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Intervention de Hervé Morin

Réunion du 30 juin 2008 à 22h00
Règlement des comptes et rapport de gestion pour 2007 — Défense

Hervé Morin, ministre de la défense :

…aucune provision n'existait et aucun crédit supplémentaire ne pouvait être ouvert. Il en a été ainsi jusqu'en 2002. Les lois de finances rectificatives ont, ensuite, permis de compléter les crédits, notamment en 2003 et 2004. De 2005 à 2008, on a assisté à une montée en puissance de la provision, qui est passée de 100 millions à 475 millions d'euros. Il n'y a pas eu de crédits complémentaires en 2008, compte tenu de la nécessité de contraindre le déficit budgétaire.

Les coûts des opérations principales, en arrondissant au million d'euros, sont les suivants : 7,5 millions d'euros pour l'opération Astrée en Bosnie et Croatie ; 103 millions d'euros pour l'opération Kosovo ; 115 millions d'euros pour l'opération Licorne ; 250 millions d'euros pour les opérations Héraclès et Pamir en Afghanistan ; 107 millions d'euros pour l'opération Épervier et 140 millions d'euros pour l'opération EUFOR au Tchad ; 80 millions d'euros au titre du Liban, le reste des opérations représentant 70 millions d'euros, soit un total, pour l'année 2008, de 880 millions d'euros pour les opérations majeures – chiffre qui devrait atteindre l'année prochaine, compte tenu des engagements pris par la France, 1 milliard d'euros environ.

À l'heure actuelle, monsieur le rapporteur spécial, 11 500 hommes sont engagés en opérations extérieures. Le surcoût des OPEX pour l'année 2007 a été couvert, pour partie, par une provision de 475 millions d'euros inscrite dans la loi de finances initiale. Comme je l'ai déjà indiqué, cette provision est en progression constante, et nous espérons qu'elle atteindra 500 ou 550 millions d'euros en 2009. Une somme de 7 millions d'euros a été prise au titre II, sous enveloppe, par le programme 152. Un décret d'avances de 275 millions d'euros a été ouvert qui ponctionne directement les crédits d'équipement. De même, un montant de 14 millions d'euros a été couvert par le remboursement de l'ONU dont vous avez parlé. En résumé, ce sont environ 290 millions d'euros qui ont été prélevés sur l'effort d'équipement global de la défense.

Le rapport comptable doit faire l'objet d'une reventilation pour mieux identifier la part des crédits affectés aux OPEX. Pour l'instant, Bercy s'oppose à toute modification des imputations. Nous aurons donc besoin du poids du Parlement et de ses rapporteurs spéciaux pour améliorer la lisibilité des comptes.

Les facteurs les plus importants de surcoût tiennent à la nature et à la composition du détachement projeté, à la nature et au volume des matériels majeurs et au niveau des rémunérations des personnels. Un détachement air coûte plus cher, par exemple, qu'une unité de combat de l'armée de terre. La situation familiale du personnel entre également en ligne de compte, ainsi que le lieu de déploiement. Si des infrastructures existent, le coût est bien moindre que s'il faut en bâtir, comme pour l'opération EUFOR au Tchad. Le type de transport retenu compte aussi.

Tout dépend également de l'urgence de l'opération. Si l'on a le temps, on peut utiliser nos moyens de transport, en interne. De même, il faut prendre en compte la prise en charge ou non d'une partie de l'opération, notamment de soutien, au titre de l'Alliance atlantique ou de l'Union européenne.

Lors de la présidence française de cette dernière, nous proposerons que les règles de financement commun soient les mêmes pour l'Alliance atlantique et pour l'Union européenne, les premières étant plus favorables que les secondes. À ceux qui s'opposeraient à l'évolution des règles de l'Union, il sera alors facile de demander pourquoi ils n'adopteraient celles qu'ils jugent valables pour l'OTAN.

De 2002 à 2007, Michèle Alliot-Marie a engagé un énorme effort en matière de maintien en condition opérationnelle – MCO –, faisant passer les crédits de celui-ci de 2 milliards à 3,5 milliards d'euros. Cet effort budgétaire colossal a permis d'améliorer la disponibilité opérationnelle du matériel qui était tombée à un niveau très bas. Cependant, du fait, à la fois de l'usure de certains matériels et de l'utilisation intensive de certains autres, la disponibilité opérationnelle – je ne vous le cache pas –retombe à nouveau. Les hélicoptères Puma, les Transall et nombre de blindés légers sont usés jusqu'à la corde et ont besoin d'être remplacés par une nouvelle génération. Dieu merci, ces matériels commencent à arriver dans les forces. Pour autant, tout n'est pas réglé, car les matériels nouveaux coûtent en général beaucoup plus cher en MCO que les matériels anciens. Le coût horaire d'utilisation d'un hélicoptère Tigre, par exemple, est de 8 000 euros de l'heure, contre 800 pour un hélicoptère Gazelle. Bien sûr, cela revient à comparer une Porsche avec une 2 CV tant les capacités opérationnelles des deux hélicoptères sont différentes, mais la différence de coût d'utilisation est aussi grande.

C'est pourquoi, dans le cadre de la réforme du ministère et de la création du comité ministériel d'investissement, je ne signerai dorénavant aucun programme d'investissement s'il n'est pas accompagné d'une analyse du risque, permettant de s'assurer qu'il n'y aura pas de dépassement considérable du coût du programme. En outre, tout programme d'investissement devra comporter une estimation des frais d'utilisation et, autant que faire se peut, du coût de déconstruction du programme. Enfin, chaque analyse d'investissement devra intégrer deux facteurs majeurs : d'une part, l'exportabilité du matériel –il n'est pas normal qu'il faille attendre l'avis de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre, ou CIEEMG, pour devoir modifier le matériel à exporter – et, d'autre part, le niveau technologique : est-il nécessaire, par exemple, qu'un hélicoptère comme le Tigre vole sur le dos ?

Nous sommes donc, pour résumer, à la limite, concernant la disponibilité de certains équipements.

Le retard de livraison de l'A400M n'est pas dû, pour une fois, à des problèmes budgétaires, mais à des difficultés techniques. Louis Gallois, que j'ai rencontré lundi, a bon espoir que le premier vol intervienne bien avant la fin de l'été, la fin de l'été étant – a-t-il ajouté – le 21 septembre. Le retard de l'arrivée de l'A400M dans les forces devrait toujours être d'un an.

À force de pugnacité, je suis parvenu à ce que les Français, les Britanniques et les Allemands élaborent un MCO commun de base concernant l'A400M et non pas trois MCO différents. Ce MCO sera totalement commun avec les Britanniques, mais pas complètement avec les Allemands, ceux-ci préférant, pour l'instant, travailler avec la Lufthansa.

Il faut attendre que l'appareil soit en service pour pouvoir analyser clairement la manière dont nous allons nous organiser. Mais, sur le coeur commun de l'appareil et les pièces de haute valeur ajoutée, nous allons rester ensemble, ce qui veut dire que, sur les trente ou quarante années de son existence, l'avion sera commun, contrairement au Transall dont la version allemande n'a de commun avec la version française que la carlingue.

L'opération EUFOR TchadRCA atteindra sa capacité opérationnelle finale vers la mi-juillet, après avoir atteint sa capacité opérationnelle initiale fin mai. Près de 3 000 hommes sont, aujourd'hui, sur le terrain. Ce nombre devrait monter jusqu'à 4 000. La Russie devrait mettre quatre hélicoptères lourds à la disposition de la force européenne à partir du mois d'août.

Je rappelle que l'EUFOR a pour mission d'assurer la protection des réfugiés et des déplacés, mais n'est en aucun cas chargée de s'interposer entre les forces rebelles et les forces de l'armée régulière tchadienne, ni de contrôler la frontière. Si l'EUFOR a été conduite à riposter à la suite d'une accroche, c'est parce que les rebelles eux-mêmes ne savaient pas que c'était la force européenne qui était en face d'eux – ce qu'ils ont, paraît-il, regretté.

Le ministère de la défense, monsieur Grall, est le seul ministère où la totalité des crédits de la loi de finances initiale a été consommée, réserves de précaution incluses. Quand vous parlez de consommation à 86 %, vous intégrez en fait les crédits de report que nous n'avons pas été autorisés à consommer et qui représentent 1,5 ou 1,6 milliard d'euros.

Les intérêts moratoires ont baissé de 35 millions à 29 millions d'euros.

Les bonifications d'activité considérées dans leur totalité – bénéfices de campagne, bonifications pour services aériens, etc. – représentent, chaque année, environ 850 millions d'euros, soit 12,4 % des pensions des ayants droit, et un milliard d'euros en comptant les ayants cause, c'est-à-dire 12 % des pensions versées. Ces bonifications représentent 9 % des annuités retenues des nouveaux entrants contre 15 % pour le stock. Selon les actuaires, le coût relatif des bonifications devrait baisser au cours des trente prochaines années d'au moins 15,76 %. Le scénario central avec un gain d'espérance de vie de 3,2 ans et 10 900 départs en retraite en moyenne laisse espérer, en effet, une baisse de 26,47 % du coût.

Je vous prie d'excuser pour le retard avec lequel le rapport annuel de performances vous est parvenu. Mais je me dois de préciser que nous l'avions adressé en temps et en heure à Bercy qui a tardé à vous le transmettre, sans d'ailleurs apporter la moindre modification.

Accordez-nous, monsieur Grall, deux ou trois mois de plus pour présenter les futurs équipements et la loi de programmation militaire. Les priorités porteront sur le NH 90, qui rencontre un très vif succès à l'exportation, sur l'A400M, dès qu'il sera prêt, et sur le VBCI, avec la nécessité d'améliorer en permanence la protection et la sécurité de nos troupes ainsi que cela a commencé avec le programme d'urgence opérationnelle, ou crash program. D'autres programmes seront poursuivis, comme le Rafale.

Les engagements pris devant les responsables militaires mardi dernier par le Président de la République font de la défense une priorité nationale. Il est, en effet, prévu, d'une part, que la bosse de 3 ou 3,5 milliards d'euros sur les années 2009, 2010 et 2011 soit financée par des mesures extra-budgétaires exceptionnelles et, d'autre part, que la totalité des économies que nous réaliserons sera conservée par nous, ce qui nous différencie de toutes les autres administrations de la République. Les crédits d'équipement passeront, de ce fait, de 16 milliards à 18 milliards d'euros dans la future loi de programmation militaire.

Le contrat opérationnel qui prévoyait que l'armée de terre dispose de 50 000 hommes, projetables en un an, sur l'arc de crise était physiquement et financièrement irréalisable, comme l'a démontré l'état des lieux auquel j'ai procédé à la demande du Président de la République et du Premier ministre. Il aurait nécessité 5 milliards d'euros supplémentaires en équipement à partir de 2010 ou 2011. Personne ne peut imaginer que la France consacre à l'équipement de ses forces l'équivalent de deux fois les ressources budgétaires annuelles nouvelles liées à la croissance.

Une force de projection pour l'armée de terre de 30 000 hommes en six mois sur un arc de crise allant de l'Atlantique à l'océan Indien est supérieure à tout ce que nous avons fait depuis 1945. Au moment de Suez, nous avons déployé 26 000 hommes. En 1991, lors de la guerre du Golfe, nous avons péniblement projeté 12 000 hommes en Arabie saoudite – alors que l'armée de terre en comptait 300 000 –, et cela en étant obligé de transformer notre porte-avions en porte-camions.

Un excellent rapport rédigé par le président de la commission de la défense de l'époque démontrait, premièrement, notre incapacité à projeter des volumes significatifs en cas de crise grave, deuxièmement, une interopérabilité limitée avec nos alliés, troisièmement, les difficultés pour l'armée de terre de se projeter du fait de la conscription – c'est ce qui a conduit à l'armée mixte suite aux conclusions du Livre blanc en 1994 puis à la professionnalisation en 1996 –, quatrièmement, l'inadéquation de certains équipements : les Jaguar, par exemple, n'étaient pas capables de tirer la nuit et restaient au sol dès que le soleil se couchait.

Aux 30 000 hommes projetables sur l'arc de crise s'ajoutent 5 000 hommes pouvant être déployés sur un théâtre secondaire et 10 000 hommes au titre de la défense du territoire. Si, un jour, la France est obligée de mobiliser 45 000 hommes pour une opération, c'est que la situation sera grave, d'autant qu'aujourd'hui nous n'intervenons jamais seuls : nous le faisons soit en alliance, soit en coalition, et toujours dans le cadre d'une résolution des Nations Unies.

Encore faut-il préciser que ces 45 000 hommes ne concernent que l'armée de terre. Même si notre niveau est équivalent à celui des Britanniques, leurs 40 000 ou 41 000 soldats projetés au plus fort de la guerre en Irak comprenaient également des éléments de l'armée de l'air et de la marine et étaient envoyés sur un temps court. Jamais la France n'a projeté 70 avions de combat sur un théâtre éloigné avec, de plus, une capacité de projection plus courte puisque le Livre blanc assigne un délai de six mois pour la projection des 30 000 hommes.

On peut toujours estimer que l'arc de crise n'est pas assez large. Mais la France ne dispose pas des mêmes moyens que les États-Unis qui représentent, à eux seuls, 50 % de l'effort militaire de la planète. Loin d'y voir un déclassement militaire, il faut au contraire considérer que l'on passe d'un contrat opérationnel virtuel à un contrat opérationnel réel. Le fait que la France conserve le pouvoir d'entrer en premier sur un théâtre de crise majeure lui laisse l'ambition de rester l'une des quatre premières puissances militaires. En tout cas, l'arc de crise recouvre les théâtres de crise majeurs qui peuvent avoir des retentissements directs sur notre propre sécurité.

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