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Intervention de Christophe Sirugue

Réunion du 20 juillet 2010 à 15h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Sirugue :

Monsieur le président, vous avez confié à Dominique Tian et à moi-même la mission d'examiner les études d'impact des textes soumis à notre commission. C'est pourquoi je m'étonne que Dominique Tian n'ait pas évoqué celle portant sur le présent texte. Cet acte manqué fait peut-être écho aux propos liminaires du ministre du travail : puisque le Conseil d'État a validé l'étude, circulez, il n'y a rien à voir ! Monsieur le président, s'il est vrai que notre mission ne présente aucun intérêt, est-il nécessaire que nous continuions de la remplir ?

Même si le Conseil d'État a juridiquement validé l'étude d'impact, nous ne devons pas moins émettre un avis.

Pour ce faire, il convient de rappeler que le Gouvernement a souhaité que les études d'impact soient systématiquement adjointes aux projets de loi qui sont soumis à l'examen de la commission compétente afin de mesurer toutes les conséquences de leur application. Elles sont, en ce sens, nécessaires afin de ne pas réitérer les erreurs du passé. C'est d'autant plus vrai pour un projet de loi que vous présentez comme le texte majeur de la mandature, du fait qu'il concernera, par définition, tous les Français.

Or, quelle n'a pas été notre surprise devant la maigreur de la présente étude, alors que nous nous attendions à un document de 4 000 pages ! Certes, ce n'est pas son épaisseur qui fait la qualité d'une étude, mais celle-ci devait prendre en considération un très grand nombre de paramètres. Je rappelle que l'étude d'impact est réalisée par le ministère concerné, examinée par le secrétariat général du Gouvernement et transmise au Conseil d'État, puis aux assemblées. La rédaction originelle de ce document succinct émane donc bien du ministère dont M. Woerth a la responsabilité. Or, il s'agit présentement d'une étude indigente.

En effet, les trois premiers chapitres ne font que reprendre l'exposé des motifs : est-ce l'objet d'une étude d'impact ? Quant au quatrième chapitre sur l'analyse des impacts, il ne donne lieu à aucune évaluation globale : à aucun moment les différents éléments d'analyse ne viennent nourrir une réflexion générale sur l'impact du projet de loi, alors même que celui-ci aura des conséquences considérables, notamment dans les domaines financier, économique et social ou en termes d'organisation du temps de travail.

C'est que, par principe, l'étude refuse d'analyser les alternatives possibles. Nulle part les conséquences d'un âge de départ stabilisé à 60 ans ou passant à 61 ans ne sont évoquées. Certes, les travaux COR sur le sujet existent, mais, dans ces conditions, pourquoi l'étude d'impact ne les analyse-t-elle pas ?

De plus, celle-ci n'évalue à aucun moment les incidences de la réforme sur le pouvoir d'achat, question fondamentale dès lors qu'on évoque les pensions de retraite. Il n'y a pas non plus un mot sur la question de l'épargne, alors que c'est un élément déterminant de la réflexion menée sur la réforme des retraites.

En ce qui concerne les aspects financiers, l'étude s'appuie sur un choix unique de croissance alors qu'elle devrait évaluer les conséquences d'une croissance moins forte ou plus lente, notamment sur le mode de financement construit. Or, aucun élément d'analyse financier de la réforme n'est donné. L'étude se contente de communiquer, sans démonstration aucune, quelques chiffres lapidaires, alors que la démarche devrait être inverse : c'est à l'étude de démontrer le caractère indiscutable des chiffres fournis. En effet, les chiffres ne sauraient être indiscutables du simple fait que l'étude d'impact les mentionne !

L'étude n'évoque pas non plus le Fonds de réserve pour les retraites. On n'ignore s'il sera liquidé, à quelle échéance ou à quel rythme, et, s'il ne l'est pas, comment il sera alimenté. Il n'y a, non plus, aucune piste de réflexion sur l'après 2018 : qu'en sera-t-il du financement des retraites en 2020 ou en 2030 ?

Manifestement, ce document ne répond pas aux exigences de la loi organique du 15 avril 2009, qui a présidé à la consécration des études d'impact, sur le fondement du troisième alinéa de l'article 39 de la Constitution.

Je me permets de rappeler qu'une étude d'impact non conforme aux critères de recevabilité doit entraîner le report du projet de loi. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président, outre les éléments que j'ai rappelés et que je détaillerai, j'envisage d'autant moins de valider l'étude d'impact que l'analyse administrative du secrétariat de la commission révèle que deux des rubriques prévues par la loi organique ne sont pas renseignées : l'articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en cours d'élaboration, ainsi que la déclinaison du dispositif en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Or, je crains que, d'ici au 6 ou 7 septembre prochains, nous n'ayons pas les éléments que nous sommes en droit d'attendre : je pense notamment au détail du plan de financement du projet de réforme du Gouvernement à court et long termes, au détail concernant l'usage du Fonds de réserve pour les retraites et les ressources auquel il est adossé, aux variantes et à leurs effets en matière de choix de relèvement ou non des bornes d'âge de départ à la retraite ou à l'évaluation approfondie des questions ayant trait à la pénibilité.

J'ai, en raison de la clôture de la session extraordinaire, non pas quatre jours mais plus d'un mois pour émettre un avis, à savoir jusqu'au 28 août : si, en dépit de votre intervention, monsieur le président, nous ne pouvions disposer à cette date des éléments qui nous manquent objectivement, je serai amené à émettre officiellement sur cette étude l'avis négatif que je viens de donner et Jean-Marc Ayrault, le président de notre groupe, demandera le report du projet de loi. Il n'est pas acceptable, en effet, de disposer d'une étude d'impact aussi indigente sur un projet de loi aussi important.

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