…mais elles ne m'ont pas convaincu.
L'ambition affichée de faire revenir la France sur le devant de la scène internationale succombe sous les coups de ciseaux de la RGPP. Le conseil de modernisation des politiques publiques de juin 2010 a confirmé la réduction sans précédent de notre réseau diplomatique, qui s'ajoute au non-remplacement des fonctionnaires partant en retraite.
Il faut, dit-on, « avoir les moyens de nos ambitions » . Mais je crains que nous n'ayons ni moyens ni ambition, jusque dans notre diplomatie culturelle.
La politique extérieure de la France est depuis longtemps intimement liée à la diffusion de ses arts et de ses idées hors des frontières. C'était notre manière de peser sur la conduite des affaires de ce monde, en participant à l'avènement d'une communauté autour de valeurs fondatrices.
De cette ambition culturelle et politique, qui au cours de l'histoire a été tantôt aliénante, tantôt émancipatrice, que reste t-il aujourd'hui ?
Une conception rabougrie de la culture comme instrument d'influence, dans le droit fil du Livre blanc. En voulant développer une offre culturelle élitiste à l'étranger, auprès des décideurs et de leur progéniture, on imagine faire renaître les lumières françaises et peser politiquement. Nous faisons fausse route en abandonnant l'impératif de démocratisation. La France a vocation à parler à tous.
Dans cette vision qui tente de s'imposer, la culture se voit rabaissée à un simple véhicule des intérêts économiques de nos multinationales, à un simple expédient pour ouvrir de nouveaux marchés.
Loin de l'objectif de dialogue entre les civilisations et de coopération entre les États que je défends, cette culture-là s'imprègne de la compétition économique de tous contre tous qui nous a menés à la crise actuelle du capitalisme.
Je crains que le projet de loi n'entérine ces travers.
Il existe un consensus presque général sur le manque de lisibilité et de cohérence de notre action extérieure. Incontestablement, notre appareil diplomatique est en perte de vitesse face aux stratégies novatrices de nos partenaires internationaux.
Monsieur le ministre, je salue donc l'ambition qui a été vôtre de réformer en profondeur le réseau culturel et diplomatique le plus dense de la planète. Mais je constate que le compte n'y est pas.
Les modifications apportées par la commission mixte paritaire n'ont pas bouleversé l'orientation de ce texte, ni apporté les clarifications nécessaires sur le périmètre et les moyens des instruments créés.
Que reste-t-il des travaux des parlementaires – je pense notamment à la mission Rochebloine – qui ont déployé une réelle énergie et fait des propositions novatrices pour relever notre diplomatie culturelle ?
Vous vantiez le choix de la souplesse et de la cohérence en proposant la création de deux établissements publics, mais ce projet ne fait qu'ajouter à la confusion.
Après un an de reculade, on n'a toujours pas tranché sur le point névralgique de la réforme : la question du rattachement du réseau culturel à l'établissement public est ainsi renvoyée à de nouvelles expérimentations. Les relations entre les services culturels des ambassades, les centres culturels et les alliances françaises et l'agence culturelle ont été renforcées, mais aucunement clarifiées. C'est un rendez-vous manqué qui laisse le ministère au milieu du gué, et suscite la plus grande inquiétude des personnels.
Monsieur le ministre, vous n'avez pas caché les difficultés rencontrées pour mettre cette réforme sur les rails, en dénonçant sévèrement les « protestations corporatistes, parfois sectaires », et les « certitudes figées et les haines recuites ». Mais, dans un contexte de compression des coûts, le manque de pédagogie et de vision stratégique n'est pas étranger à cet échec annoncé. Le freinage ne provient-il pas également du coût de ce rattachement, soit 40 millions d'euros, dans un contexte d'assèchement des crédits ?
Le choix du statut d'EPIC pour les trois agences, notamment pour l'Institut français, constitue un parti pris financier que nous contestons. Malgré vos déclarations apaisantes, ce choix démontre le désengagement de l'État du réseau culturel à l'étranger. Le choix d'un établissement public administratif aurait été préférable pour affirmer la prééminence de la puissance publique dans le pilotage de ces structures, et il n'aurait pas nui à leur souplesse.
Dans la logique de la RGPP, ces opérateurs devront rationaliser leurs dépenses et ne plus trop compter sur le soutien financier de l'État. C'est le but inavoué de votre réforme du réseau culturel : réaliser des économies. Je rappelle que depuis plusieurs années, les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » chutent de plus de 10 %, sans que l'on aperçoive un redressement à l'horizon.
Le réseau culturel continuera donc d'assurer des missions de service public, mais devra trouver de nouvelles sources de financement. C'est la porte ouverte aux partenariats avec le privé et à la tarification d'activités jugées rentables. Ce bouleversement aura nécessairement des conséquences sur l'offre culturelle dans notre réseau, et les marges de manoeuvres se réduiront. Je crains que la diffusion des oeuvres de l'esprit ne soit progressivement supplantée par l'industrie culturelle. Qu'adviendra-t-il alors des opérateurs locaux ne parvenant pas à l'autofinancement ? Devront-ils fermer leurs portes ?
Le dernier Conseil de modernisation des politiques publiques prévoit l'élaboration d'un plan triennal d'évolution du réseau culturel et de coopération pour la période allant de 2011 à 2013. Ce plan privilégiera, en particulier, le rapprochement avec le réseau des alliances françaises. J'aimerais que vous nous rassuriez sur ce point, monsieur le ministre, en excluant toute nouvelle fermeture de centres culturels.
La conduite de cette réforme du réseau diplomatique a suscité une grande inquiétude des personnels. Elle a motivé leur opposition au sein du Conseil supérieur de la fonction publique. Les agents des opérateurs redoutent que les propositions de réemploi s'écartent de leurs qualifications. Ces préoccupations doivent être entendues, d'autant que le personnel du réseau culturel souffre parfois d'une précarité importante. Les recrutés locaux ne doivent pas faire les frais de cette réorganisation à travers un dégraissage silencieux, puisqu'ils sont imparfaitement comptabilisés dans le plafond d'emploi du ministère.
Outre la création d'un opérateur culturel, le projet de loi entend renforcer l'expertise française à l'international et la promotion de notre enseignement supérieur, ce dont je ne peux que me féliciter. Certaines dispositions apporteront un nouveau souffle dans ces domaines, même si je regrette que l'intégration des activités internationales du CNOUS n'ait pas fait l'objet d'une réflexion plus aboutie et satisfaisante.
J'ai bien relevé que le président de la commission des affaires étrangères, Axel Poniatowski, et vous-mêmes, monsieur le ministre, étiez intervenus concernant les opérations de sauvetage des professionnels à l'étranger. Je veux vous croire.