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Intervention de Éric Woerth

Réunion du 22 juillet 2010 à 9h15
Commission des affaires sociales

Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique :

Cette discussion sérieuse et intéressante ouvre la voie à des progrès, j'en suis convaincu.

Quoi qu'on en dise, nous nous efforçons de ne pas mélanger les notions, mais le sujet est extrêmement compliqué : il est aisé de broder sur les concepts, mais nettement plus malaisé de passer à la phase opérationnelle. Quand des droits spécifiques sont accordés à certains salariés, cela doit être parfaitement juste, mesurable et objectif, faute de quoi de nouvelles inégalités apparaissent et doivent être compensées à leur tour. Nombre de pays ont d'ailleurs refermé le dossier et en sont restés aux notions d'incapacité ou d'invalidité. La France étant un pays de forte tradition sociale, nous pensons qu'il convient de s'attaquer à cette question, posée depuis des années sans qu'un lien très fort ait été établi avec la retraite, hormis la mesure relative aux 50 % d'invalidité. Des tentatives ont été faites vers 1975, mais elles ont abouti à des généralités, qui ne sont plus de mise aujourd'hui. Nous ne mélangeons donc rien, nous essayons d'agir le plus justement possible. Je ne prétends pas que notre solution soit idéale, mais elle va vraiment dans le bon sens et peut d'ailleurs être encore améliorée.

Madame Billard, madame Fraysse, l'espérance de vie ne saurait être le critère unique : il importe beaucoup aussi que cette vie après la retraite soit ou ne soit pas accompagnée d'une incapacité. Le port de charges très lourdes dans le bâtiment, par exemple, n'a pas d'incidence sur l'espérance de vie, mais les salariés concernés ne vieilliront peut-être pas dans les mêmes conditions que les autres. Il importe donc de considérer l'incapacité.

Le vrai enjeu consiste à choisir entre un traitement collectif et un traitement individuel, et entre un traitement des effets différés et un traitement des effets immédiats. Nous avons opté pour un traitement individuel des effets immédiats. En effet, en l'état des choses, nous sommes dans l'incapacité de proposer une approche collective : nous ne savons tout simplement pas faire. Il existe, certes, des matrices d'exposition en fonction des emplois, par exemple pour l'exposition au benzène, pendant telle durée, dans tel type de métier, mais elles ne couvrent qu'une toute petite partie du monde du travail et, n'aboutissant qu'à des critères très généraux et collectifs, ne permettent pas une traçabilité individuelle. Tel est précisément le chaînon manquant. Le carnet de santé que nous proposons établira cette traçabilité individuelle de façon fine, et nous sommes prêts à ouvrir ce débat, dans un esprit de responsabilité.

Nous sommes incapables de traiter les situations du passé. Il ne suffirait pas, pour le faire, de réunir une commission départementale. Quant aux scientifiques, ils sont très hésitants. S'agissant du travail de nuit par exemple, ils avancent qu'il peut favoriser le cancer du sein chez la femme, les cancers digestifs chez l'homme, mais, d'autres fois, ne parlent que de stress ou de problèmes cardiaques. D'autre part, les salariés qui y sont soumis bénéficient souvent de repos compensateurs, mais parfois aussi d'une rémunération supplémentaire. Dans ce cas, certains pourront produire des feuilles de paie prouvant qu'ils ont perçu des primes à ce titre, mais qu'adviendra-t-il des pauvres malheureux qui n'en ont pas touché ? Faute de traçabilité, nous choisissons un dispositif permettant d'établir un lien entre travail effectué et mesure de l'usure physique.

Le groupe socialiste et certains syndicats – la CFDT notamment –, préconisent l'attribution de bonifications sous forme de trimestres supplémentaires, mais la plupart des salariés en ont accumulé le nombre requis. Une réduction de l'âge de la retraite serait donc plus pertinente.

Monsieur Perrut, les conditions de travail et le rôle de la médecine du travail sont effectivement déterminants. Un deuxième plan de santé au travail vient d'être élaboré et j'espère que nous pourrons introduire dans le texte quelques éléments relatifs aux conditions de travail.

Nous prenons en compte, dans le cadre du régime des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), les effets immédiats de la pénibilité, qui peuvent se mesurer objectivement. La discussion entre partenaires sociaux a certes porté sur les facteurs d'exposition, mais selon une approche collective. Or, il vient un moment où l'approche est forcément individuelle.

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