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Intervention de François de Rugy

Réunion du 7 septembre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Vous étiez aux côtés de Mme Lagarde, c'est vrai, mais je crois que nous avions eu l'occasion de débattre à ce moment-là.

En juillet 2007, beaucoup de gens nous demandaient pourquoi nous, les députés de l'opposition, nous nous opposions à ce projet alors que la majorité venait d'être élue. Aujourd'hui, beaucoup de Français nous rendent hommage d'avoir dénoncé ces projets dès juillet 2007. Ils voient bien la terrible continuité entre vos différentes décisions.

Vous êtes d'ailleurs tellement attachés au bouclier fiscal, que vous considérez comme un symbole, que vous l'avez déclaré intouchable. Vous n'avez même pas profité de ce texte sur les retraites pour abolir la plus choquante de toutes les injustices fiscales que vous avez mises en oeuvre, malgré les suggestions de nombreuses personnes, y compris de la majorité.

La mobilisation sans précédent dans les rues de France aujourd'hui même est la démonstration éclatante que les Français ne sont pas dupes et qu'ils n'entendent pas se laisser faire sans réagir.

Depuis 2007, vous nous avez habitués à des projets de loi fouillis, peu lisibles, souvent d'ailleurs non appliqués, sinon obsolètes à peine leur examen terminé. Et, à chaque fois, vous nous avez asséné, pour asseoir la légitimité de votre démarche, que le contrat que vous aviez passé avec les Français lors de l'élection présidentielle justifiait cette précipitation et cette absence totale d'écoute de notre assemblée.

Aujourd'hui, de l'aveu même du Président de la République, votre texte contient des mesures pour lesquelles vous n'avez pas reçu mandat des Français. J'y reviendrai plus tard mais je tenais à le souligner dès à présent : ce texte est clairement « hors contrat ». Il ne correspond pas à des orientations sur lesquelles les Français se seraient exprimés à l'occasion de l'élection présidentielle, ou de l'élection qui nous a portés, les uns et les autres, sur les bancs de l'Assemblée nationale.

Circonstance aggravante, ce texte ne traite pas d'un sujet banal mais d'un des éléments essentiels du contrat républicain qui, depuis 1945, lie les citoyens entre eux, engage les générations les unes au regard des autres, et fonde une partie de cette identité nationale que vous avez prétendu par ailleurs défendre. Faut-il rappeler qu'en 1945, le système retenu a été le résultat d'un compromis entre les principales forces politiques de l'époque, issues de la Résistance, gauche et droite confondues. Il aurait donc été parfaitement légitime qu'une réforme de ce compromis soit également l'occasion d'une négociation et d'une recherche de consensus.

Dans ces conditions, on comprend l'attitude de l'immense majorité de nos concitoyens, attitude qui a trouvé aujourd'hui même sa traduction dans les rues de nos villes : les Français sont inquiets pour leur retraite, ils n'acceptent pas l'injustice pas plus que le passage en force ou la politique du fait accompli.

Cette angoisse et cette colère, pourrez-vous les comprendre – nous n'imaginons pas que vous puissiez les partager ? À en lire les dernières déclarations souvent belliqueuses de responsables de l'UMP, on en doute malheureusement.

Mais si le rôle de l'opposition est de répercuter ce sentiment populaire dans cette Assemblée, il est aussi de son devoir – en tout cas, nous, écologistes, nous allons le faire – de vous interpeller, de tenter de modifier vos propositions et d'indiquer aux Français quelle est notre vision sur une question aussi essentielle pour la cohésion de notre société, pour le « vivre ensemble » et, pour tout dire, pour la République, du moins dans l'idée que nous nous en faisons.

Que nous demandent nos concitoyens ? Ils et elles veulent – c'est bien le moins – qu'on soit en mesure de leur assurer une compréhension des enjeux, qu'on leur trace des perspectives crédibles et que, sur une question aussi vitale, ce soit le sens des responsabilités qui prévale.

C'est à cette aune du sens des responsabilités que je vous propose d'examiner, ici, le texte que vous nous soumettez. Chacun a en tête les conditions particulières dans lesquelles ce débat s'engage, l'instabilité – oserais-je dire l'insécurité, mot qui vous est cher – dans laquelle évolue ce gouvernement et la situation particulière qui est la vôtre, monsieur le ministre en charge de ce dossier. Chacun mesure la difficulté qui est la vôtre : les affaires qui vous préoccupent, sinon vous occupent, entrent à l'évidence en conflit avec la nécessaire sérénité qui devrait s'imposer sur des questions aussi ardues et aussi sensibles pour les Français. Nous ne sommes pas les seuls à le dire : M. Chérèque et M. Thibaut, secrétaires généraux respectivement de la CFDT et de la CGT, les deux principaux syndicats de France, l'ont déclaré tout récemment dans une interview au journal Les Échos.

Comment nos compatriotes pourraient-ils accorder la moindre confiance à une réforme dont le principal promoteur, au sein du Gouvernement, prend si facilement de telles libertés avec la vérité, y compris dans les déclarations qu'il réserve aux membres de l'Assemblée nationale – nous en avons été témoins à de nombreuses reprises lors des séances de question au Gouvernement ? Comment faire confiance à un gouvernement moribond, dont les jours sont comptés par la volonté présidentielle elle-même…

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