C'est pour faire face à cette nouvelle donne que le Livre blanc, tout en les distinguant, place la défense et la sécurité intérieure sur un pied d'égalité et les inclut ensemble dans sa nouvelle stratégie de sécurité nationale. Cette grille de lecture peut surprendre, mais elle permet de prendre en compte les nouvelles menaces et de ne pas se limiter à une vision dépassée des conflits armés.
Il me semble évident que si la France a connu la paix sur son territoire métropolitain pendant plus d'un demi-siècle, la sécurité extérieure et la sécurité intérieure ne sont plus indissociables aujourd'hui. Il faudra cependant veiller à encadrer très précisément la définition de la sécurité intérieure qui est maintenant accolée à la défense, pour que cette stratégie de sécurité nationale ne perde pas en signification et donc en force.
Pour faire face à ces nouvelles menaces et appuyer, notamment, cette stratégie de sécurité nationale, le Livre blanc propose un nouvel équilibre des grandes fonctions stratégiques en donnant une place nouvelle au renseignement. Il y a d'abord la prévention, orientée vers la lutte contre les trafics, contre la prolifération des armes et contre les crises d'origine non intentionnelle. Il y a ensuite la dissuasion, articulée autour d'une double composante nationale, aéroportée et océanique. Il y a également la protection, qui passe par la surveillance et le contrôle des espaces nationaux et de leurs approches, la réaction rapide et ce que le Livre blanc définit comme la résilience. Il y a enfin l'intervention qui s'appuie sur des capacités militaires polyvalentes, réactives, en nombre suffisant et interopérables, et concentrées sur un axe allant de la France jusqu'à l'océan Indien. Désormais, nous avons l'anticipation, qui s'appuiera sur une meilleure connaissance des zones d'opérations potentielles, une meilleure maîtrise de l'information et le renforcement de la prospective.
Au regard de ce nouvel équilibre, nous sommes en accord avec le Livre blanc dans sa redéfinition du contrat opérationnel : être en mesure d'envoyer 30 000 hommes sur un axe allant de la Mauritanie à l'Afghanistan répond davantage à cette nouvelle exigence mondiale que pouvoir en envoyer 50 000 en Europe de l'Est, comme c'était le cas précédemment.
Je me félicite que cette dimension soit la marque de fabrique du Livre blanc et que, encore une fois, les moyens nécessaires l'accompagnent, car faire de l'anticipation la grande orientation de notre doctrine militaire pour les quinze années à venir constitue, pour le Nouveau Centre, le signe d'une ambition réelle et nouvelle. Et sur ce sujet, les investissements annoncés dans le domaine spatial nous semblent utiles, tant nous devons conserver la plus grande autonomie possible dans ce domaine et ne surtout pas négliger le caractère stratégique du centre spatial guyanais à Kourou avec toutes les interrogations que suscite le devenir de ce département.
(M. Jean-Marie Le Guen remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)