Monsieur le ministre, nous nous connaissons suffisamment pour que je m'autorise à vous faire part d'un certain nombre de doutes et de questions sur les orientations actuellement conduites.
Dans le premier degré, je m'interroge sur l'appréciation que porte votre ministère sur l'impact, établissement par établissement, département par département, des mesures générales de dotation que vous annoncez chaque année. Je sais bien que la LOLF donne aux recteurs la possibilité de procéder à cette répartition mais, de mon côté, j'ai essayé de mesurer sur place quels en sont les effets. Et je vais vous donner quelques chiffres pour l'Ille-et-Vilaine.
Par exemple, dans le premier degré, je constate que, pour une augmentation prévisible de 600 élèves, on aura une dotation de 12 postes pour la prochaine rentrée. Je ne me livrerai pas à un calcul « bête et méchant » qui aboutirait au résultat d'un enseignant pour 50 élèves, ce qui ne serait pas exact. Mais, sur le terrain, nous nous rendons bien compte que le fonctionnement de certaines équipes pédagogiques, dans certaines écoles ayant des projets particuliers, est quelquefois mis en péril par des décisions un peu générales.
Je voudrais savoir, en toute franchise, monsieur le ministre, si vous n'utilisez pas ou si vous ne faites pas utiliser par vos inspecteurs d'académie, deux ou trois variables d'ajustement.
Première variable d'ajustement : les remplacements. Je lis dans le rapport que la situation des remplacements est saine. Or je constate dans ma ville que, très souvent, un remplacement de trois semaines, même pour des absences programmées – maternité, intervention chirurgicale prévue de longue date –, n'est pas effectué. Cela signifie qu'à un moment donné on n'a pas doté le département ou la circonscription des moyens de remplacement nécessaires.
Seconde variable d'ajustement : la scolarisation des enfants de deux ans. Avons-nous, oui ou non, une politique dans ce domaine ? Les taux de scolarisation à deux ans diminuent, parce que les admissions diminuent. Par exemple dans le département d'Ille-et-Vilaine, celles-ci ont baissé de 20 % de scolarisation en quatre ans.
Faut-il ou non scolariser les enfants à deux ans ? Quand aurons-nous ce débat ? On se contente de faire gérer purement et simplement par l'inspecteur d'académie et les recteurs une masse globale affectée, qui permet d'admettre à l'école x % d'enfants de deux ans. Ce n'est pas facile à expliquer sur le terrain, surtout dans ma ville où je n'ai pas institué de carte scolaire et où la liberté d'inscription existe depuis que je suis maire.
Vous utilisez le terme d'« enseignants qui ne sont pas devant les élèves » – ambiguïté que nous avons longtemps entretenue et qu'il conviendrait de lever. Je pense plus particulièrement aux réseaux d'aide, aux psychologues, aux éducateurs, etc. qui me paraissent constituer une troisième variable d'ajustement. Il me semble qu'au fur et à mesure que les moyens manquent pour les affecter devant les élèves, on opère des suppressions de réseaux. Or ces réseaux sont engagés dans des politiques longues. Les 15 % d'élèves dont vous parlez, et qui sont naturellement l'objet de tous vos soins, ne peuvent plus bénéficier d'un suivi pédagogique et éducatif continu.
Il s'agit d'une observation très précise, à laquelle je me suis livré et qui me préoccupe un peu, non seulement pour la prochaine rentrée, mais pour la définition de nos orientations.
Voilà, monsieur le ministre, ce que je voulais vous dire, en vous posant un sujet de baccalauréat : est-ce qu'il y a compatibilité entre un mouvement de réforme et une réduction de moyens ?