Monsieur le ministre, vous avez au moins évolué sur un point : vous avez enfin reconnu que les socialistes avaient des propositions à formuler. Cependant, si vous assumez votre projet avec force et conviction, vous répétez en boucle les mêmes arguments sans entendre les nôtres, que nous vous exposerons donc en commission, puis, à l'automne, dans l'hémicycle.
N'en déplaise à Marie-Christine Dalloz, je persiste à penser que votre projet est injuste. Ainsi, 85 % ou 90 % de son financement seront assurés par les salariés, alors que le projet socialiste prévoit de demander à ceux qui en ont les capacités de contribuer davantage. Vous prévoyez, certes, que 4,4 milliards d'euros, sur 45 ou 50 milliards, seront prélevés sur les riches, mais cela ne représente qu'une élévation d'un point du taux maximal – de 40 % à 41 % –, ce qui fait sourire. Vous auriez au moins pu augmenter de 5 ou 10 points : cela aurait fait des recettes supplémentaires.
Vous devriez cesser d'employer le terme de « pénibilité », car vous ne la prenez en compte que s'il y a invalidité – ce n'est, au fond, pour vous, qu'anticiper sur une retraite pénible ! Ce n'est pas sérieux.
Quant aux carrières longues, les salariés qui ont commencé à 14 ou 15 ans, que vous citez sans cesse, sont bien peu nombreux, car il y a déjà longtemps que l'école est obligatoire jusqu'à 16 ans. Pensez plutôt à ceux qui commencent à 18 ans, et qui travailleront bien jusqu'à 62 ans.
Allez donc voir sur le terrain ce que c'est que des travaux pénibles – comme je l'ai fait récemment en allant visiter une forge à Voiron, dans l'Isère. Pour les salariés concernés, le fait de partir à 60 ou à 62 ans fait une vraie différence, qui les inquiète même s'ils sont aujourd'hui en bonne santé.
À quoi bon, par ailleurs, repousser l'âge du taux plein à 67 ans si, comme vous l'affirmez, personne ne travaille jusqu'à cet âge ? Supprimez donc cette provocation supplémentaire et restez-en à 65 ans.
Enfin, votre réforme est inefficace, car elle sera à refaire en 2018, alors même qu'on nous avait promis que celle de 2003 vaudrait pour deux ou trois générations. Vous laissez à la CADES une charge de dette insupportable et vous avez ponctionné le Fonds de réserve pour les retraites, qui était destiné à passer la bosse de 2020 – mais vous semblez vous soucier bien peu de ce qu'il adviendra après 2018.
Votre projet suscite donc chez les Français une grande déception. Ils vous l'ont dit, mais vous ne l'entendez pas. Ils vous le rediront – peut-être encore plus fort – au mois de septembre et j'espère que vous les entendrez mieux.