Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, de tout temps, les guerriers de tous bords ont rivalisé d'imagination et d'inventivité pour mettre au point et fabriquer les armements les plus meurtriers et les plus lâches.
Sans remonter très loin dans le temps, on peut noter que le XXe siècle s'est distingué par son raffinement mortifère en matière de recherche d'armes pouvant terrasser l'ennemi ou celui qualifié comme tel : des balles dum-dum capables de fracasser le corps humain ou des armes chimiques de la Première Guerre mondiale et du Vietnam jusqu'aux armes nucléaires d'Hiroshima et de Nagasaki.
On nous annonce que les prochaines armes seront « intelligentes » et « discriminantes », comme les armes BONUS ou les drones, déjà largement utilisés, qui permettent d'atteindre des cibles définies et repérées sans faire, prétendument, de dommages collatéraux.
Dans ce contexte, je voudrais, comme d'autres ici, apporter mon soutien à ce projet de loi sur l'élimination des armes à sous-munitions et féliciter les associations, que ce soit Handicap International ou Amnesty International, pour leurs actions et leurs contributions majeures à ce débat. Même si la portée de ce texte est plus morale que juridique, il était de la plus grande symbolique qu'il fasse l'objet d'un examen au Parlement.
Quelques interrogations subsistent, néanmoins. En effet, notre pays ayant réintégré le Haut Commandement de l'OTAN, quelle sera la position de la France sur l'usage des armes à sous-munitions au sein de l'Alliance ? Demain, si nos alliés de l'OTAN décident de créer une zone franche ou une zone tampon entre l'Afghanistan et le Pakistan pour neutraliser tous les points de passage entre ces deux pays, comment la France réagira-t-elle ? S'il est décidé d'arroser des centaines de kilomètres carrés de territoires avec des armes à sous-munitions – et cette hypothèse semble bien envisagée à l'heure actuelle par l'administration américaine –, quelle sera la position de notre pays ?
N'étant pas membre de la commission de la défense, j'ai appris avec effarement, en préparant mon intervention, que l'élimination de notre stock d'armes à sous-munitions s'élèverait à plus de 35 millions d'euros ! Comme quoi, il est plus facile d'inventer une arme ravageuse que de procéder à son élimination ! Comment expliquer cela à nos concitoyens ?
Par ailleurs, il me semblerait judicieux que la construction de l'incinérateur prévu pour la destruction des armes à sous-munitions se fasse au niveau européen, du moins au niveau des États de l'Union européenne ayant signé et ratifié la convention d'Oslo. Mais vous avez fait le choix d'une filière française, et je le regrette. Si même sur un problème aussi consensuel, l'Europe n'est pas capable d'avoir une démarche commune, c'est à désespérer.
Je voudrais également attirer votre attention sur l'impérieuse nécessité d'accentuer les campagnes de déminage, notamment dans les pays qui nous sont historiquement proches. Je pense au Liban et au Cambodge, par exemple, où la dépollution des territoires minés dure depuis plus de quinze ans et n'est pas près de s'achever. Les efforts constants de nos soldats spécialisés ne sont pas suffisants. Notre pays devrait sensibiliser l'ONU et encourager l'action d'ONG qui pourraient se joindre aux interventions des démineurs militaires.
En conclusion, après le débat sur les mines antipersonnel et, aujourd'hui, sur les armes à sous-munitions, je reste persuadé que notre assemblée sera amenée à débattre dans les prochaines années des armes nucléaires, armes non discriminantes par définition, qui peuvent avoir des conséquences dévastatrices pour l'ensemble de la planète.
C'est pourquoi j'invite le Gouvernement à soutenir la démarche du Président des Etats-Unis, qui est prêt à réduire considérablement ses armements nucléaires, à interdire les essais et à limiter la production mondiale de matériaux à usage nucléaire.
Après l'interdiction des mines antipersonnel et des armes à sous-munitions, il serait logique et souhaitable que notre pays adopte une politique similaire à celle, courageuse, menée par Barak Obama, même si les États-Unis n'ont pas encore signés la convention d'Oslo. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)