Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, ce débat illustre la volonté de changement et de rééquilibrage de nos institutions exprimée par le Président de la République. Le Parlement, jusqu'alors peu sollicité sur les questions de défense et de politique étrangère, a été associé, consulté et informé tout au long du processus d'élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Rendu nécessaire par les profonds bouleversements qui ont modifié les équilibres géostratégiques depuis 1994, ce travail se fonde sur une analyse globale de nos intérêts de sécurité, qui ne se limitent pas aux enjeux de défense. Cette approche nouvelle, à laquelle je souscris, a permis de définir pour notre pays une stratégie de sécurité nationale adaptée aux nouvelles menaces.
C'est au regard de ce nouvel équilibre, marqué par la multiplication des crises, qu'il nous faut apprécier, d'une part, les missions et les moyens attribués à nos forces armées et, d'autre part, la place et le rôle de la France en Europe et dans le monde, en tant que puissance diplomatique et militaire.
Le Livre blanc réaffirme certains principes fondamentaux de notre défense. D'une part, il rappelle que la dissuasion nucléaire demeure un fondement essentiel de la stratégie de la France ; d'autre part, il tire les conséquences logiques de la professionnalisation de nos armées, dont le reformatage doit respecter les exigences budgétaires que nous nous sommes fixées.
Deux éléments traduisent plus particulièrement le souci d'adaptation de notre dispositif de défense à l'environnement mondial.
L'existence, au voisinage de l'Europe, d'une zone géographique allant des Balkans jusqu'au Pakistan, marquée par des tensions de nature diverse, comme le terrorisme, la prolifération des armes, l'instabilité politique, le chantage à l'accès au pétrole, a conduit à définir une nouvelle répartition de nos forces pré-positionnées. J'estime que le choix de concentrer le dispositif militaire français le long de cet arc de crise répond bien à la nécessité de disposer d'un appareil de défense prenant mieux en compte la réalité des menaces contemporaines.
Toujours plus diffuses, multiples et changeantes, ces menaces nous obligent par ailleurs à faire de la fonction de connaissance et d'anticipation, qui recouvre notamment les moyens du renseignement, l'une des principales priorités de notre effort de défense. À cet égard, je me félicite du rôle que le Livre blanc propose de faire jouer à notre réseau diplomatique.
Cette volonté d'adapter notre outil de défense nationale aux évolutions géostratégiques et aux nouvelles menaces s'accompagne tout naturellement d'une réflexion sur le rôle de la France aux côtés de ses alliés européens et sur sa place au sein de l'Alliance atlantique.
Faut-il, dès lors, envisager notre retour dans les structures intégrées de l'OTAN ? Le Livre blanc pose plusieurs conditions à ce retour, que vous avez rappelées, monsieur le Premier ministre : l'indépendance de nos forces nucléaires, la préservation de notre autonomie d'appréciation et de décision quant à notre participation à telle ou telle intervention et l'absence de mise à disposition de troupes françaises sous commandement de l'OTAN en temps de paix. Je partage et j'approuve ce point de vue.
Si ces conditions sont réunies, que signifie donc réintégrer l'OTAN ? Cela signifie d'abord réintégrer le comité des plans de défense. Ce comité, essentiel à la planification des opérations, est consulté avant toute intervention. J'estime qu'il est utile pour la France de prendre part aux discussions qui y sont menées et aux décisions qui y sont arrêtées.
Réintégrer l'OTAN, c'est aussi répartir les postes de commandement. La France devra donc prétendre à l'une des trois fonctions suivantes : le poste d'adjoint au commandant suprême des forces, le poste de commandant d'état-major interarmées de Brunssum ou celui de Naples. Ces postes devront faire l'objet, à mon sens, d'une rotation entre des officiers français, britanniques et allemands. Par ailleurs, il serait approprié de mettre fin à la double responsabilité du commandant suprême des forces, qui ne devra plus être dans le même temps le chef de l'armée américaine pour l'Europe.
Il convient également de s'interroger sur l'intérêt du maintien à Norfolk du commandement allié pour la transformation, alors que le siège politique de l'OTAN et son commandement opérationnel se trouvent en Belgique. Il serait plus cohérent que la structure chargée du recueil du retour d'expérience, qu'est aujourd'hui le commandement allié pour la transformation, se trouve physiquement sur le même lieu que les instances de commandement opérationnel.
Une implantation unique renforcerait la capacité de l'OTAN à définir de manière autonome ses besoins d'équipement pour le futur. Une telle configuration permettrait sans doute d'éviter que ne se reproduise le regrettable épisode de l'avion de combat JSF, pour lequel les cinq pays européens associés au projet ont investi à ce jour près de 5 milliards de dollars sans même se voir reconnaître un droit d'accès aux codes sources de l'appareil, développés par l'entreprise américaine Lockheed Martin.