La proportion croissante des revenus accaparés par le capital se double de l'utilisation des revenus du capital contre l'emploi, avec la spéculation et les délocalisations qui vous tourmentent, monsieur Méhaignerie, comme nous. Trois chiffres illustrent l'impossible coexistence du capitalisme financier avec notre système de protection sociale par répartition : entre 1993 et 2009, le volume des cotisations sociales a augmenté de 19 %, tandis que le PIB, notamment en raison des gains de productivité, augmentait de 33 % et que les revenus financiers des entreprises et des banques progressaient de 143 %.
Par ailleurs, la part des produits financiers dans la valeur ajoutée des entreprises est désormais près de deux fois supérieure – 29 % contre 15 % – à celle de leurs cotisations sociales. Il devient donc de plus en plus difficile pour les entreprises et le secteur financier de concilier le maintien d'un taux d'emploi élevé, leur contribution au financement de la protection sociale et les revenus qu'ils doivent servir au capital, eux-mêmes détournés de l'investissement productif.
Les parlementaires communistes, républicains et du parti de gauche ont construit un contre-projet afin de financer le droit à la retraite à 60 ans, fixant des objectifs clairs en matière de niveau de pension et de réduction des inégalités de genre, des inégalités entre salariés. Avec cette proposition de loi, qui a recueilli à ce jour plus de 120 000 signatures, nous apportons des recettes dynamiques, plus de 36 milliards de recettes nouvelles au financement de la protection sociale, dont 14 milliards pour les retraites – soit l'équivalent du déficit. Nous faisons également la démonstration que c'est en enclenchant un autre modèle de croissance, en désintoxiquant notre économie de la financiarisation, que l'on répondra à l'enjeu du financement de notre modèle de protection sociale.
De tout cela, malheureusement, nous ne pourrons pas débattre ou alors de façon tronquée ou partielle. Tous les amendements fiscaux du Gouvernement traduisant ses maigres mesures en matière de financement, toutes nos propositions de financement de nos régimes de retraite étant renvoyés au financement de la sécurité sociale et au projet de loi de finances de cet automne.
Les syndicats vous demandent également ce débat sur le financement : acceptez de l'ouvrir enfin sans exclusive ! Regardons sans catastrophisme les besoins de financement, apprécions sans caricature les données démographiques, examinons aussi les données de l'espérance de vie en bonne santé. Acceptez de recommencer le travail de construction de la réforme en ne l'enfermant plus dans la fausse alternative du travailler plus longtemps ou de la baisse des pensions. Consentez à renoncer, après concertation avec les partenaires sociaux, au relèvement de 60 à 62 ans de l'âge de départ, de 65 à 67 ans de celui du taux plein. Acceptez de renvoyer ce texte en commission.
À défaut, faites au moins preuve de franchise envers les Français. Ne les trompez pas comme en 2003 ! Avouez que votre réforme ne garantit absolument pas le niveau des futures pensions et qu'elle n'est en rien un frein, bien au contraire, à la baisse programmée des pensions. Ainsi, d'après les projections du COR – sur la base de quarante et une annuités de cotisations –, le taux de remplacement à 60 ans passerait en dessous de 50 % dès que l'entrée dans la vie active se ferait après 22 ans, ce qui constitue une baisse de près de vingt points en vingt ans. Selon une étude réalisée par la Commission européenne, rendue publique en juillet dernier, en raison des réformes Balladur et Fillon déjà actées, la France est un des pays d'Europe où le décrochage entre la pension nette que touche un retraité et son salaire au moment de son départ à la retraite sera le plus fort, et la quatrième baisse la plus forte parmi les 27.
C'est la réalité ! Le taux de remplacement devrait ainsi passer de 79 % en 2006 à 63 % en 2046, soit une chute de 16,5 points. Cette réalité bien connue ne manque pas d'aiguiser les appétits des opérateurs du marché de l'assurance sociale. En témoigne la déclaration de la directrice épargne retraite de l'Association française de la gestion financière exhortant les Français à épargner tôt pour préparer des revenus complémentaires au moment de la retraite. N'aviez-vous pas fait de cette question un tabou ? Prenons l'exemple des fonctionnaires doublement pénalisés par l'alignement de leur taux de cotisation sur celui des salariés du privé. Du fait du surcroît de cotisation, ils subiront tout de suite une baisse de leur pouvoir d'achat de 6 euros en moyenne par mois par agent. Au moment de la liquidation de leurs droits à la retraite en raison du durcissement des règles du minimum garanti, ceux – majoritairement des femmes – ayant eu une carrière incomplète notamment perdront, en moyenne, les 150 euros supplémentaires qu'ils pouvaient avoir sur leurs petites pensions de 1 000 euros.
Elle est injuste parce qu'elle conduit à baisser la retraite de nos concitoyens. Le relèvement des bornes d'âge est la mesure la plus inégalitaire qu'il soit, d'autant qu'elle se double de l'allongement de la durée de cotisation exigée pour bénéficier d'une retraite à taux plein, programmée par la réforme Fillon pour passer de 40,5 annuités aujourd'hui à 41 ans en 2012 et 41,5 ans en 2020 ; cet ajustement à l'augmentation de l'espérance de vie, que vous entendez rendre automatique, est donc amené à augmenter encore.
Les femmes victimes de discriminations dans la sphère professionnelle, davantage victimes du travail à temps partiel contraint, ont en moyenne des durées validées beaucoup plus faibles que celles des hommes et sont donc proportionnellement plus nombreuses à ne pas valider une carrière complète. Ainsi, selon une étude de 2007 de la DREES, parmi les retraités seulement 44 % des femmes ont réussi à valider une carrière complète contre 86 % des hommes. La décote les concerne plus que les hommes aussi et son ampleur est également plus forte. Résultat : elles attendent plus souvent que les hommes l'âge du taux plein pour ne pas subir de décote… Mais je sens que la droite marque un fort intérêt à l'égard de la condition des femmes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous pouvez sortir, si cela ne vous intéresse pas ! Ce n'est pas un problème ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)