L'intervention du ministre a eu le mérite de faire clairement apparaître en quoi nos approches divergent. Selon lui, il existe deux façons d'envisager les choses : soit prendre en compte l'exposition immédiate à certains facteurs de pénibilité, soit s'interroger sur leurs effets à long terme. C'est la deuxième approche que nous défendons. Toutes les analyses existantes, qu'elles proviennent des partenaires sociaux ou des milieux universitaires, montrent que la pénibilité ne peut pas s'apprécier ponctuellement. C'est d'ailleurs pour cette raison que certaines personnes ont le sentiment d'exercer un métier pénible, alors que ce n'est objectivement pas le cas, et qu'inversement d'autres sous-estiment les risques liés à la tâche qu'ils doivent accomplir, parce qu'ils n'en ressentent pas les effets. C'est ainsi que de nombreuses études ont montré les effets à long terme du travail de nuit ou de l'exposition à certains produits toxiques.
Si vous maintenez l'idée selon laquelle la pénibilité doit être appréhendée en fonction de ses effets immédiats, mesurés ponctuellement, nous n'avancerons pas.
Nous nous rejoignons évidemment pour juger que la prévention est essentielle et, dans ce domaine, nous sommes prêts à aller plus loin que vous. Même si les risques psychosociaux, que nous sommes nombreux à avoir étudiés, ne peuvent être pris en compte comme facteurs de pénibilité, nous insistons sur la nécessité de repenser l'organisation du travail dans un souci de prévention. En Suède, en Finlande et aux Pays-Bas, le gouvernement a imposé aux entreprises soit de reclasser les salariés d'un certain âge dans d'autres filières, soit de permettre leur départ anticipé.
Enfin, j'entends l'argument du ministre sur la traçabilité de l'exposition aux risques : il ne suffit pas de claquer les doigts pour procéder à une réforme. Pour notre part, nous ne parlons pas de métiers pénibles, car notre but n'est pas de recréer des régimes spéciaux.