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Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 30 juin 2008 à 22h00
Règlement des comptes et rapport de gestion pour 2007 — Action extérieure de l'État

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

Je suis bien sûr partisan de la création de lycées européens mais je voudrais d'abord que nous créions les lycées français qui nous sont réclamés, ce qui n'est pas toujours possible ! Vous le savez, nous avons essayé de créer des ambassades européennes mais cela n'a pas fonctionné merveilleusement car, en attendant un assouplissement de la fonction d'ambassadeur, il n'est pas évident de partager ses prérogatives ; diviser l'année en deux fois six mois n'était pas une solution terrible. Pour les consulats, en revanche, nous avons plein de projets de cet ordre, dans la mesure où nous devons en construire là où ils manquent terriblement, à l'extérieur de l'Europe, et certainement en supprimer beaucoup ailleurs, situés dans des villes, notamment européennes, où il suffit d'avoir Internet et, si nécessaire, de se déplacer jusqu'à la capitale ; cet assistanat ne doit pas perdurer. Pour ce que je sais des lycées, il serait difficile de dispenser dans le même établissement deux enseignements un peu différenciés sans cocoricos nationaux. La réputation du lycée Istiqlal vient du fait qu'il est français et qu'un enseignement très original y est dispensé, dans un pays où l'influence anglaise dominait largement. Honnêtement, tout dépend des individus, notamment des directeurs ; la question peut être creusée.

Nos 449 lycées à l'étranger accueillent tout de même 250 000 élèves dans 125 pays et nous pourrions atteindre le double ! Le continent le mieux pourvu est certes l'Afrique, pour des raisons historiques, mais la demande se déplace vers l'Asie et nous allons y répondre. Comment ? À Pékin, par exemple, la demande est très forte et les conseillers des affaires étrangères cherchent des financements pour créer un établissement permettant d'y répondre, en espérant que les difficultés actuelles avec les Chinois ne durent pas.

J'en reviens à la question des bourses. Il est vrai – est-ce juste ? – que des entreprises privées accordent des aides substantielles aux familles de leurs employés pour compléter les bourses ou assumer directement et intégralement l'écolage des enfants. Il faut s'appuyer sur le privé et le public, comme vous l'avez suggéré. Si des bourses sont distribuées, les sommes accordées aux familles aidées par une entreprise diminuent. Les parents d'élèves et les établissements sont les seuls qualifiés pour décider ; il faut leur faire confiance.

Le lien entre enseignement secondaire et enseignement supérieur est tout naturel ; ceux qui apprennent le français ont vocation à intégrer nos universités. Les bourses, hélas, sont très insuffisantes mais, avec la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, nous avons créé une mission commune dont les premières conclusions sont très claires : la distribution des bourses d'enseignement supérieur doit faire l'objet de davantage de discernement et cibler des recrutements particuliers ou des régions du monde précises, en fonction des orientations fixées par l'administration centrale et des indications des ambassadeurs, qui jouent un rôle de coordination interministérielle. Il faut passer les candidatures au crible, faute de quoi des étudiants s'orientent vers les techniques du cinéma, voire l'histoire du cinéma, ou d'autres disciplines qui ne leur serviront à rien. C'est mauvais pour eux, pas pour nous ! Telle est notre politique.

C'est un sujet d'importance car nous accueillons près de 90 000 élèves locaux et les bacheliers partent volontiers poursuivre leurs études à l'étranger, mais dans d'autre pays, notamment anglo-saxons – le Canada, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, les États-Unis, etc. –, qui exercent une attraction beaucoup plus forte qu'auparavant. Un tiers des quelque 5 000 bacheliers étrangers ayant été scolarisés dans nos établissements rejoignent encore la France, mais ils viennent principalement de zones assez localisées, à tradition francophone, comme l'Afrique du Nord. De plus en plus partent au Canada. Quant aux élèves des pays européens, ils restent dans leurs pays, qui sont aussi dotés de systèmes universitaires de grande qualité. Pour décider les familles de nos anciens élèves à les envoyer en France, les conditions d'accueil constituent le principal obstacle car elles ont l'habitude de standards relativement exigeants. Les internats des classes préparatoires, par exemple, qui ferment pendant les petites vacances, sont inadaptés à l'accueil d'élèves venant de l'étranger. Par ailleurs, faute d'offrir le même environnement que dans les pays anglo-saxons, les cités universitaires françaises souffrent d'un lourd handicap, que la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche est néanmoins en train de combler. Les conditions d'accueil ne correspondent donc pas aux attentes des familles. En outre, le public étranger a du mal à comprendre la distinction en vigueur, dans le premier cycle du supérieur, entre classes préparatoires et universités.

Nos établissements sont répartis ainsi, madame la rapporteure pour avis : 158 en Afrique, 114 en Europe, 93 en Asie-Océanie et 84 en Amérique. Toutefois, sur les 5 000 élèves supplémentaires que nous avons accueillis cette année, 2 000 l'ont été en Asie. Le flux se détourne donc vers les pays émergents.

Il existe trois catégories de lycées : 74 établissements sont gérés directement par l'AEFE ; 172 établissements de droit étranger sont conventionnés par l'AEFE pour la mise à disposition d'enseignants français ; 203 établissements, en particulier privés, comme celui de Washington, qui n'a cependant pas un mauvais niveau, loin de là, sont simplement homologués, sans recevoir d'aide de l'État.

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