Je suis très heureux de me livrer à cet exercice avec vous car il me paraît très important que le Parlement à la fois propose, vote et évalue : je suis en effet un ministre qui attache autant d'importance à l'effet de suivi qu'aux effets d'annonces. Je me réjouis donc de ce dialogue.
Monsieur Le Fur, le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche était et demeure en grande difficulté et en grande fragilité. Je le reconnais d'autant plus volontiers que, juste avant mon arrivée, Christine Lagarde avait eu le temps, en quatre semaines de présence à ce ministère, de procéder à son audit sur le plan financier. Elle me l'a remis en partant. Le déficit, d' 1 milliard d'euros pour un budget de 5 milliards, était dû à des dépenses effectuées mais non couvertes par des recettes nouvelles, la plus importante, qui datait de la sécheresse de 2002, s'élevant à quelque 600 millions d'euros. Je me suis donc trouvé devant de réels problèmes de solvabilité, d'où un report global, je le répète, de l'ordre d'1 milliard d'euros. Comme vous l'avez souligné, je suis aujourd'hui en mesure de faire état d'une amélioration qui, pour n'être pas totalement satisfaisante, est sensible, puisque le report de charges est évalué fin 2007 à 500 millions d'euros.
Cette amélioration s'explique tout d'abord par des ouvertures au bénéfice du budget de l'agriculture, notamment par des levées de mise en réserve de l'ordre de 300 millions d'euros, consenties par le ministre du budget, qui a admis, à la suite, du reste, de la demande que l'Assemblée nationale et le Sénat lui avaient faite de remettre de l'ordre dans le budget du ministère, que la situation de celui-ci ne pouvait plus durer. Cet appel a donc été partiellement entendu.
L'explication tient également dans les redéploiements et les efforts de maîtrise propres au ministère de l'agriculture et de la pêche, notamment sur les offices agricoles ou le plan bâtiments, à hauteur de 100 millions d'euros, dans le cadre d'une bonne concertation avec les organisations agricoles. Les dossiers en attente pour le plan de modernisation des bâtiments d'élevage, que Marc Le Fur a évoqué, étaient au nombre de 6 000 lorsque je suis arrivé, du fait que des guichets avaient été ouverts sans règle bien définie. Nous avons donc travaillé avec les organisations agricoles et les chambres d'agriculture pour mettre de l'ordre et réguler la file d'attente. A cette fin, j'ai ajouté 23 millions d'euros de crédits redéployés et trouvé 23 millions de crédits européens, soit près de 50 millions d'euros supplémentaires, ce qui a permis de résorber la liste d'attente, grâce à de nouveaux ajustements sur les taux. Je peux aujourd'hui objectivement affirmer qu'en passant de 72 millions à 118 millions d'euros, nous y sommes parvenus. J'avais le même souci en ce qui concerne les jeunes agriculteurs, pour lesquels nous avons fait un effort.
Nous avons enfin évalué de manière plus fine les charges pesant réellement sur le ministère, notamment le secteur vétérinaire, ce qui nous a permis de dégager une centaine de millions d'euros. Toutefois, pour être tout à fait franc – je tiens à faire preuve devant vous de la plus parfaite sincérité –, je reste très préoccupé du fait que le ministère de l'agriculture et de la pêche doit quotidiennement affronter des aléas et résoudre des crises. Nous avons eu la chance de ne pas connaître en 2007 de grandes crises climatiques, mais nous avons eu beaucoup de petites crises, pour la résolution desquelles - je tiens à répéter devant vous ce que j'ai déjà dit publiquement sur le sujet - nous n'avons pas les outils nécessaires. C'est la raison pour laquelle, messieurs les présidents, je demande que, dans le cadre du bilan de santé de la PAC, le redéploiement d'une partie des crédits du premier pilier vers un système durable de gestion des crises soit considéré comme une priorité.
Enfin, monsieur Le Fur, nous avons fait bouger la Commission qui, dans sa première proposition, au mois de novembre, était favorable à ce que la gestion des crises climatiques et sanitaires soit assumée par les crédits du deuxième pilier, qui, je le rappelle, sont cofinancés, ce qui ne facilitait donc pas la résolution de nos problèmes budgétaires. Avec plusieurs États membres, nous avons obtenu que, désormais, ce soient les crédits du premier pilier qui soient utilisés, grâce à un redéploiement dans le cadre de l'article 68 – ex-article 69 – du règlement agricole européen. En cas d'accord politique sur le bilan de santé de la PAC, accord qui constitue un préalable, je proposerai en novembre la création d'un système généralisé de gestion des crises climatiques et sanitaires, la Commission refusant pour l'instant toute idée de gestion de contrat cyclique à l'américaine. L'évolution me paraît toutefois engagée et la solution sera, pour 2013, d'élargir ce système de gestion des crises climatiques et sanitaires aux crises économiques.
En ce qui concerne les prêts bonifiés et la dotation jeunes agriculteurs – DJA –, je me suis trouvé là aussi devant de nombreuses files d'attente, d'autant que chaque année, à l'automne, les demandes sont trop nombreuses par rapport aux possibilités de crédits. C'est la raison pour laquelle je me suis efforcé de m'y prendre autrement en 2008, d'autant que l'installation et la transmission des entreprises est à mes yeux une priorité. L'agriculture durable, ce n'est pas seulement l'environnement mais également la capacité de renouvellement des générations. Le signal de la bonne santé de l'agriculture, c'est que, de nouveau, le nombre des installations augmente, même si les départs en retraite ne sont pas encore entièrement compensés.
J'ai décidé, afin de mieux exécuter ces crédits et d'éviter les tensions, d'augmenter la dotation budgétaire nationale des prêts jeunes agriculteurs à hauteur de 25 millions d'euros en cours de gestion, grâce à la levée de mises en réserves de certains crédits et à leur redéploiement sur le budget propre du ministère. Dans le même temps, dans le cadre, là aussi, d'une concertation intelligente et constructive avec les jeunes agriculteurs, je me suis attaché à réformer le dispositif pour ajuster les taux et contenir son coût dans l'enveloppe communautaire et nationale, qui sera de l'ordre de 130 millions d'euros pour 2008.
Cela signifie qu'après avoir annoncé au début de l'année 2008 le montant total de la dotation, il ne nous sera pas possible de l'augmenter en fin d'année. Par ailleurs, s'il n'est plus possible d'avoir recours aux crédits-relais bancaires, c'est que, pour attribuer le prêt, il faut avoir obtenu l'accord d'installation, donc la dotation. On ne peut donc plus recourir au système de portage par les banques.