toute nouvelle méthode, bien avant le projet de réforme constitutionnelle, renforce les droits du Parlement.

Ainsi a pu être produit un document qui, contrairement à de nombreux rapports formulant des propositions, détermine des politiques de sécurité et de défense à court, moyen et long terme, en y associant les capacités et les ressources budgétaires. C'est, en un mot, une référence dans ces domaines régaliens qui sont cruciaux pour l'avenir de la nation.

Dans le monde tel qu'il est aujourd'hui, profondément bouleversé par rapport à ce qu'il était en 1994 lors de l'élaboration du précédent Livre blanc, il a semblé, dès le début des travaux, que l'enjeu essentiel résidait dans la détermination et l'affirmation de l'ambition de la France sur la scène internationale.

Que n'aurait-on entendu si le choix avait été fait de « réduire la voilure », de renoncer à notre tradition d'acteur essentiel des relations internationales et de reculer devant nos responsabilités de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU ?

Le Livre blanc trace au contraire le cadre d'une politique ambitieuse, surtout en matière de défense, bras armé de notre diplomatie, afin que les valeurs de respect des droits de l'homme et de justice, dont nous voulons être les promoteurs et, si nécessaire, les défenseurs, guident les relations internationales.

J'en viens maintenant au contenu concret du Livre blanc, conséquence cohérente des choix politiques et stratégiques fondamentaux qui ont été retenus.

En premier lieu, le contrat opérationnel de chacune des armées devait être adapté aux réalités des engagements possibles de nos forces, sur le territoire national comme hors de nos frontières. Cela se traduit par une réduction des contrats qui n'est en contradiction ni avec la préservation de la sécurité de notre population et de nos biens ni avec le maintien d'une posture active sur la scène internationale pour préserver nos intérêts comme pour résoudre les crises. La qualité de nos équipements et de nos hommes est un facteur au moins aussi déterminant, sinon plus, que la quantité des divisions alignées.

En ce qui concerne nos engagements extérieurs, deux éléments paraissent déterminants. Il est tout d'abord certain que la grande majorité de nos opérations extérieures se déroulera dans un cadre multinational, européen ou autre. Dans ces conditions, pouvoir projeter 30 000 hommes et soixante-dix avions de combat à 7 000 ou 8 000 kilomètres est certainement significatif et suffisant.

Si nous devons intervenir seuls, le besoin sera évidemment très inférieur et il est alors décisif de disposer dans les zones les plus stratégiques de forces prépositionnées ou de facilités de stationnement. Elles sont prévues dans le cadre d'une implantation sur chaque façade océanique de l'Afrique ainsi que dans le golfe arabo-persique.

Il faut, en second lieu, conserver et développer pour chacune de nos armées les aptitudes et capacités d'entrer en premier sur un théâtre d'opérations et de tenir le rôle de nation-cadre pour un engagement multinational. Nous faisons partie du club très restreint des pays qui veulent et peuvent le faire, au prix d'ailleurs d'un ticket d'entrée assez élevé. C'est un déterminant de la puissance, patiemment acquis par nos armées pour la France, et qu'il était essentiel de préserver.

Quant à la défense du territoire national, si elle n'est pas, à horizon prévisible, l'une des missions premières de nos armées faute de menace réelle sur son intégrité, elle n'en demeure pas moins le fondement de leur légitimité. Avec les composantes de notre dissuasion nucléaire, les formats retenus pour la partie conventionnelle de nos armées seraient en mesure de faire face avec efficacité à une surprise stratégique. Il me paraîtrait pourtant indispensable de développer un système de réserves opérationnelles à même de permettre une montée en puissance rapide de notre défense par la mise sur pied d'unités nombreuses dans chacune des trois armées.

Les ressources financières dédiées à notre défense seront maintenues en volume jusqu'en 2011 puis augmentées de 1 % de plus que l'inflation à partir de 2012. Cette décision permettra à la fois de préserver le pouvoir d'achat de la défense et de participer à l'effort national de maîtrise des finances publiques.

D'ici à 2020, ce sont donc au total plus de 377 milliards d'euros qui seront consacrés à notre défense, notamment pour permettre le nécessaire renouvellement de nos équipements à hauteur de 200 milliards d'euros.

Il n'est pas souhaitable d'entrer dans la querelle byzantine sur le pourcentage précis que ces crédits représentent annuellement par rapport à notre produit intérieur brut. La diversité des périmètres qui peuvent être retenus rend le débat sans limites et stérile. Reste qu'il marque un effort particulier dans le contexte de fort endettement où se trouve notre pays. Mais l'acuité des défis que doit affronter notre sécurité justifie sans conteste l'exception faite en sa faveur.

Toutefois, dans le cadre budgétaire ainsi fixé, il s'agira d'adapter nos programmes d'armement aux impératifs des missions actuelles. Le besoin de financement supplémentaire, mieux connu sous le nom de « bosse », est de 70 milliards d'euros jusqu'en 2020 pour financer les programmes lancés, alors que, pour le Livre blanc, des capacités nouvelles d'alerte avancée ou de couverture radar basse altitude sur tout le territoire apparaissent indispensables.

Les économies attendues de la RGPP, si elle va à son terme selon le schéma proposé, ne s'élèveront au mieux, en régime de croisière à partir de 2011 et 2012, qu'à 1,5 milliard d'euros par an. Les solutions immédiates, de court terme, comme le gage sur le parc immobilier, sont aussi limitées et ne pourront être utilisées qu'une fois.

Quant aux réductions de cibles ou aux ralentissements du rythme de la production, de deux choses l'une : soit ils ne procureront des économies qu'en fin de série, à savoir dans cinq, dix ou quinze ans, soit ils renchériront le coût final des programmes, comme de nombreux exemples l'ont prouvé par le passé.

Des économies importantes doivent donc être faites dès maintenant, car le besoin de crédits supplémentaires se manifeste dès 2009, en croissant très rapidement au cours des années suivantes. Il faut donc ne pas craindre de dire que des programmes doivent être supprimés, en dépit de leur attrait. Mais plusieurs d'entre eux sont ou trop onéreux, ou redondants, ou ne sont pas vraiment indispensables aux missions actuelles.

Ainsi n'est-il pas contradictoire de prétendre qu'il faut moins de chars, de canons d'artillerie et d'avions de chasse, puisqu'il n'y a aucun risque d'attaque sur le sol national, et de réclamer une défense antimissiles, une numérisation de l'espace de bataille ou des équipements FELIN – fantassin à équipement et liaisons intégrées –, tous systèmes conçus pour un conflit majeur de type conventionnel sur notre territoire ?

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