Conséquence ou cause de cette analyse, à aucun moment la responsabilité des États-Unis dans le chaos proche-oriental n'est évoquée. Et le Livre blanc ne rappelle pas qu'en 2003 le Président Chirac et l'Assemblée nationale avaient eu raison de ne pas impliquer la France dans ce conflit, alors qu'on sait aujourd'hui que l'intervention en Irak a créé beaucoup de terrorisme et d'instabilité.
Sur le projet politique, la cohérence du Livre blanc s'est forgée autour des contraintes budgétaires. On en profite pour abolir la frontière entre défense, sécurité intérieure et sécurité nationale, et pour justifier une politique sécuritaire qui laisse pourtant sceptiques, voire hostiles, militaires, policiers et sauveteurs de la sécurité civile, réunis la semaine dernière par le Président de la République.
Derrière les enjeux de sécurité et la globalisation de la menace se cache une réelle volonté du Président de justifier l'extension ad libitum de ses pouvoirs et de son domaine réservé, en se construisant un bunker institutionnel.
Ce projet ne peut être légitimé par les miettes laissées aux assemblées – sans contre-pouvoir. Nous sommes radicalement opposés à cette vision. Le vrai danger est que des structures parallèles, ne disant pas leur nom, sont en train de se constituer à l'Élysée : le coordinateur du renseignement et le SGDN passent sous cette même coupe. Avec quel contrôle du Gouvernement et du Parlement sur leur action ? Aucun !
Quant à la réforme des armées, elle est l'un des points saillants qui résultera du Livre blanc, même si, par un curieux hasard, la RGPP a avancé plus rapidement que les travaux de la commission. Sans nier l'utilité d'une réorganisation de l'outil de défense, il est clair que la stratégie a été adaptée aux moyens. La création d'une nouvelle fonction centrée sur l'acquisition du renseignement et sur sa valorisation n'abusera personne. Elle n'a d'autre objectif que de dissimuler l'abandon des moyens d'action extérieure. Les militaires l'ont bien compris.
Souvenons-nous que les États-Unis n'avaient pas su prévoir l'invasion du Koweït, ni la Grande-Bretagne, l'occupation des Malouines. Nous préférons le renouvellement des matériels organiques et leur valorisation pour la protection des combattants car, au moment de l'action, ce sont nos forces qui engagent leur vie au combat, et non les services de renseignements.
Enfin, pour les équipements et les conséquences sociales, la situation laissée par votre majorité oblige à revoir les commandes à la baisse. Vous nous proposez une diminution homothétique du modèle 2015. La dispersion des crédits d'équipement se poursuivra ou se renforcera au profit de programmes satellitaires ou de défense antimissile. Le personnel paiera l'impéritie passée…