Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Louis Giscard d'Estaing

Réunion du 30 juin 2008 à 22h00
Règlement des comptes et rapport de gestion pour 2007 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour la mission Défense :

En 2007, la France a engagé 12 039 soldats en opérations extérieures dans trois continents, à plusieurs milliers de kilomètres de leur pays, dans différents cadres d'intervention : accords de défense ou de coopération, ONU, OTAN, Union européenne. C'est pour vérifier les conditions dans lesquelles étaient engagées, sur les plans opérationnel et budgétaire, nos troupes en OPEX que nous nous sommes rendus en tant que rapporteurs spéciaux, Jean-Michel Fourgous et moi-même, en Côte-d'Ivoire, dans le cadre de l'opération Licorne, en septembre 2007, et que je me suis rendu au sud-Liban en avril de cette année, dans le cadre de notre engagement au sein de la FINUL.

Nous nous sommes en effet attachés à répondre à deux questions fondamentales. Premièrement, de quelle façon les contraintes budgétaires influent-elles sur le niveau opérationnel de l'engagement de nos hommes en opérations extérieures, spécifiquement au regard des équipements nécessaires à de telles missions ? Deuxièmement, comment remédier à l'écart constaté entre le montant inscrit en loi de finances initiale et le coût réel dans la loi de règlement – demande formulée de longue date par la commission des finances de l'Assemblée nationale ?

Contraignantes sur le plan humain, les opérations extérieures sont évidemment coûteuses : outre les indemnités légitimes versées aux militaires, les OPEX entraînent des surcoûts liés non seulement au fonctionnement mais surtout à l'usure prématurée des matériels, qui sont davantage sollicités lors des missions d'interposition que dans les champs de manoeuvre nationaux. En 2007, ce surcoût a été évalué à 685 millions d'euros. En 2008, il frôlera les 900 millions d'euros. À ces frais s'ajoutent ceux des forces prépositionnées, évalués en 2006 à 281 millions d'euros. Malheureusement, le rapport annuel de performances ne nous fournit pas cette évaluation pour 2007, mais peut-être, monsieur le ministre, pourrez-vous nous le préciser.

Sur ce montant, l'ONU a remboursé à la France, en 2007, au titre de sa participation à la FINUL et à la MINUCI, la somme de 19 millions d'euros. Les remboursements effectués au titre des opérations effectuées sous mandat sont un sujet important. Compte tenu des délais propres à l'ONU, cette somme correspond à des engagements datant de 2006 et 2007. Le montant des remboursements attendus en 2008 devrait dépasser les 40 millions d'euros.

L'analyse du budget de 2007 des opérations extérieures appelle de ma part trois remarques, qui susciteront quatre questions.

Première remarque : en dépit des efforts entrepris, la sous-budgétisation s'est poursuivie en 2007. La multiplication des interventions des armées françaises à l'extérieur de nos frontières, depuis la fin des années quatre-vingt-dix, a conduit les autorités politiques du pays à composer avec le budget de la défense pour financer les opérations extérieures. Pendant longtemps, les surcoûts des OPEX ont été purement et simplement financés par des annulations de crédits au chapitre des équipements. Depuis 2005, à la demande insistante des parlementaires, une dotation est inscrite en loi de finances initiale. Cette dotation, largement sous-estimée, s'est élevée, en 2007, à 360 millions d'euros. Or, au moment même où ces crédits étaient votés en toute bonne foi par les parlementaires, l'état-major des armées prévoyait un surcoût d'un montant de 600 millions d'euros ! Dans ces conditions, la représentation nationale peut légitimement se demander à quoi sert de voter un budget, exercice destiné autant à prévoir qu'à autoriser une dépense. À quoi bon en effet graver dans le marbre de la loi une dépense autorisée pour un montant de 360 millions d'euros alors que la réalité de la dépense sera proche du double ?

Une telle absence, sinon de sincérité, du moins de lisibilité, dans la présentation des dépenses liées aux OPEX, contrevient aux dispositions de l'article 32 de la LOLF. Elle entraîne des conséquences directes en matière de dépenses d'équipement, puisque les ouvertures de crédits qui interviennent en cours d'exercice pour abonder les crédits liés aux OPEX sont le plus souvent gagées sur des annulations d'achats de matériel, ce qui réduit l'équipement dont nos militaires ont besoin et brouille de ce fait la visibilité de nos industriels avec qui des contrats ont pourtant été passés. La sous-budgétisation se traduit finalement par des pénalités payées aux industriels avec lesquels il convient de négocier des rééchelonnements de livraison et de paiement.

Deuxième remarque : les documents budgétaires ne retracent pas fidèlement la réalité de la dépense. Les montants financiers relatifs aux opérations extérieures et aux missions intérieures qui sont inscrits dans le rapport annuel de performances n'ont en effet qu'un lointain rapport avec la réalité. Selon les services du ministère de la défense, la différence entre les chiffres présentés dans le rapport annuel de performances - RAP - et la réalité s'explique de deux manières : d'une part, certaines dépenses liées aux OPEX font l'objet d'erreurs d'imputation et sont imputées non pas sur l'action n° 6 du programme 178, mais sur les actions propres à chaque armée, au sein du même programme ; d'autre part, un certain nombre de dépenses liées aux OPEX et aux missions intérieures sont déclaratives et n'apparaissent pas explicitement dans les comptes du ministère.

Alors que la réalité des opérations extérieures pour 2007 s'élève à 685 millions d'euros, le RAP présente des montants de 545 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 511 millions d'euros en crédits de paiement. Je suis certain, monsieur le ministre, que vous nous apporterez des explications à ce sujet. Pour les missions intérieures, le décalage est encore plus flagrant : à la lecture du RAP, les frais liés aux missions intérieures s'élèveraient à 1,3 million d'euros alors qu'ils sont estimés par l'état-major des armées à environ 20 millions d'euros.

Force est de constater que, dans ce domaine au moins, l'un des principaux objectifs de la LOLF, qui était d'améliorer la lisibilité du budget, n'a pas pour l'instant été respecté.

Troisième remarque : le rapport annuel de performances a été très attendu cette année. Alors que l'article 46 de la LOLF dispose que le RAP doit être publié « avant le 1er juin de l'année suivant celle de l'exécution du budget auquel il se rapporte », le rapport annuel de performances 2007 de la mission Défense est parvenu à l'Assemblée nationale, sous une forme provisoire, avec onze jours de retard, ce qui a réduit considérablement le temps laissé aux parlementaires pour examiner ce document de 580 pages, notamment dans l'optique du débat d'aujourd'hui.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion