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Intervention de Jean-Claude Sandrier

Réunion du 30 juin 2009 à 21h30
Débat d'orientation des finances publiques pour 2010

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Sandrier :

Monsieur le ministre, je commencerai par un mot sur les résultats de votre politique, notamment depuis neuf mois.

Vous avez engagé déjà plus de 100 milliards d'euros pour les banques et fait voter un plan de relance a minima. Résultat : le nombre de chômeurs a augmenté de 18,4 % en un an ; l'année 2009 comptera 700 000 chômeurs supplémentaires d'après l'INSEE – soit 9 milliards d'euros en moins pour la sécurité sociale et les retraites – ; la croissance sera à moins 3 %, bien en deça de vos prévisions ; le moins 0,5 % de croissance que vous prévoyez pour 2010 est très hypothétique, comme toutes vos prévisions précédentes ; la masse salariale a fondu de 8 milliards d'euros, ce qui coûte très cher à la sécurité sociale – et ne dites pas que le pouvoir d'achat s'est amélioré ! – ; la pauvreté a crû de 15 % ces trois dernières années et continue d'augmenter.

Pas une semaine ne s'écoule sans l'annonce de nouveaux plans sociaux. De fait, l'INSEE confirme que l'investissement industriel devrait reculer cette année de près 16 %, chiffre record.

Voilà votre bilan. C'est celui d'un terrible échec qui fait suite à des choix politiques qui nous ont amenés là où nous nous trouvons. Pourquoi ? Parce que vous ne tirez aucune leçon des causes de la crise du système capitaliste que vous défendez. Mieux, vous faites tout pour les cacher.

Pour vous, la situation actuelle est avant tout, sinon exclusivement, la conséquence d'une crise dite financière en provenance de l'étranger. La crise est devenue, au fil du temps, une sorte d'objet volant non identifié qui se serait soudain abattu sur notre pays, une sorte de fatalité à laquelle nous devrions désormais faire face tous ensemble comme si les responsabilités étaient partagées. Or connaître la vérité sur les causes de cette crise demeure la seule façon de déterminer les bonnes réponses à y apporter.

Permettez-moi donc, monsieur le ministre, de citer un éminent économiste, un universitaire que l'on ne peut soupçonner d'être à gauche, et encore moins communiste, et qui a donné à ce jour probablement la meilleure des explications. Il s'agit de Patrick Artus, professeur à la Sorbonne. Dans un chapitre intitulé « Les racines du mal », tiré de son dernier livre, il écrit :

« Cette crise d'un monde où l'argent coule à flots n'est évidemment pas arrivée là par hasard, mais parce que l'ensemble des acteurs se sont tacitement entendus sur un objectif unique : la croissance la plus rapide du crédit, quel qu'en soit le prix ! Les faits sont là : banques centrales, gouvernements, institutions financières, banques commerciales, régulateurs, chacun à sa place a oeuvré pour que le monde se gave de liquidités. Jusqu'à l'overdose ».

Eh bien, c'est cela la crise ! C'est le produit non seulement de votre système, mais aussi des choix politiques qui l'appuient, l'entretiennent et le défendent. Votre responsabilité politique est totale dans cette crise. Vous pourriez me répondre que le Président de la République a bien tiré les leçons de la situation puisqu'il a déclaré à Versailles que « le capitalisme [devenait] fou quand il n'y [avait] pas de règles ». Belle découverte !

Le malheur est que vous n'ayez jamais entendu ceux qui vous le disaient avant. Vous aviez alors le sourire narquois – vous ne l'avez plus aujourd'hui, il est vrai – de ceux qui croient savoir face à ces ringards qui veulent vous empêcher de tourner en rond. Mais, surtout, de quelles règles parle le Président de la République ?

Veut-il remettre en cause la libre circulation des capitaux inscrite dans le traité de Lisbonne ? Non ! Veut-il arrêter cet engrenage destructeur de « la concurrence libre et non faussée », véritable hymne européen ? Non ! Veut-il mettre un terme à toutes les déréglementations et atteintes aux services publics ? Non !

Alors, il y a tout lieu de penser que le capitalisme demeurera fou parce que la régulation ne restera qu'un mot pour amuser la galerie, de la même manière que les régulateurs n'ont jamais rien régulé. Non seulement vous ne voulez pas vous attaquer à la racine du mal, mais vos choix politiques débouchent sur un déficit abyssal : 7 % du PIB envisagé pour 2010 – j'ai même entendu parler de 8 % !

Le Premier président de la Cour des comptes a indiqué qu'il faudrait dégager 70 milliards d'euros d'économies pour rétablir l'équilibre. C'est un quart du budget de la France ! Monsieur le ministre, où allez-vous les prendre ? Vous devez le dire à nos concitoyens et, si vous les prenez, comme l'a indiqué le Président de la République à Versailles, dans la fonction publique et les services publics, si vous les prélevez sur les collectivités locales, sur la protection sociale, vous devez dire aujourd'hui ce que vous allez supprimer, en faire évaluer les conséquences sociales, économiques, en particulier en termes d'emplois.

Vous devez dire comment vous vous apprêtez à faire payer les classes moyennes de notre pays pour mieux épargner les plus riches. Quant aux plus démunis, malheureusement vous avez fait augmenter la pauvreté d'une telle façon que vous n'avez plus grand-chose à leur soutirer.

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