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Intervention de Jean-Luc Préel

Réunion du 7 septembre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Préel :

Pour le Nouveau Centre, la réforme des retraites est indispensable.

Elle est indispensable pour sauvegarder notre régime de retraite basé sur la répartition et pour redonner confiance à nos jeunes, qui ont l'impression de cotiser aujourd'hui sans être assurés de bénéficier demain de droits à une future retraite.

Cette réforme est nécessaire en raison de trois facteurs principaux. Tout d'abord, le « papy boom » : à partir de 1945, on compte 800 000 naissances par an, contre 450 000 les années précédentes. Ces générations nombreuses arrivent aujourd'hui à l'âge de la retraite. Ensuite, l'augmentation de la durée de vie d'environ un trimestre par an, qui est une très bonne chose mais qui, bien entendu, a pour conséquence une augmentation de la durée de versement de la pension de retraite. Enfin, les recettes sont constituées pour l'essentiel par les cotisations liées aux salaires et donc dépendantes de la croissance, de la masse salariale, de l'emploi et du chômage.

Les prestations de retraite pèsent 13 % du PIB, et le déficit du seul régime général pour 2010 s'élève à 10 milliards d'euros. Les travaux du Conseil d'orientation des retraites, dont personne ne conteste le sérieux, aboutissent à une conclusion alarmante. Les projections démographiques ne peuvent être mises en doute, puisque les futurs retraités de 2020, 2030 et 2050 sont déjà nés ! Malgré des estimations économiques plutôt optimistes – un taux de productivité de 1,5 % et un chômage à 7 % –, le besoin de financement de l'ensemble des cinq régimes principaux serait de 48,8 milliards en 2020.

Compte tenu de ces données, la réforme de notre système de retraite est indispensable si nous voulons assurer sa pérennité. Un consensus devrait d'ailleurs pouvoir être obtenu, comme ce fut le cas dans de nombreux pays.

Pour le Nouveau Centre, la réforme, pour être réussie et acceptée, doit répondre à cinq critères.

Premièrement, nous devons affirmer notre attachement à la retraite par répartition, modèle de solidarité intergénérationnelle puisque ce sont les actifs qui paient pour les retraités, la solidarité nationale assurant par ailleurs le non-contributif – correspondant aux accidents de la vie – par l'intermédiaire du Fonds de solidarité vieillesse, alimenté par la CSG et aujourd'hui déficitaire de 4 milliards. Un point me paraît d'ailleurs curieux. Tout le monde défend le principe de la répartition, mais réclame d'autres financements par des impôts et des taxes. Il y a là une certaine contradiction, une évolution vers l'étatisation tournant le dos au principe de la répartition. Pourquoi pas ? Mais il convient d'en avoir conscience.

La deuxième condition à laquelle le Nouveau Centre est attaché est que la réforme permette l'équilibre financier à terme. Nous ne souhaitons pas nous arrêter au milieu du gué.

La troisième condition fondamentale est que la réforme soit juste et équitable. Aujourd'hui, nous comptons trente-huit régimes obligatoires de base et complémentaires, inégalitaires en terme de niveau de prestation comme de durée et de taux de cotisation. La réforme, pour être acceptée de nos concitoyens, doit opérer une simplification, tendre vers un régime unique faisant appel au même effort pour tous. Le Nouveau Centre, j'y reviendrai, demande une réforme systémique, un régime universel à points ou à comptes notionnels avec mise en extinction des régimes spéciaux.

Ne pas saisir cette occasion pour le faire est une grave erreur. J'entends bien qu'il faut du temps : les Suédois y ont mis douze ans. Raison de plus pour engager d'urgence cette évolution ! J'entends bien qu'un changement systémique ne résout pas les problèmes financiers d'un coup de baguette magique, mais il y contribue puisque, par définition, un système par points, définissant la valeur d'achat et de liquidation du point, assure l'équilibre.

La quatrième condition est que soit donnée à chacun la liberté de choix du moment de départ à la retraite, ce que permet justement un système par points.

Enfin, le cinquième critère, très important, est l'amélioration de l'employabilité des seniors, ainsi que la prise en compte de la pénibilité, du problème des petites retraites, de la situation des veuves et de celle des polypensionnés.

Tels sont les principes auxquels le Nouveau Centre est attaché.

Messieurs les ministres, vous nous présentez un projet qui a l'ambition d'aboutir à l'équilibre en 2018 de façon à sauvegarder notre système de retraite, et qui amorce un certain rééquilibrage entre le privé et les fonctionnaires.

La réforme est progressive, très progressive. Elle ne touche pas aux retraites liquidées, et maintient le niveau des pensions.

Les deux mesures principales sont l'augmentation de la durée d'activité exigée pour une retraite à taux plein et l'utilisation du Fonds de réserve pour les retraites. Le Nouveau Centre en approuve le principe.

Dans la mesure où la retraite par répartition dépend de données démographiques, il est juste d'en tenir compte. L'espérance de vie augmentant, la durée de versement de la prestation retraite augmente également, et il est logique dans ces conditions de relever progressivement l'âge auquel on peut demander la liquidation de sa retraite. Tous les pays européens ont d'ailleurs des âges de départ plus tardifs que nous.

Cette augmentation sera de quatre mois par an à partir du 1er juillet 2011, pour atteindre 62 ans en 2018. Mais, pour les régimes spéciaux, afin de tenir compte de la réforme Fillon de 2003, elle ne commencera qu'au 1er janvier 2017 : six ans plus tard ! Nous devrions ainsi, en principe, économiser 19 milliards. Nous sommes encore loin des 48 milliards !

En parallèle, l'âge du taux plein, où l'on peut partir à la retraite sans décote, qui est aujourd'hui de 65 ans, sera augmenté au même rythme de quatre mois par an pour atteindre 67 ans en 2018. Ce report, parallèle au précédent, est logique, mais il pénalisera les carrières incomplètes, notamment celles des femmes.

Ces reports sont contestés par l'opposition, qui ne propose toutefois rien, hormis une augmentation de la fiscalité. Les socialistes au pouvoir n'ont rien fait pour sauvegarder les retraites. Ce sont Édouard Balladur et François Fillon qui ont pris des mesures courageuses, très contestées à l'époque, mais sur lesquelles personne aujourd'hui n'envisage de revenir. Dans le système par répartition auquel nous sommes tous très attachés, les problèmes démographiques, notamment la durée de vie, sont fondamentaux. Ne pas en tenir compte est faire preuve d'un aveuglement incompréhensible, ou plus simplement d'une démagogie regrettable.

Bien entendu, ces mesures d'âge doivent prendre en compte l'employabilité des seniors, la pénibilité et les carrières longues, c'est-à-dire les carrières de ceux qui ont commencé à travailler tôt. Le texte, pour l'instant, est insuffisant sur ces sujets. Il doit être amélioré, nous promet le Gouvernement. Il est cependant regrettable, et le mot est mesuré, que nous ne connaissions pas ses propositions, alors que la commission s'est réunie en juillet et que la discussion a commencé en séance publique. Une telle situation est-elle conforme à la volonté affichée et répétée de renforcer le rôle du Parlement ?

L'emploi des seniors est un réel problème, les entreprises ayant tendance à s'en séparer pour réaliser des économies de salaire, ou parce qu'ils deviennent moins performants, alors qu'ils sont la mémoire de l'entreprise, qu'ils disposent d'un savoir, de compétences, et qu'ils pourraient encadrer les jeunes.

Certes, la France est mal placée lorsque l'on retient la tranche d'âge allant de 55 à 64 ans, avec un taux d'emploi de 38,2 %. Mais je regrette, monsieur le rapporteur, que vous ayez repris tout à l'heure cette donnée car, si l'on retient la tranche de 55 à 59 ans, ce qui est plus juste compte tenu de la retraite à 60 ans, le taux est de 56,3 %, ce qui nous situe dans la moyenne européenne, et non en dessous. Le report d'âge à 62 ans devrait d'ailleurs entraîner une amélioration du taux.

Reste que des mesures doivent être prises pour favoriser l'emploi des seniors. Le texte prévoit une aide à l'embauche d'un an, une incitation au développement du tutorat. Des progrès sont encore nécessaires. Nous attendons avec impatience les propositions du Gouvernement.

La pénibilité est également un réel problème. Francis Vercamer, auteur d'un rapport remarquable, y reviendra. Il a déposé des amendements qui, je l'espère, seront pris en compte. En effet, le texte est, en l'état, trop restrictif car il ne prend en compte que les personnes ayant un taux d'invalidité de 20 % lié à une maladie professionnelle ou à un accident du travail.

Alors que l'on s'apprête à exiger une durée de cotisation plus longue pour bénéficier d'une retraite à taux plein, il est nécessaire de veiller à prendre en compte la pénibilité. Certes, les partenaires sociaux n'ont pu se mettre d'accord depuis 2003. Certes, dans tous les pays, ce problème est réglé au cours de la carrière et non par la retraite. Mais nous devons, entre autres, renforcer le rôle de l'observatoire des pénibilités, améliorer la santé au travail, prendre des mesures de prévention, tracer la pénibilité dans un carnet de santé au travail, réparer la pénibilité par des accords de branche, tenir compte l'exposition à des facteurs cancérogènes.

Enfin, une remarque : un système de retraite basé sur les comptes notionnels résout en partie ce problème puisque le niveau de pension dépend de l'espérance de vie.

Le Nouveau Centre approuve donc le principe du report d'âge, mais à condition de prendre en compte la pénibilité et l'employabilité des seniors.

La deuxième mesure importante que le Nouveau Centre approuve est l'utilisation du Fonds de réserve pour les retraites pour financer le déficit d'ici 2018.

À l'annonce de cette mesure, nous étions dubitatifs. Mais, à la réflexion, elle apparaît logique, sous réserve – et c'est une réserve essentielle – que l'équilibre soit réellement assuré en 2018. J'y reviendrai. Si, donc, l'équilibre est assuré à long terme grâce à une réforme systémique, il n'est pas illogique d'utiliser le FRR pour financer les déficits d'ici 2018. Le FRR a certes été créé dans le but de financer les déficits à partir de 2020, mais serait-il bien raisonnable de garder une cagnotte de 33 milliards et de chercher d'autres financements pour les déficits des régimes de retraite ?

Le Nouveau Centre est donc d'accord pour recourir au FRR, à la condition que les régimes de retraite soient effectivement à l'équilibre en 2018 et que le maintien de cet équilibre soit assuré à long terme.

Or, nous avons l'impression désagréable que cette réforme annoncée comme une grande réforme s'arrête au milieu du gué et ne résout pas les problèmes sur le long terme.

Les données démographiques sont connues et non contestables. Les futurs retraités de 2050 et au-delà sont déjà nés.

Les prévisions économiques sont toujours délicates. Mais les projections du COR, basées sur des données économiques plutôt optimistes, indiquent clairement que les besoins de financement pour 2020 sont estimés à 48,8 milliards. Les mesures d'âge proposées par le texte apporteraient une économie de 19 milliards. Les quelques recettes nouvelles apporteraient 4 à 5 milliards. Il manque donc la moitié du financement. L'effort du Gouvernement est financé par l'emprunt, donc par la dette, ce que nous considérons comme peu souhaitable.

Le COR indique clairement que le recul d'âge de départ à la retraite à 63 ans et la durée de cotisation à 43 ans et demi pour obtenir une retraite à taux plein n'assure que 36 % des besoins. Or, vous avez choisi 62 ans et 41 ans et demi. Comment, dans ces conditions, assurer l'équilibre à long terme ? Devons-nous nous préparer à une nouvelle réforme dans deux ans, dans trois ans ? Pourquoi ne pas avoir plutôt réalisé une vraie réforme ?

C'est pourquoi le Nouveau Centre a déposé soixante-dix amendements visant à assurer la pérennité de notre système de retraite et à améliorer, grâce à de nouveaux financements, les situations les plus injustes. Plusieurs d'entre eux ont hélas été déclarés irrecevables en vertu du fameux article 40, alors même que nous avions proposé un financement correspondant.

Le Nouveau Centre propose tout d'abord une réforme systémique, établissant un système à points, ou mieux, en comptes notionnels.

En effet, aujourd'hui, nous connaissons trente-huit régimes très inégaux. Nous voulons donc un régime unique avec des taux de cotisation, des durées de cotisation et des prestations identiques. Ce régime unique implique non pas la suppression des régimes spéciaux, mais leur mise en extinction, ce qui signifie que les nouveaux embauchés dépendront du régime universel.

Nous voulons un régime par points géré par les partenaires sociaux, étant donné que le financement repose sur des cotisations salariales et patronales et que les partenaires sociaux gèrent déjà l'UNEDIC et les retraites complémentaires. Je ne pense pas que les syndicalistes veuillent fuir leurs responsabilités. Un système par points permet en outre la liberté de choix du moment de la retraite, ce qui est très important, et permet surtout l'équilibre financier, puisque les partenaires sociaux définiront chaque année la valeur d'achat et de liquidation du point.

Le système dit en comptes notionnels est plus intéressant encore, car il tient compte de l'estimation de la durée de vie. Bien entendu, l'État continuera à prendre en charge, par l'intermédiaire du FSV, ce que ne fourniront pas les cotisations.

Je regrette donc à nouveau que le Gouvernement n'ait pas saisi l'occasion pour engager cette réforme systémique. Une telle réforme demande du temps et une longue phase transitoire ; c'est pourquoi il est urgent de l'engager.

En attendant, le Nouveau Centre demande la création d'une caisse de retraite des fonctionnaires, gérée par les partenaires sociaux. Certes, depuis 2003, un service de Bercy gère leurs retraites, mais une caisse autonome améliorerait la transparence et responsabiliserait les partenaires sociaux.

Nous demandons également, dans un esprit d'équité sans lequel la réforme ne sera pas facilement acceptée, l'alignement plus rapide du taux de cotisation du public sur le privé et, surtout, l'alignement progressif, en treize ans, de la période de référence, actuellement de six mois, sur les vingt-cinq ans en vigueur dans le privé, en intégrant naturellement les primes.

Nous demandons par ailleurs que le conseil d'administration de la caisse des professions libérales puisse fixer librement et en pleine responsabilité la valeur de liquidation du point.

Le texte prévoit une meilleure information du futur retraité. Le point info retraite fonctionne bien. Pour le Nouveau Centre, l'institution d'un dossier retraite informatisé, mis à jour chaque année et consultable à chaque instant, serait un réel progrès en matière de transparence.

Pour les polypensionnés, aujourd'hui pénalisés, nous demandons, dans un esprit d'équité, que la règle des vingt-cinq meilleures années s'applique globalement et non par régime, et que les quinze premières années effectuées dans la fonction publique ouvrent droit à la retraite.

Pour les travailleurs à temps partiel qui ont travaillé moins de 200 heures, nous demandons que la validation s'applique en pourcentage du temps travaillé.

Je ne reviens pas sur le problème majeur de la pénibilité – je l'ai déjà évoqué et ce sera l'objet de l'intervention de Francis Vercamer – ni sur celui, également majeur, des carrières longues.

J'évoque rapidement les petites retraites, notamment agricoles, et le problème des veuves. Pour ces dernières, il conviendrait d'aligner les droits des divers régimes, de considérer que les versements du conjoint ont constitué des droits et, plutôt que de modifier le taux de la réversion, de relever, voire de supprimer, le plafond de ressources ainsi que de revenir au principe de la loi Fillon qui avait supprimé la condition d'âge.

J'en viens enfin au problème majeur de l'équilibre financier de notre système de retraite. Notre devoir est de garantir cet équilibre pour que nos jeunes qui cotisent actuellement aient l'assurance de disposer eux aussi d'une retraite.

Selon les travaux du COR, que nul ne conteste, et ses projections financières plutôt optimistes, la réforme présentée ne finance au mieux que 50 % des besoins pour 2018, le Gouvernement finançant par l'emprunt les 15 milliards restants.

C'est pourquoi le Nouveau Centre fait des propositions pour obtenir un réel équilibre financier et permettre des avancées indispensables pour les polypensionnés, les petites retraites, les veuves.

La solution la plus simple – je dirais presque la plus bête – est, comme nous le proposons par amendement, de d'augmenter d'un point la CSG, ce qui procurera 11,2 milliards chaque année. Certes, cette augmentation n'est pas agréable. Certes, elle pèsera sur le pouvoir d'achat, mais pas plus que l'augmentation de l'électricité, des assurances complémentaires ou des franchises médicales. Je suis persuadé que, si l'on demandait aux Français s'ils y sont prêts pour sauvegarder réellement les retraites et permettre des améliorations sociales, ils seraient d'accord.

Par ailleurs, nous proposons des amendements tendant à sortir la CSG et la CRDS du bouclier fiscal, à augmenter la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, à taxer les indemnités de départ et les « parachutes dorés ». Certes, de telles mesures auraient leur place dans la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale plutôt que dans ce texte, mais, mais il me paraît important de les évoquer dès maintenant.

Pour que cette réforme soit acceptée, elle doit être équitable, juste et réellement financée. Il serait regrettable de devoir à nouveau légiférer dans deux ou trois ans.

En résumé, pour le Nouveau Centre, très attaché à la retraite par répartition, la réforme des retraites est indispensable.

Compte tenu des données démographiques, le report d'âge, comme dans tous les pays, est nécessaire. L'utilisation du Fonds de réserve pour financer les déficits jusqu'en 2018 est acceptable, à condition de parvenir à l'équilibre financier.

Cependant, le Nouveau Centre regrette qu'une vraie réforme, instituant un système à points ou en comptes notionnels, ne soit pas engagée. Nous constatons que l'équilibre financier n'est pas assuré, seule la moitié des besoins semblant couverts.

Nous proposons notamment une augmentation de la CSG pour assurer la pérennité de notre système de retraite et pour permettre des améliorations concernant les polypensionnés, les petites pensions, les veuves, l'emploi des seniors et la pénibilité.

Nous avons déposé soixante-dix amendements. J'espère que le Gouvernement en acceptera une bonne partie. Les débats permettront, nous en sommes convaincus, d'améliorer le projet de loi. Nous en jugerons alors.

Merci, monsieur le ministre, pour votre écoute. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

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