L'Autorité s'appellera désormais « Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires ». Néanmoins, nous tenons à conserver l'ancien sigle « ACNUSA » – après tout, il y a des « s » dans « nuisances » ! –, bien connu depuis dix ans et plus facile à prononcer.
L'ACNUSA a été créée en 1999. Elle est la première autorité administrative en matière d'environnement, la seule en France, et est par ailleurs unique dans le monde. C'est le ministre chargé de l'aviation civile qui avait proposé sa création, sur une recommandation de la mission Douffiagues, au moment de l'extension des pistes de Roissy.
L'Autorité dispose d'abord de pouvoirs généraux sur l'ensemble des aéroports : des pouvoirs de recommandation générale sur les questions relatives à la mesure du bruit, à la gêne sonore et à la maîtrise des nuisances sonores. Elle exerce également des pouvoirs spécifiques sur les aéroports qui connaissent plus de vingt mille mouvements d'avions de plus de vingt tonnes par an, c'est-à-dire les plus grands aéroports français sauf Beauvais, qui ne va cependant pas tarder à les rejoindre. Pour ces aéroports « acnusés », l'Autorité définit des indicateurs de mesure de bruit et de gêne sonore, et édicte des prescriptions techniques sur les dispositifs de mesure de bruit. Elle s'assure du respect de ces prescriptions et, en cas de manquement, peut mettre l'exploitant en demeure. Elle conduit un programme de diffusion auprès du public de ces indices et mesures, et est consultée sur les plans d'exposition au bruit, les plans de gêne sonore et toute modification de trajectoire. L'Autorité peut être saisie par les commissions consultatives de l'environnement ou par le ministre ; elle peut aussi s'autosaisir.
Le bilan de ses dix années d'existence est globalement positif.
Le dialogue a été restauré entre l'aviation civile et les riverains. Tous les aéroports « acnusés » disposent de systèmes de mesure de bruit et donnent des informations aux riverains. Le dialogue s'est aussi amélioré concernant les trajectoires. Les associations se sentent écoutées et peuvent travailler avec l'aviation civile par notre intermédiaire. C'est également l'Autorité qui a préconisé le remplacement de l'indice psophique par l'indice Lden pour calculer les cartes de bruit, plans d'exposition au bruit (PEB) et plans de gêne sonore (PGS).
Mais beaucoup reste à faire. Le rapport annuel de l'Autorité, remis au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents des deux Assemblées et que je suis heureuse de pouvoir présenter de vive voix, contient toujours des recommandations – car nous n'avons ni personnalité morale, ni pouvoir réglementaire – qui généralement finissent par aboutir, plus ou moins rapidement.
L'une de nos priorités concerne l'aide à l'insonorisation pour les personnes relevant des plans de gêne sonore. Nous avons toujours considéré qu'il s'agissait d'un droit, pas d'une aumône. Or le système tenait du parcours du combattant. En outre, 20 % des frais restaient à la charge des personnes concernées, soit 2 000 euros pour un devis moyen de 10 000, ce qui, pour les riverains d'Orly, par exemple, est bien cher. Nous avons donc beaucoup insisté pour atteindre les 100 % de financement – je rappelle qu'il ne s'agit pas de l'argent de l'État : l'aide à l'insonorisation est financée par une taxe prélevée sur les compagnies en fonction du nombre et de l'heure des mouvements qu'elles effectuent. Nous en sommes arrivés à 95 % pour les opérations groupées (logements collectifs ou cinq habitations individuelles ensemble) et nous avons également obtenu que les habitants n'aient plus à faire l'avance des frais – le décret vient d'être publié. Si l'Autorité ne s'était pas emparée du sujet, je ne suis pas sûre qu'on en serait là. Il faut y mettre beaucoup d'énergie, mais cela finit par donner des résultats.
Pour mesurer le bruit, les indices actuels se réfèrent à l'énergie sonore, mais pas à la gêne ressentie par les riverains. Nous recommandons d'utiliser l'indice NA (Number Above), qui comptabilise le nombre de mouvements au-dessus d'un certain seuil – 65 décibels pour cent mouvements et 62 décibels pour deux cents mouvements, car la répétition du bruit doit aussi être prise en considération. Mais il y a encore beaucoup de travail à faire pour trouver les bons indices.
Nous nous préoccupons également beaucoup des vols de nuit en région parisienne. En ce qui concerne la plupart des autres plateformes, celle de Bordeaux par exemple, cela ne concerne qu'un ou deux avions par nuit. L'indice, en la matière, n'est pas très bon. La définition même n'est pas au point – cela peut être entre 22 heures et 6 heures ou entre minuit et 5 heures, comme à Roissy, et, même dans ce dernier cas, on constate une augmentation du nombre de vols. Les derniers chiffres montrent que l'énergie sonore n'a pas baissé. Pour y remédier, nous recommandons avec insistance le renouvellement des flottes. Les avions classés chapitre 2 de l'annexe 16 n'existent plus, mais les avions classés chapitre 3, les plus bruyants, sont encore nombreux. Nous demandons qu'ils ne volent que pendant la journée et que les avions classés chapitre 4 soient utilisés en priorité la nuit.
De nouvelles zones de contestation apparaissent : ce ne sont pas forcément les habitants les plus proches des aéroports qui protestent. C'est pourquoi je fais une différence entre « riverains » et « survolés », qui habitent au-delà de vingt ou trente kilomètres. Nombreux sont ceux qui se plaignent d'avoir été survolés à basse altitude alors que les pistes sont encore loin. Je sais que l'aviation civile doit gérer les vols du Bourget, d'Orly et de Roissy, qui s'enchevêtrent, mais le problème est réel.
Je passe sur l'aéroport Charles-de-Gaulle, qui mérite une étude particulière.
La question de l'urbanisation autour des aéroports reste une de nos grandes préoccupations. Pour vous donner un exemple, bien que le lotissement de 400 logements qui est en train de se créer à Saint-Jean-d'Illac, près de Bordeaux, appartienne à la zone D, à la limite de zone C, tout le monde est persuadé qu'une association de riverains sera bientôt sur pied !
Pour ce qui est de la région parisienne, le sujet mériterait d'être abordé dans le cadre du Grand Paris. Il n'est pas question de limiter l'urbanisation, mais peut-être pourrait-on étendre les contraintes d'isolation au-delà des seules zones des plans de gêne sonore.
En ce qui concerne les sanctions, je voudrais d'abord souligner que le montant des amendes que l'Autorité a prononcées depuis sa création dépasse les 23 millions d'euros, qui sont versés au budget général de l'État. Eu égard à son budget annuel de 1,3 million, c'est un beau résultat !
Le système des amendes a été révisé, et moins de sanctions ont été prononcées cette année. L'une des explications est que le système finit par être dissuasif. C'est le cas pour les vols de nuit : lorsqu'une compagnie n'a pas de créneau de nuit et qu'elle fait quand même décoller un appareil entre minuit et 5 heures, parce qu'elle est en retard par exemple, elle se voit infliger une amende. Le sachant, les compagnies s'efforcent de ne plus programmer de vols trop près de minuit. Mais il y a une autre explication à la baisse du nombre des sanctions : les manquements ne sont pas relevés comme ils devraient l'être. Cette situation est liée à la réorganisation interne de la direction générale de l'aviation civile et aux ajustements à effectuer entre le service de la navigation aérienne et la direction de la sécurité de l'aviation civile. L'un des objectifs de l'Autorité, dans le cadre de la réforme de la procédure des sanctions, est que tous les manquements soient relevés.
Nos moyens ne sont pas à la hauteur de ce qu'on attend de nous, surtout compte tenu de l'extension de nos compétences. Nous n'avons que trois postes pour ce qui est du coeur de notre métier – la secrétaire générale, le responsable du pôle Bruit et son adjoint – les autres étant plutôt liés à la gestion quotidienne de l'Autorité. Les riverains s'inquiètent d'ailleurs de ces insuffisances. Certes, le recrutement d'un ingénieur en qualité de l'air est prévu, mais cela reste d'autant plus limité que nos nouvelles compétences imposent de procéder à des études : il n'existe pas de traceur spécifique permettant de connaître la part des avions, des véhicules routiers ou des aéroports eux-mêmes dans la pollution atmosphérique. Si on veut le savoir, il faudra financer des études.
On attend de l'Autorité qu'elle fasse pour ses nouvelles compétences ce qu'elle a fait pour le bruit : rendre les données objectives. Ainsi, en région parisienne, Airparif et le laboratoire d'Aéroports de Paris ne sont pas d'accord sur l'interprétation des mesures de la qualité de l'air – de même qu'il y a dix ans les mesures de bruit différaient selon l'organisme dont elles émanaient. L'Autorité a garanti l'objectivité et la transparence de ces informations et va essayer de faire de même pour la qualité de l'air autour des aéroports. Les riverains sont d'ailleurs de plus en plus demandeurs, alors qu'il y a dix ans ils ne s'intéressaient qu'au bruit.
Car tout est lié à la santé : les riverains sont de plus en plus inquiets des impacts sur la santé que pourraient avoir le bruit ou la pollution atmosphérique. C'est pourquoi l'Autorité est très heureuse de voir aboutir un projet qu'elle porte depuis plusieurs années : le lancement de l'étude DEBATS – Discussion sur les effets du bruit des aéronefs touchant la santé. Il s'agit d'une étude épidémiologique en convention avec l'INRETS (Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité), et financée par le ministère de la santé, qui analysera sur six ans la situation autour du grand aéroport parisien Charles-de-Gaulle, autour des aéroports de Toulouse et Lyon et – c'est le plus difficile à définir – dans une zone aux composantes socio-économiques semblables, mais dépourvue d'aéroport. Cela permettra d'établir de façon incontestable si le bruit a des effets sur la santé.