On peut parfaitement être favorable au maintien du droit au départ à l'âge de 60 ans et conscient qu'il faut développer l'emploi des seniors pour l'équilibre du système. Je ne vois pas où est la contradiction. D'ailleurs, vous avez vous-mêmes mené une politique d'encouragement à l'emploi des seniors, alors même que l'âge légal de départ était à 60 ans ! Ce qu'il faut garder en tête, c'est la situation du marché du travail. Selon la DARES, la hausse globale du chômage, de 7,8 % sur un an pour les demandeurs de catégorie A, recouvre des réalités très différentes : si les chiffres stagnent pour les moins de 25 ans et augmentent de 7,3 % pour la tranche entre 25 et 49 ans, cette augmentation est de 19,4 % pour les chômeurs de plus de 50 ans ! C'est terrifiant ! Et je précise que ce sont les hommes qui sont le plus touchés, ce qui traduit l'importance des sinistres industriels.
Les gens de plus de 50 ans sont donc durement frappés par la crise, et c'est le moment que vous choisissez pour reculer l'âge légal à 62 ans. Pour eux, c'est la double ou la triple peine. Ils ont perdu leur travail et, s'ils sont indemnisés jusqu'à la retraite, ils subiront une rupture à ce moment-là, ou alors ils se trouveront en fin de droits, avec les interrogations qui pèsent sur l'allocation équivalent retraite. Bref, vous présentez la facture à des gens qui se trouvent dans une situation de très grande difficulté pour des raisons objectives.
En outre, vous ne faites aucun cas de la notion de liberté. Nous sommes tous dans des situations totalement différentes, même à parcours professionnel équivalent, compte tenu de nos carrières, de notre rapport au travail, de nos choix de vie. Certains peuvent avoir des projets professionnels, d'autres des contraintes familiales. Certains attendent de partir à 60 ans pour pouvoir s'occuper d'un enfant handicapé, d'autres pour mener des actions humanitaires ou changer d'activité. Du point de vue social comme de celui de cette liberté, vous ne pouvez pas nous reprocher d'exiger le maintien de l'âge légal de départ à 60 ans : c'est un droit, et la suppression de ce droit est une des pierres angulaires de votre réforme !