Je l'ai dit l'autre jour à Bruxelles : alors que nous ne pourrons plus soutenir nos exportations sous forme de restitution à l'externe - je souhaite toutefois la conservation de cet instrument même s'il ne doit être utilisé que rarement -, les Américains, eux, prévoient des programmes massifs de restitution interne visant à soutenir la nutrition ou l'alimentation. Est-il besoin de rappeler qu'ils bénéficient de surcroît d'un grand marché intérieur ? Ce mécanisme est assez ingénieux puisqu'il consiste à acheter au prix fort aux producteurs nationaux, sur des crédits publics. Ils ont instauré parallèlement un autre dispositif, auquel nous devrions nous intéresser, de soutien fiscal massif aux biocarburants, qui a pour objet de servir de filet de sécurité : en cas de baisse des prix des biocarburants, aujourd'hui élevés, ils feront basculer leur soutien de l'agriculture vers les biocarburants. Ce dispositif est prêt mais personne n'en parle à l'OMC ! C'est la raison pour laquelle le chef de l'État a eu raison, à Rome, de proposer, en termes de gouvernance mondiale, l'instauration d'une instance de discussion avec les Américains sur ces grands enjeux que sont l'alimentation, l'agriculture et le partage des terres entre alimentation et énergie. Aujourd'hui, il n'existe aucune instance où évoquer ces enjeux majeurs - ils ne sauraient être abordés à l'OMC, sinon dans une logique strictement libre-échangiste. Nous soutenons l'idée d'un forum de haut niveau réunissant l'OMC, la FAO qui, théoriquement, a été instituée pour traiter ces questions, la Banque mondiale, qui vient de répéter qu'il fallait mettre l'agriculture en tête de l'agenda, le FMI – j'ai évoqué cette question avec Dominique Strauss-Kahn – et les grands bailleurs de fonds. Le Brésil, les États-Unis et l'Europe doivent trouver un accord sur les parts respectives qu'il convient de consacrer, dans l'agriculture, aux biocarburants et à l'alimentation. Du reste, dès le 3 juillet, la Présidence française du Conseil de l'Union européenne organisera, au Parlement européen à Bruxelles, une conférence internationale sur le thème “Qui va nourrir le monde ?”. Cette conférence fait partie d'un cycle de trois conférences à l'initiative du ministère français de l'agriculture et de la pêche. Vous y êtes cordialement invités. Il s'agit pour moi de montrer que la PAC que nous souhaitons préserver et rénover n'est pas recroquevillée sur elle-même.