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Intervention de Axel Poniatowski

Réunion du 26 juin 2008 à 15h00
Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale — Déclaration du gouvernement et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAxel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères :

Le renforcement de la place de la France dans l'OTAN et la construction d'une défense européenne participent d'une même démarche, qui s'efforce de tirer les conséquences de l'évolution des conditions de la sécurité sur le continent européen.

Pour sortir de l'affrontement entre les postures traditionnelles qui tient trop souvent lieu de débat, examinons les faits. Aujourd'hui, l'Europe de la défense comporte deux dimensions. La première est industrielle ; elle est incarnée par l'Agence européenne de défense. Celle-ci peut agir à toutes les étapes de définition et d'exécution des programmes militaires, mais son rôle reste limité, au vu de la faiblesse de ses moyens humains et financiers.

L'Agence doit être renforcée, y compris par des transferts de compétences, et devenir le lieu de développement en commun de grands programmes, même si, comme le Livre blanc le rappelle opportunément, certains systèmes, intrinsèquement liés à la souveraineté nationale, ne sauraient en aucun cas être délégués.

Une telle perspective est réaliste, à condition de mettre au point un véritable standard d'équipement commun. Si le programme NH 90 a été détourné de son objectif premier, puisqu'il a abouti à la mise au point de vingt-six versions différentes du même appareil, l'avion de transport A400 M est un bon exemple du type de programmes européens qu'il convient d'encourager, puisqu'il a permis de réaliser des économies tout en renforçant l'interopérabilité.

Le renforcement du pilier industriel doit s'accompagner d'une amélioration du commandement militaire au sein de l'Union. Il existe un état-major de l'Union européenne, dont les fonctions, strictement délimitées, concernent principalement le recueil d'informations et la formulation d'avis. Cet état-major stratégique de l'Union doit être complété par des états-majors tactiques, présents sur le terrain, et par des états-majors de conduite des opérations. Il faut que les futures missions de l'Union européenne puissent être dirigées depuis des postes de commandement européens, et non plus nationaux, comme c'est le cas aujourd'hui pour l'opération EUFOR au Tchad par exemple, conduite à partir du Mont-Valérien.

Le processus de construction d'une défense européenne est inéluctable. L'initiative franco-britannique de Saint-Malo en a représenté une étape importante. Dix ans plus tard, un « Saint-Malo II » serait nécessaire. Il appartient à la France de donner cette nouvelle impulsion, au moment où il apparaît à nos principaux partenaires que les alliances extra-européennes ne sont plus suffisantes pour garantir leur autonomie.

Mes chers collègues, je conçois que certains estiment prématuré ce retour de la France dans l'OTAN tant que l'Europe de la défense n'a pas progressé de manière décisive. La réintégration s'entend, à mon sens, dans les conditions que je viens d'énoncer. Celles-ci sont claires : elles concernent la répartition des plus hauts postes de commandement, l'exception dont bénéficient nos forces nucléaires, le maintien de notre autonomie totale dans l'appréciation de la situation et la prise de décision. Je ne vois pas de raisons sérieuses et fondées qui puissent remettre en cause l'indépendance de notre politique étrangère si ces engagements sont tenus. Au contraire, une diplomatie respectée s'appuie sur une force militaire mieux reconnue et plus influente. Je pense même que ce geste politique aura des retombées positives, puisqu'il permettra à la France d'être associée à la mise au point des grands programmes de l'OTAN au sein du comité des plans de défense.

Enfin, en se rapprochant de la position qu'occupent les autres États européens au sein de l'Alliance atlantique, la France rassurera clairement ses partenaires sur ses intentions vis-à-vis de l'Europe de la défense. Elle montrera que la construction d'une défense européenne n'est pas un moyen d'imposer nos vues à l'Union européenne, mais une démarche dictée par l'intérêt général européen.

J'approuve les missions fixées à nos forces armées pour assurer la sécurité des Français. Elles sont réalistes et pertinentes. J'adhère également aux recommandations proposées et au reformatage rigoureux mais indispensable de notre défense nationale.

C'est dans la construction de l'Europe de la défense que s'inscrit notre retour au sein de l'OTAN, face à l'horizon visible des grandes menaces du xxie siècle. Je n'aurai donc, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de la défense, qu'une seule question à vous poser : quelle assurance avons-nous de pouvoir mener à bien de façon concomitante la construction de l'Europe de la défense et notre réintégration au sein de l'OTAN ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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