Le mécanisme que vous proposez est grossier et mal élaboré. C'est une « herse », avec une situation de blocage en amont et une obligation en aval. Chacun doit pouvoir conserver le droit de partir à la retraite à 60 ans – ce n'est pas une obligation – compte tenu de son parcours professionnel, de sa durée de cotisation et des droits qui lui auront été reconnus par ailleurs, au titre notamment de la pénibilité.
On pourrait peut-être comprendre le relèvement de l'âge légal, s'il s'accompagnait d'un véritable effort sur la pénibilité ou les carrières longues. En le faisant coïncider avec l'allongement de la durée de cotisation et un dispositif sur la pénibilité particulièrement restrictif, vous faites porter le poids de votre réforme surtout sur les catégories concernées par ces dispositifs.
On aurait pu maintenir l'âge légal de départ à 60 ans, tout en le faisant varier en fonction de l'espérance de vie par catégorie socioprofessionnelle. Cette solution, plus juste que la vôtre, aurait permis la mise en place d'un système en comptes notionnels. L'âge de départ de chaque cotisant, dès lors que celui-ci aurait fait le plein de droits, serait calculé en fonction de sa durée de vie espérée. Vous préférez imposer un âge qui ne tiendra pas compte des situations personnelles. Une autre option aurait été d'en revenir à la loi votée alors que M. Jacques Chirac était Premier ministre et qui avait créé, outre l'autorisation administrative de licenciement, un dispositif particulier pour toute une série de métiers pénibles, permettant de partir avant l'âge légal – 65 ans à l'époque – dès lors que certaines conditions d'activité étaient remplies. Voilà un correctif légitime et juste au dispositif de l'âge légal.
Votre système, lui, s'applique avec brutalité sans prendre ces différentes réalités en compte. L'explication en est que votre seule préoccupation, de bien court terme, est financière. Or, c'est une préoccupation de justice qui devrait primer, et c'est sur cette base qu'il faudrait trouver les aménagements financiers nécessaires, ce qui nous paraît possible sous réserve d'une vision globale du financement de nos comptes sociaux.
On ne nous parle que du déséquilibre des comptes des retraites. Mais comment se mettre d'accord sur un niveau de prélèvements obligatoires acceptable pour financer les retraites sans considérer aussi le besoin de financement des autres volets de notre système de protection sociale, à commencer par la santé, puisqu'on sait bien que les réformes de ces dernières années n'ont pas produit les effets attendus ?
Ainsi, le débat est entièrement biaisé. Il convient en conséquence de revenir au fond : il faut clarifier les conditions de départ à la retraite, l'âge de 60 ans étant la meilleure protection dont on dispose aujourd'hui, faute de précision sur les mécanismes de pénibilité et de carrières longues.