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Intervention de François Rochebloine

Réunion du 6 juillet 2010 à 9h30
Élimination des armes à sous-munitions — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, je souhaite dire, en préambule, combien nous pouvons être fiers du chemin parcouru par la France, tant dans le cadre du processus d'Ottawa contre les mines antipersonnel que dans celui du processus d'Oslo sur l'interdiction des bombes à sous-munitions.

Avec la signature, en 1997, et la ratification du traité d'Ottawa, la communauté internationale a adressé un signal fort en matière de lutte contre les mines antipersonnel. Avec la convention d'Oslo, ce sont les bombes à sous-munitions qui sont mises à l'index. Dix ans plus tard, nous pouvons ainsi constater une réelle continuité, du moins une correspondance certaine, entre deux démarches qui visent à éliminer des armes particulièrement lâches, les plus lâches qui puissent exister en ce qu'elles visent indistinctement militaires et civils, qu'elles tuent ou mutilent aveuglément bien après la fin des conflits armés.

La lutte contre les mines a pris – et c'est heureux – une dimension planétaire, avec l'appui des sociétés civiles. Citons pour mémoire, l'impact de courts-métrages tels que La Forêt, réalisé en 1997 par Mathieu Kassovitz pour Handicap International. Cette dizaine de films ont su attirer l'attention de l'opinion publique sur les ravages causés dans le monde par les mines antipersonnel utilisées, voire banalisées, au gré des conflits armés qui ont secoué ces dernières décennies des pays du Sud, du Cambodge à l'Angola en passant par le Soudan. Je n'omettrai pas de citer également l'exemple du Sud-Liban, où l'offensive de l'armée israélienne de 2006, lors de laquelle des bombes à sous-munitions ont été largement dispersées sur les territoires habités, produit aujourd'hui encore ses effets tragiques sur une population civile qui côtoie au quotidien, et souvent sans le savoir, le danger que représente le risque d'explosion de ces armes disséminées, car ce sont bien des armes.

Ainsi que l'a parfaitement décrit notre rapporteure – notre collègue et amie Françoise Hostalier –, qui s'est fortement impliquée dans ce dossier et n'a pas ménagé ses efforts – vous me permettrez, d'ailleurs, de saluer son excellent rapport –, nous avons assisté à une véritable « contamination » de la planète par les mines et fragments d'armes à sous-munitions. C'est donc à l'honneur de notre pays que d'avoir pris la mesure de l'enjeu humanitaire que représente la lutte contre ce fléau mondial. Qu'il me soit permis de souligner la part déterminante prise par M. le ministre des affaires étrangères et son collègue, M. le ministre de la défense, ainsi que par le secrétaire d'État à la défense et M. Falco, dans la conclusion et la mise en oeuvre de la convention d'Oslo sur l'élimination des armes à sous-munitions. Par leur inlassable engagement, les ONG – qu'il nous faut saluer et au premier rang desquelles figurent le Comité international de la Croix-Rouge, Handicap international, ICBL et Amnesty international – n'ont eu de cesse de sensibiliser et de mobiliser l'opinion, d'abord contre les mines antipersonnel, puis contre ces armes terribles que sont les armes à sous-munitions.

Leur engagement est récompensé par le dépôt, la discussion et l'adoption du projet de loi qui nous rassemble aujourd'hui. Pour nous, le moment est venu de dire qu'il faut bannir ces armes. Rappelons que la France figure parmi les tout premiers États signataires à avoir signé et ratifié ce texte, en septembre 2009. Ayant eu le privilège d'être, au nom de notre commission des affaires étrangères, rapporteur du projet de loi qui en autorisait la ratification, j'avais émis le voeu que puisse être mise en oeuvre le plus rapidement possible la convention d'Oslo. C'est ce que nous nous apprêtons à faire, et je ne peux que m'en réjouir.

Conformément aux stipulations de la convention d'Oslo, celle-ci entrera en vigueur le premier jour du sixième mois après lequel le trentième pays a déposé les instruments de sa ratification auprès du secrétariat général des Nations unies, soit le 1er août 2010. Sans attendre cette date, la France a pris, dès 2008, des mesures visant à retirer du service opérationnel 22 000 roquettes M26 et 13 000 obus de 155 millimètres à grenades, qui sont stockés en attendant d'être détruits ; ce fut une avancée majeure.

Le texte qui nous est soumis aujourd'hui vise à adapter notre droit pénal aux stipulations de la convention d'Oslo. Il s'agit de parachever l'édifice que nous avons commencé à bâtir avec la convention d'Ottawa, en incluant dorénavant dans notre droit interne l'interdiction des armes à sous-munitions.

Profitant de cette discussion générale, j'aimerais ici attirer votre attention sur cinq points.

Premièrement, je note que nos collègues sénateurs ont adopté ce projet de loi à l'unanimité. J'ose espérer – mais, après avoir écouté les orateurs qui m'ont précédé, je n'en doute plus – que nous ferons de même et que nous adopterons ce texte en termes identiques, afin que sa promulgation corresponde à l'entrée en vigueur de la convention d'Oslo. La France démontrerait ainsi à nouveau son rôle pionnier en matière d'interdiction des armes à sous-munitions.

Deuxièmement, le Gouvernement a déposé, au début de la législature, sur le bureau du Sénat, un projet de loi relatif au régime d'autorisation des opérations d'intermédiation dans le domaine des matériels de guerre et assimilés. Il serait souhaitable que l'examen de ce texte figure prochainement à l'ordre du jour de notre assemblée. Monsieur le secrétaire d'État, vous nous avez indiqué qu'en dépit d'un ordre du jour chargé, nous devrions en discuter avant la fin de l'année ; c'est mon souhait le plus sincère.

Troisièmement, en figurant parmi les premiers États qui mettent en oeuvre la convention d'Oslo, la France participe à l'envoi d'un signal fort en direction des États non parties à cette convention, comme la Russie, la Chine, les États-Unis, l'Inde, Israël ou le Pakistan. Ceux-ci sont actuellement au nombre des pays producteurs, exportateurs ou utilisateurs de ce type d'armes, et leur influence directe sur les théâtres d'opérations dans le monde est considérable. Au nom du groupe Nouveau Centre, j'appelle le Gouvernement à poursuivre sans relâche ses efforts pour rallier ces États non seulement à la convention d'Oslo, mais également à la convention d'Ottawa. Par ailleurs, nous souhaitons que les armes à sous-munitions soient absentes des théâtres où la France est engagée aux côtés de pays non parties à la convention. En effet, soyons lucides, l'entrée en vigueur de la convention d'Oslo ne mettra pas fin, hélas ! au fléau des armes à sous-munitions.

Quatrièmement, le dispositif prévoit – et c'est un aspect important – la destruction des armes à sous-munitions par les armées dans un délai de huit ans à compter de l'entrée en vigueur de la convention. Les 22 000 roquettes et les 13 000 obus à grenades retirés du service en 2008 sont concernés, pour un coût estimé à 35 millions d'euros. Au vu du nombre conséquent d'armes à sous-munitions actuellement stockées et qu'il va falloir détruire en France et chez certains de nos partenaires européens, la question de la mise en place d'une filière française de démantèlement se pose. Ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, il existe déjà un pôle de destruction d'armes en Italie et un autre en Allemagne. Il y a sans doute matière à mutualiser nos moyens dans ce domaine, avec nos partenaires et l'OTAN, d'autant que des contraintes environnementales fortes sont exigées. L'état-major des armées a été chargé de mener une étude sur cette option, qui permettrait de réaliser des économies – ce qui est particulièrement important dans la période actuelle – et qui nous conduirait à achever le processus de destruction en 2016, c'est-à-dire deux années avant la date butoir. Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d'État, que la représentation nationale soit pleinement informée des conclusions de cette étude sur une filière nationale de destruction.

Enfin, nos collègues sénateurs ont proposé par amendement d'étendre les compétences de la Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel. Je le souhaitais déjà depuis plusieurs années et je ne peux que me féliciter de cet apport, qui permettra à la CNEMA de veiller à la bonne application du présent projet de loi. Un décret doit venir modifier le code de la défense en ce sens. Pour ma part, j'aurais préféré que cela soit inscrit dans la loi elle-même, mais je sais que cela aurait risqué de retarder la procédure d'une année, voire davantage.

Permettez-moi de rappeler les termes de cet amendement, que je n'ai pas déposé pour la raison que je viens d'exposer.

« La Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel assure le suivi :

a) de l'application de la loi tendant à l'élimination des armes à sous-munitions ;

b) de la destruction des restes de sous-munitions explosives situées dans les zones sous la juridiction ou le contrôle de la France, ou contaminées par les armes à sous-munitions de l'armée française ;

c) de l'action internationale de la France en matière d'assistance aux victimes d'armes à sous-munitions et de sous-munitions explosives.

La Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel publie chaque année un rapport sur l'application de la loi tendant à l'élimination des armes à sous-munitions ; ce rapport est adressé par le Gouvernement au Parlement. »

Nous avons assisté, avec Mme Hostalier, au Quai d'Orsay, à la remise, par le président de la CNEMA à Bernard Kouchner, du rapport sur les mines antipersonnel de l'année 2009.

En tant que membre de la CNEMA, au sein de laquelle je siège depuis sa création – je suis du reste le seul à être dans ce cas –…

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