Ensuite, il ne doit pas être complexe et administratif au point de devenir ingérable. Enfin, il doit respecter l'équilibre général du projet – dont l'objectif reste d'assurer le financement de notre système de retraite.
Se pose alors une nouvelle question : s'intéresse-t-on à la pénibilité uniquement lorsque l'effet en est immédiat, ou également lorsqu'il est différé ? Le Gouvernement a fait le premier choix. On ne pose donc pas la question de la définition de la pénibilité, qui peut toujours être remise en cause. J'observe, d'ailleurs, que le code de la sécurité sociale ne définit pas la maladie, et ne s'intéresse qu'à ses conséquences. C'est la même chose que nous essayons de faire s'agissant de la pénibilité – et c'est sans doute une approche plus sûre.
Dès lors, nous avons voulu nous inscrire dans un dispositif connu et qui fonctionne, celui des accidents du travail et des maladies professionnelles. Qui dit conséquences de la pénibilité dit mesure de la pénibilité. Celle-ci tient à une usure physique prématurée due au travail. Contrairement à d'autres pays, nous entendons faire une distinction claire entre ce qui relève du travail et ce qui n'en relève pas, autrement dit entre ce qui relève de l'incapacité et ce qui relève de la notion d'invalidité. À partir d'un taux d'incapacité fixé à 20 %, on estime qu'il y a bien une conséquence de la pénibilité et un lien entre le travail et cette conséquence. Les salariés concernés conserveront donc la possibilité de partir à la retraite à 60 ans quand les autres progresseront vers la retraite à 62 ans.
Est-ce suffisant ? Je conviens que non. Il faut sans doute aller plus loin. Et la meilleure façon de lutter contre la pénibilité, c'est de supprimer ses conséquences, autrement dit d'éviter l'usure physique prématurée. Il y a donc un travail à conduire sur les conditions de travail. Le texte comporte déjà des dispositions à cet égard ; on peut les améliorer. Ce volet préventif est essentiel. S'il n'est pas le plus spectaculaire, c'est sans doute le plus efficace et le plus juste.
Il faut ensuite poser la question de la traçabilité, qui est la condition d'un traitement individualisé. Cette traçabilité ne peut être établie aujourd'hui en France : nous avons, certes, des services de médecine du travail performants – d'autres moins – et des matrices d'exposition aux facteurs de risque, mais aucun système global. Or, cette traçabilité est indispensable : il faut bien se pencher sur la carrière des salariés, pour savoir s'ils ont été exposés à des facteurs de pénibilité identifiés en liaison avec les partenaires sociaux. Nous aimerions donc pouvoir proposer un dispositif avant la discussion en séance publique – car sans traçabilité, il n'y a pas de pénibilité.
Nous avons répondu à une partie des questions qui se posent en prenant en compte les effets immédiats de la pénibilité. Nous pouvons encore avancer sur les effets différés, comme sur le suivi médical post-professionnel. Nous avons achevé nos rencontres avec les partenaires sociaux il y a quelques jours. Le Gouvernement a encore un certain nombre de choix à faire ; nous reviendrons ensuite vers votre Assemblée pour voir comment la France peut se doter d'un dispositif sérieux, responsable et juste sur la pénibilité et la retraite.