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Intervention de Michel Barnier

Réunion du 30 juin 2008 à 22h00
Règlement des comptes et rapport de gestion pour 2007 — Agriculture pêche forêt et affaires rurales développement agricole et rural

Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche :

Je ne suis pas étonné de la précision et de la pertinence des questions posées par M. Antoine Herth.

L'AFICAR est une association indépendante créée en marge du ministère de l'agriculture et de la pêche en vue de financer des opérations de communication dans le cadre d'un partenariat financier entre l'État et les professionnels. Je lui ai donné une dernière chance en prévoyant une réunion début juillet. Il semble que les choses bougent du côté des organisations professionnelles et qu'elles soient prêtes à participer à des campagnes de communication et d'explication sur le modèle des campagnes exemplaires menées par les artisans en vue de réconcilier la société avec certains secteurs professionnels. C'est ce que nous voudrions faire pour l'agriculture.

La question de la modernisation de l'administration du ministère de l'agriculture et de la pêche, forte de ses 40 000 agents, dont 20 000 enseignants dans 850 établissements scolaires, est à mes yeux capitale. C'est à l'heure actuelle une administration paradoxalement très centralisée pour un ministère qui s'occupe des territoires. L'implantation est toutefois très forte sur le terrain. Dans le grand mouvement de réforme de l'État cette administration courait le risque d'être marginalisée. C'est pourquoi je me suis attaché à trouver des raisons objectives de la maintenir tout en la rénovant en vue de répondre aux grands enjeux de demain, qui sont de deux ordres : l'alimentation, la sécurité alimentaire et la nutrition d'une part, le développement durable des territoires ruraux d'autre part – autrement dit, l'agriculture durable.

C'est au service de ces deux enjeux stratégiques que travaillent les paysans, les entreprises agroalimentaires et les pêcheurs. J'ai donc le projet de transformer un jour – ce moment arrivera – le ministère de l'agriculture et de la pêche en ministère de l'alimentation, du développement durable, de l'agriculture et de la pêche, car ce n'est pas seulement le ministère des agriculteurs. Tel est l'esprit dans lequel j'ai procédé à sa réorganisation, d'autant que la modernisation de l'administration est un sujet qui m'intéresse depuis très longtemps. Je souhaite que les agents soient bien dans leur peau. Avant même d'y être encouragés par la RGPP, mes services et moi-même avons travaillé à ce que devrait devenir ce grand ministère grâce à des réformes aujourd'hui opérationnelles, puisque les décrets d'organisation seront publiés dans les jours à venir, c'est-à-dire un peu plus tôt que prévu. Je les résume.

Sur le terrain, j'ai amplifié la logique, expérimentée en 2007 dans huit départements, de fusion de la DDA et de la DDE en vue de créer dans tous les départements une direction des ingénieurs des territoires et de placer les ingénieurs de l'équipement dans les mêmes bureaux que ceux de l'agriculture, ce qui est dans l'intérêt de cette dernière, notamment en cette période de pression sur le foncier. Nous préserverons dans ces futures directions des territoires les missions d'économie agricole et de gestion des aides européennes qui sont celles des actuelles directions départementales de l'agriculture et de la forêt. De plus, – je me suis beaucoup battu à cette fin – la décision a été prise, dans le cadre de la RGPP, de créer une direction de la protection des populations, qui sera au coeur du dispositif de l'actuelle direction départementale des services vétérinaires. Elle comprendra par ailleurs certains services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Au plan régional, mon souci a été de faire de la direction régionale actuelle le point central de la réforme du ministère. Je crois à l'échelon régional et au dialogue avec les régions, qui devrait être renforcé dans le domaine de l'agriculture. Les directions régionales devront assumer la mutualisation et la coordination, même si toutes les régions ne sont pas de taille équivalente. La création d'une direction « alimentation, agriculture et forêt », qui a été acceptée, permettra de renforcer cet échelon.

Au plan national, nous regroupons plusieurs directions générales et plusieurs directions afin de simplifier l'organisation et de renforcer les missions importantes : l'alimentation et la nutrition iront à la direction générale de l'alimentation tandis que le pôle international et européen et le pôle relatif à la biomasse et aux biocarburants iront à la nouvelle grande direction générale que je crée.

Un bon ministre se devait également de créer un service de prospective sous forme d'une cellule importante de quelque 200 personnes regroupant statistiques, études et prospective : on ne saurait être un bon ministre et travailler efficacement sans avoir des éclaireurs. J'avais déjà eu ce souci il y a quinze ans : j'avais créé une cellule de prospective lorsque j'avais été nommé ministre de l'environnement. Nous créons aujourd'hui un service puissant de prospective et d'études statistiques, ouvert sur l'international.

Enfin, vous le savez, nous fusionnons le corps des Eaux et forêts et celui des Ponts et chaussées, ce qui est une vraie révolution. Nous créerons un seul office au lieu de cinq, en préservant l'autonomie de l'office des DOM, et une seule autorité de paiement entre le CNASEA pour les Eaux et Forêts et l'AUP pour les Ponts et chaussées.

Tel est l'ensemble du dispositif mis en place, que j'ai bien expliqué aux agents et aux syndicats. Il suscite assurément des craintes mais il est pour moi le moyen de préserver, en leur donnant du sens, les grandes missions stratégiques de ce ministère, notamment l'alimentation et le développement rural.

Il me faut également relever le grand défi qui consiste à remettre en production 12 millions de mètres cubes de bois supplémentaire dans ce pays à l'horizon 2012. La couverture forestière de la France augmente d'un département tous les huit ans alors que notre déficit en la matière est de 5 milliards d'euros, montant de nos importations de bois ! Il n'est pas possible de continuer ainsi. Nous allons donc développer cette filière et l'ONF, qui a été modernisé, rationalisé et rendu plus rentable, aura un rôle important à jouer dans ce développement.

Monsieur Le Fur et monsieur Herth, en ce qui concerne la gestion des crises et l'assurance récolte, outil créé par mes prédécesseurs Hervé Gaymard et Dominique Bussereau, en 2007, je tiens à souligner que les 70 000 contrats d'assurance récoltes représentent une augmentation de 5 %, ce qui est modeste puisque seuls 14 % de l'ensemble des terres labourables sont couverts, avec, de plus, des variations très importantes : 31 % pour les protéagineux et 0,85 % pour les fruits et légumes, 11 % pour la vigne et 7 % pour les légumes. Dans des filières particulièrement soumises aux accidents climatiques et sanitaires, l'absence de protection est donc quasiment totale – j'ai évoqué tout à l'heure les arboriculteurs. C'est la raison pour laquelle, comme le Président de la République me l'a demandé, je veux généraliser le système d'assurance récolte, ce que nous ferons dans le cadre du bilan de santé de la PAC, tout en conservant le système du fonds national des calamités agricoles, qui fonctionne avec le produit des assurances et des dotations au coup par coup de l'État, qui ne sont que des bouts de ficelle. Il convient de stabiliser, de développer et de généraliser ces outils. Je suis prêt à prendre le risque de proposer, dans le cadre de la redistribution des crédits du premier pilier de la PAC, au titre de l'article 68, une dotation substantielle de plusieurs centaines de millions d'euros par an afin de créer un système généralisé de gestion des crises.

Les indemnités compensatoires de handicaps naturels – ICHN –ont quant à elles beaucoup augmenté pour atteindre 520 millions d'euros en 2007, avec un cofinancement communautaire . La majoration des vingt-cinq premiers hectares a été progressivement augmentée de 10 % en 2002, de 35 % en 2007 en zone de montagne et de 30 % en zone de plaine et piémont. A l'exception du zonage, qui sera discuté en fin d'année, l'ICHN ne me pose aucun souci. En ce qui concerne la prime herbagère agro-environnementale – PHAE –, je confirme que nous avons dû, pour des raisons budgétaires, cofinancer en 2007 la part nationale en prélevant sur les réserves du cofinancement européen : ce faisant, je me suis livré à une opération réaliste qui n'a pas diminué ni remis en cause les montants de la PHAE. L'effort de l'État en la matière est du reste très substantiel, puisque les autorisations d'engagement s'élèvent en 2008 à 457 millions d'euros. Ces montants sont en moyenne supérieurs à l'ancienne prime à l'herbe. De plus, une grande partie des contrats arrivant à échéance en 2008, ils sont renouvelés à hauteur de 76 euros par hectare.

En ce qui concerne l'agriculture biologique, les autorisations d'engagement s'élèvent à 9,4 millions d'euros et les crédits de paiement à 8,8 millions en 2007 pour l'ensemble des mesures agro-environnementales – ces chiffres sont hors PHAE : ils concernent l'agriculture biologique, l'agriculture raisonnée et les mesures spécifiques aux grands prédateurs. L'animation de la politique en faveur de l'agriculture biologique a coûté, quant à elle 2,7 millions d'euros. Ces chiffres devraient augmenter si nous respectons notre engagement de tripler la surface consacrée à l'agriculture biologique, en la faisant passer en cinq ans de 200 000 à 600 000 hectares.

La réforme de l'INAO s'est mise en place : depuis le 1er janvier 2007 l'institut est compétent pour instruire l'ensemble des signes d'identification de la qualité et de l'origine – Label rouge, appellation d'origine, indication géographique protégée, agriculture biologique. La subvention de l'État à l'INAO, qui s'est élevée en 2007 à 15,3 millions d'euros, couvre l'essentiel de son fonctionnement. Afin de mieux intégrer cette logique de contrôle de gestion et de performances, le ministère a encouragé l'INAO à mettre en place un contrat d'objectifs pluriannuel, qui a été signé à la fin de l'année 2007.

J'ai été sensible à l'observation de M. Antoine Herth sur les chiffres relatifs aux biocarburants. Il est important en effet de pouvoir enfin évoquer ce sujet de manière moins passionnée et plus raisonnée. En ce qui concerne le soutien de l'État en la matière, il faudra mettre en balance les contraintes budgétaires et l'impact des biocarburants sur le plan financier. Je plaide toutefois, au sein du Gouvernement, pour préserver au moins en grande partie le dispositif actuel en cette période de première génération des biocarburants afin de ne pas compromettre l'arrivée la plus rapide possible de la deuxième génération, dont nous savons tous qu'elle multipliera par cinq le rendement des biocarburants pour la même surface cultivée.

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