Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Philippe Vigier

Réunion du 30 juin 2009 à 21h30
Débat d'orientation des finances publiques pour 2010

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, depuis plus de six mois, les rendez-vous budgétaires se succèdent. Entre les rendez-vous traditionnels et ceux imposés par les turbulences engendrées par la crise, nous avons eu à connaître pas moins de quatre lois de finances rectificatives depuis octobre dernier.

À chaque rendez-vous, les inquiétudes grandissent. Hormis en temps de guerre, comme le soulignait Gilles Carrez, jamais l'état de nos finances publiques n'a été aussi dégradé. À cette situation préoccupante, il convient d'apporter des réponses fortes, dans un contexte de visibilité dont chacun s'accordera à dire qu'il est faible. En raison de la qualité de ses diagnostics et de la pertinence de ses propositions, nous devrions suivre les conclusions de l'excellent rapport de la Cour des comptes.

Ma première question, monsieur le ministre, porte sur la situation financière des collectivités territoriales laquelle s'est dégradée.

Fin 2008, leur déficit a atteint le montant de 7,5 milliards d'euros avec un endettement global de 113 milliards d'euros. Certes, ce montant est très faible au regard de l'endettement de l'État qui s'élève à plus de 1 040 milliards d'euros. Néanmoins, cet enchaînement nous amène à conclure que, avec le déficit des collectivités territoriales, c'est aussi l'endettement de la France qui augmente.

L'état des finances locales est d'autant plus inquiétant qu'en 2008, nous avons assisté à une augmentation des dépenses et à un tassement des recettes de fonctionnement. Les collectivités subissent d'importantes pertes de recettes en raison du ralentissement de l'activité immobilière venant fortement réduire les droits de mutation – de 30 à 40 % dans certains départements – d'où une sérieuse diminution de l'autofinancement par un fort effet de ciseaux. Quelle sera leur situation en 2009 ? L'activité sur le marché immobilier restant faible, les droits de mutation le seront tout autant. Les recettes des collectivités diminueront et les dépenses sociales exploseront, ce qui concerne au premier chef les départements.

Sous l'effet du plan de relance, les dépenses d'investissement quant à elles augmenteront sensiblement – et c'est une très bonne chose – d'environ 54 %. Nous vérifierons si ces bonnes intentions seront suivies d'effets. Cependant, en tout état de cause, nous devrons respecter l'impératif de maîtrise des dépenses de fonctionnement et adopter de nouvelles règles de gouvernance d'autant que leurs besoins en financement augmenteront en 2010.

Ma deuxième question porte sur les perspectives des ressources des collectivités, notamment sur la réforme de la taxe professionnelle. Le sujet est d'importance.

Le remplacement de la taxe professionnelle concerne les collectivités territoriales qu'elle finance, les entreprises qui y sont assujetties, ainsi que les ménages qui risquent d'être touchés, directement ou indirectement, en cas de compensation non intégrale. Plusieurs pistes ont été évoquées, notamment celles issues des travaux de la mission d'information sur la réforme de la fiscalité locale à laquelle Jean-Pierre Balligand et Marc Laffineur ont participé activement et dont nous pouvons saluer le travail. À nos yeux, ces pistes représentent d'indéniables avantages par rapport à celles proposées par les services du ministère de l'économie et des finances. J'espère donc que la sagesse l'emportera au moment des arbitrages.

Comme vous le savez, nous sommes, depuis de nombreuses années, favorables à la réforme de la taxe professionnelle, très attendue par les entreprises qui la réclament depuis longtemps. Il est pour le moins surprenant qu'elle suscite tant de commentaires. Elle était fondée sur trois pieds. Le premier, la part reposant sur les salaires, a été supprimé par Dominique Strauss-Kahn en 2000, et voté par le groupe socialiste.

Il faut oeuvrer en faveur d'une juste et intégrale compensation financière pour les collectivités territoriales. D'après les premières hypothèses dont nous disposons, le manque à gagner s'élèverait à 10 milliards d'euros, ce qui est une somme colossale. Or je n'imagine pas un seul instant, monsieur le ministre, que vous priviez les collectivités de cette somme. Si la compensation se fait par l'État en direction des collectivités, cela implique de trouver de nouvelles ressources et de gager les nouvelles dépenses.

L'inquiétude prévaut au sein des intercommunalités. Sur quoi sera bâti l'avenir des communautés de communes ou des communautés d'agglomération sous le régime de la taxe professionnelle unique ? Le groupe Nouveau Centre se bat en faveur de l'autonomie financière des collectivités territoriales, principe inscrit dans l'article 72-2 de la Constitution depuis les lois de mars 2003 et de juillet 2004. Nous tenons aussi à leur autonomie fiscale, pilier de notre engagement, et gage de la bonne démocratie locale. Il ne peut y avoir de réelle démocratie sans une vraie responsabilité des élus en matière de gestion. La réforme de la taxe professionnelle doit être conduite en gardant à l'esprit le principe d'autonomie.

Ainsi que vous nous l'avez indiqué en commission, monsieur le ministre, vous n'avez procédé à aucun arbitrage pour le moment. Vous pouvez compter sur notre soutien plein et entier quant à la conduite de cette réforme. Nous aimerions toutefois connaître vos intentions afin d'y voir plus clair, de rassurer nos collègues dans les collectivités territoriales et participer de façon constructive au débat.

Au-delà de cette question précise, je m'interroge sur la réforme globale des ressources des collectivités territoriales.

Si l'on veut mettre à profit les trois prochaines années, il semble qu'une révision des bases fiscales – très anciennes – s'impose. Depuis 1981, les valeurs locatives cadastrales n'ont pas été réévaluées. Ne rien faire, c'est aggraver les inégalités entre contribuables, mais aussi entre territoires. Il faut accorder aux collectivités des ressources fiscales aux bases dynamiques. Le groupe Nouveau Centre propose d'affecter une part de CSG au financement des régions ou des départements. Ainsi, le taux de la CSG nationale pourrait être abaissé de deux points et il faudrait permettre aux assemblées locales de fixer, en responsabilité, leur taux de CSG.

J'en viens au volet de la péréquation.

Réformer la fiscalité locale ne suffit pas : il faut aussi revoir les concours financiers de l'État. Nos départements, nos régions vivent, en effet, sous perfusion de dotations d'État. Deux remarques s'imposent à cet égard.

La complexité et l'opacité du dispositif de dotations laissent perplexes, même les services administratifs. Ils ne comprennent ni leur finalité, ni leur portée, ni leurs modalités. Le système de péréquation doit donc être revu. En fait, il faut procéder à une réforme de la fiscalité locale et des concours financiers de l'État. L'autonomie financière et fiscale, le meilleur équilibre entre les territoires et le maintien de bases dynamiques sont les mots clés d'une réforme fiscale réussie. Profitons, mes chers collègues, de la réforme des collectivités territoriales pour répondre à la problématique de leur financement. Il faudra impérativement s'attaquer à cette réforme, ouvrir ce chantier en même temps que celui de la réorganisation des collectivités ; 2014 sera une année importante. Saisissons dès maintenant cette opportunité et la fenêtre de tir qui nous sont offertes.

Enfin, l'État doit rapidement réaliser des économies substantielles pour éviter une dérive encore plus grave de ses comptes publics. Au vu de la situation financière actuelle, on peut s'inquiéter de voir la charge de la dette devenir le premier poste budgétaire de l'État avant la fin de cette législature : elle est aujourd'hui supérieure aux recettes de l'impôt sur le revenu. La situation exceptionnelle liée à la crise actuelle nous impose de réagir de manière tout aussi exceptionnelle face à l'aggravation des déficits, ce qui implique un courage non moins exceptionnel. Du courage, il en faudra pour éviter d'en arriver à une dérive incontrôlée de la dette, pour reprendre les termes de la Cour des comptes. Celle-ci annihilerait toute marge de manoeuvre pour les générations à venir. Aussi, 70 milliards d'économies semblent s'imposer d'ici à 2012 ; le chantier qui s'ouvre devant nous est énorme. Toute réduction de dépenses ou hausse de recettes a un impact économique important.

Parmi toutes les pistes évoquées, une a retenu mon attention : la réduction des niches fiscales et sociales, ce qui ne vous étonnera pas, monsieur le ministre. Le groupe Nouveau Centre demande, en effet, depuis longtemps le plafonnement des niches fiscales. Lors de l'examen du budget pour 2009, nous avons eu gain de cause – ce dont je vous sais gré, monsieur le ministre – en obtenant le plafonnement de quatre niches, mais de quatre niches seulement. Il faut aller au-delà, comme l'a proposé Charles de Courson dans son intervention. Il existe, en effet, quatre cents niches, ce qui représente un manque à gagner évalué entre 50 et 70 milliards d'euros. Un grand pas a été franchi l'année dernière. Le contexte budgétaire nous impose de nous interroger et, surtout, d'agir. Cette piste doit être poursuivie.

Le Président de la République a, lui aussi, abordé la question des niches fiscales. Elle devra être débattue et tranchée. Ces nombreuses exonérations amputent en effet l'assiette des prélèvements sociaux et génèrent 33 milliards d'euros de perte de recettes pour la sécurité sociale et créent, de facto, de fortes inégalités entre salariés. Nous avons récemment établi des règles visant à encadrer le recours aux dépenses fiscales et aux niches sociales avec l'obligation de mise en place d'une règle de compensation systématique de nouvelles mesures. Ce fut notamment le cas pour la baisse des taux de TVA dans la restauration ; nous verrons si la compensation sera au rendez-vous.

En tout état de cause, cela n'est pas suffisant. Nous devons réduire de manière rationnelle et responsable les niches sociales dont l'efficacité économique n'est pas reconnue. Dans le cadre de la RGPP, une évaluation des niches fiscales et sociales a été lancée. Nous aimerions, monsieur le ministre, savoir où en est cette évaluation et s'il est possible d'envisager les premières mesures pour le budget 2010.

Enfin, et la période de crise renforce cette exigence, l'effort des contribuables doit être équitablement réparti : ceux qui gagnent le plus participent le plus. Au nom du Nouveau Centre, je propose à nouveau la sortie de la CSG, du CRDS et des impôts locaux du bouclier fiscal car leur prise en compte coûte cher.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion