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Intervention de Philippe Parini

Réunion du 7 juillet 2010 à 11h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Philippe Parini, directeur général des finances publiques :

Je suis très heureux de cette convocation devant votre Commission car il me semble important que la représentation nationale sache précisément comment fonctionne et travaille l'administration fiscale, qui fait parfois l'objet de soupçons dans la période actuelle.

Le contrôle fiscal occupe 12 000 agents, soit 10 % des effectifs de la direction générale des finances publiques. Je tiens à dire que ces agents, qui ont une très haute idée du service public, sont d'excellents professionnels remplissant leurs fonctions dans la plus stricte neutralité et la plus stricte impartialité.

J'en viens à vos questions. L'administration fiscale, lorsqu'elle effectue des contrôles, est chargée de s'assurer que les contribuables, personnes morales ou personnes physiques, ont bien respecté leurs obligations fiscales. Elle le fait dans le cadre de programmes de travail objectifs, normés, élaborés à partir de toute une batterie d'indicateurs, en distinguant entre la politique générale de contrôle fondée sur des critères généraux présentés au ministre et la mise en oeuvre des mesures individuelles qui relève d'elle seule. Elle le fait dans le respect du secret fiscal, prévu par les textes, notamment parce qu'elle détient des informations relevant de la liberté individuelle des personnes comme leur situation financière, mais aussi, compte tenu de l'organisation de notre fiscalité, de leur situation personnelle. Nous veillons de manière très stricte au respect de ce secret en interne grâce à une traçabilité très fine et l'application sans faille de règles déontologiques. Ainsi prenons-nous des sanctions immédiates à l'égard de tout agent qui viendrait à consulter des fichiers dont il n'a pas à avoir connaissance. Nous veillons également bien entendu à éviter toute utilisation à l'extérieur des informations dont nous disposons, mais dont nous ne sommes pas propriétaires. L'exercice n'est pas facile. Jean-Louis Gautier, Jean-Marc Fenet et moi-même entendons et lisons des informations dont nous savons, dans un certain nombre de cas, qu'elles sont objectivement fausses. Nous ne pouvons néanmoins pas nous exprimer car si nous entrions dans ce jeu, nous serions amenés à violer le secret fiscal, lequel doit, comme le secret médical ou le secret de l'instruction, demeurer absolument protégé. Nous devons également veiller à ce que ce secret fiscal ne fasse pas l'objet de manipulations. Il ne suffit pas à quelqu'un de dire qu'il a communiqué une information à l'administration fiscale pour exiger de savoir ce qu'elle en a fait. Sinon n'importe qui pourrait rendre publique n'importe quelle information qu'il a livrée à notre administration et par ce biais la contraindre à agir ou ne pas agir. Le sujet est délicat. Chaque fois que le président de la commission des Finances et le rapporteur général du budget, qui ont des pouvoirs particuliers, m'ont posé des questions, j'y ai spontanément et immédiatement répondu, ils peuvent en témoigner.

Me faisant l'interprète de l'ensemble de l'administration fiscale, je dis ici que ses agents espèrent, sans en douter, que la représentation nationale leur fait confiance. Si notre administration devait être soupçonnée, alors même qu'elle est astreinte à respecter le secret fiscal, la situation deviendrait très difficile à gérer pour elle.

Qui fait quoi, m'avez-vous demandé ? Depuis une dizaine d'années, l'administration fiscale s'est beaucoup professionnalisée et autonomisée. Il existe désormais des critères généraux de politique de contrôle fiscal, que l'administration fiscale a déterminés et proposés aux ministres successifs qui les ont validés. J'ai ainsi moi-même proposé l'an passé divers critères à M. Woerth. Je considère que tous ces critères doivent être publics.

La politique de contrôle fiscal poursuit trois objectifs, au service desquels nous affectons au mieux les moyens dont nous disposons. Je les rappelle ici, sans les hiérarchiser. Les trois ont pour nous la même importance. Premier objectif : nous veillons, par des méthodes que vous détaillera Jean-Louis Gautier si vous le souhaitez, à ce que toutes les catégories de population et d'entreprises puissent être contrôlées, selon des rythmes variables compte tenu de nos moyens : il en va de l'égalité devant le contrôle fiscal. Deuxième objectif : nous diligentons des contrôles particuliers dans des secteurs où nous pensons qu'il peut y avoir de la fraude. Troisième objectif : nous contrôlons également les gros contribuables, personnes physiques et surtout personnes morales, dont nous devons nous assurer qu'ils paient bien à la collectivité ce qu'ils doivent au titre de l'impôt. Cette politique générale de contrôle fiscal est discutée avec le ministre puis, selon une méthodologie très sophistiquée, déclinée au niveau inter-régional, régional et départemental. Chaque directeur départemental des services fiscaux reçoit une feuille de route déclinant sur le plan départemental la façon dont il va pouvoir utiliser les moyens dont il dispose pour engager les contrôles fiscaux visant les trois catégories ci-dessus énumérées.

Qui fait quoi ? L'administration fiscale propose les critères généraux du contrôle fiscal et en assure le suivi par divers indicateurs – nous pouvons dire quels résultats nous avons obtenus pour chacun des trois critères, quels moyens nous avons utilisés, le nombre moyen de dossiers traités par agent… C'est elle également qui prend l'initiative de déclencher un contrôle individuel. Il faut ici distinguer entre les contrôles généraux systématiques dits de concordance et de conformité, opérés sur pièces dans les services – on dénombre près d'un million de ces contrôles par an, qui ne sont pas très approfondis mais destinés à repérer ce qui pourrait « ne pas coller » – et ce qu'on appelle en langage courant le contrôle fiscal, et qui est pour nous le contrôle fiscal approfondi avec examen de la situation particulière du contribuable. Il y a 50 000 contrôles de ce type par an, dont 45 000 auprès d'entreprises et 5 000 auprès de particuliers. Le déclenchement de ces contrôles-là est très encadré par les textes : il ne peut avoir lieu que si nous avons constaté des discordances dans le dossier ou si notre administration a obtenu des informations nous faisant soupçonner une fraude. Dans les deux cas, des explications détaillées sont demandées au contribuable. Cette procédure est très strictement définie, devant notamment respecter des délais stricts, faute de quoi, en cas de contentieux, toute la procédure risque d'être annulée.

Depuis huit ans, pour tous les particuliers disposant d'un capital supérieur à trois millions d'euros ou de revenus supérieurs à 220 000 euros, même si aucune discordance n'est repérée, un dossier est systématiquement ouvert et leur situation examinée tous les trois ans. Mais il ne s'agit pas là d'un contrôle fiscal approfondi. Nous n'avons dans ces cas aucune raison, en fonction en tout cas de notre mandat actuel, de viser plus particulièrement cette catégorie de population. En cas de discordance ou de soupçon de fraude en revanche, on bascule dans la catégorie du contrôle fiscal approfondi.

J'ai dit que l'administration fiscale s'était autonomisée. Je ne sais pas comment les choses se passaient il y a longtemps. Je ne suis directeur général des finances publiques que depuis le printemps 2008. Ce qui est certain est que depuis une dizaine d'années, mes prédécesseurs ont tous été sensibles, à la demande des agents du fisc eux-mêmes, à ce qu'il n'y ait pas d'instruction individuelle de contrôle fiscal et souhaité que l'on distingue bien la politique générale qui relève du ministre et la mise en oeuvre des mesures individuelles. Un contrôle fiscal conduisant à entrer dans l'intimité de la vie des individus et pouvant aboutir à des sanctions pénales, il est important de ne pas mélanger les genres. Mes prédécesseurs, que j'ai consultés sur ce point, comme Jean-Marc Fenet et moi-même, pouvons témoigner que nous ne recevons pas d'instruction individuelle et si tentation il y avait eu de nous en donner, nous aurions clairement dit au ministre que ce n'était pas là de bonne pratique. M. Baroin a d'ailleurs l'intention de rédiger une circulaire qui réaffirmerait le principe d'une dissociation entre la politique générale de contrôle fiscal et la mise en oeuvre des mesures individuelles de contrôle fiscal. Cela ne signifie pas en revanche que l'administration fiscale n'a pas le devoir, évident, de rendre compte à son ministre et de l'informer de son action. Lorsque nous engageons des contrôles fiscaux, décidés conformément aux critères indiqués, le ministre peut être informé de la façon dont ces contrôles se déroulent, mais il ne s'agit que d'information : il n'a pas pris part à la décision.

Comment les choses se passent-elles avec la commission des infractions fiscales et l'institution judiciaire ? Après un contrôle fiscal approfondi ayant révélé des irrégularités, le contribuable sera appelé à payer l'impôt dû, augmenté de pénalités et d'intérêts de retard. Les textes laissent à l'administration une certaine latitude selon que le fraudeur a été actif, organisant sa fraude et dissimulant volontairement des éléments au fisc, ou plus passif. Je pense au cas de contribuables ayant pu hériter d'un compte et ne pas le déclarer, sans toutefois l'activer : ce comportement, certes répréhensible, exige que les sommes dues, assorties de pénalités et d'intérêts, soient réglées, mais il n'est pas de même nature qu'une fraude sciemment organisée – en quoi d'ailleurs le taux des pénalités varie dans un cas et dans l'autre. Le rôle de l'administration fiscale est d'identifier les actifs taxables et de veiller à ce qu'ils soient taxés comme il convient.

Si le fisc découvre à l'occasion d'un contrôle qu'un contribuable a eu un comportement frauduleux, dissimulant sciemment des éléments de revenus ou de patrimoine ou organisant du blanchiment, il peut engager des poursuites pénales – le juge n'a pas le pouvoir de s'autosaisir en matière fiscale. Mais les textes nous imposent de passer par le filtre de la commission des infractions fiscales, composée de conseillers d'État. Cette commission s'assure en premier lieu que le dossier est assez solide pour être transmis au juge puis informe le contribuable et reçoit ses réponses. Si le dossier est jugé contenir suffisamment d'éléments, ce qui est généralement le cas, il est transmis à la justice. À partir de ce moment-là, il nous échappe totalement.

L'institution judiciaire nous avait fait savoir que lorsqu'elle avait à investiguer sur des aspects fiscaux, elle ne disposait pas toujours des spécialistes nécessaires. D'où la mise en place de ce qui a été appelé le fisc judiciaire. En accord avec les services de police, a été créé un service commun entre la police et l'administration fiscale, rattaché juridiquement au ministère de l'Intérieur et comprenant des agents du fisc ayant acquis la qualité d'officier de police judiciaire. Le juge pourra désormais s'appuyer sur les membres de ce service, rompus aux techniques fiscales et qui, ayant la qualité d'OPJ, pourront participer activement aux enquêtes, conduites sous l'autorité du juge.

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