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Intervention de Jean-Jacques Candelier

Réunion du 6 juillet 2010 à 9h30
Élimination des armes à sous-munitions — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, cher président de la commission de la défense, madame la rapporteure, mes chers collègues, avec ce projet de loi tendant à l'élimination des armes à sous-munitions, nous arrivons au terme d'un long processus législatif, qui marque une importante avancée du droit humanitaire international et de la protection des populations civiles.

Ce texte s'inspire de la convention d'Oslo du 3 décembre 2008, signée par 106 pays et ratifiée par 36 États. Il convient toutefois de noter que les États-Unis, la Russie, la Chine, l'Inde, le Pakistan ou Israël n'en sont pas signataires. On peut le regretter et espérer qu'un effet d'entraînement poussera ces pays à nous rejoindre dans la voie du désarmement. Alors que 90 % du stock mondial d'armes à sous-munitions est détenu par des États non signataires, chacun doit prendre ses responsabilités.

Au-delà des clivages politiques classiques, nous devons nous féliciter que la France ait été l'un des pays à l'origine de la signature de la convention d'Oslo et qu'elle ait été l'un des premiers pays à ratifier ce texte en adoptant la loi du 21 septembre 2009.

Il faut aussi se réjouir de ne pas avoir attendu qu'un texte contraignant soit écrit pour cesser d'utiliser et de produire ce type d'armes. Quant aux armes restantes, actuellement stockées, elles sont pour la plupart dans l'attente de leur destruction, conformément aux prescriptions de la convention d'Oslo.

Cette convention prévoit que ses prescriptions soient adaptées dans le droit national de chaque État partie. La probable transcription unanime de la convention en droit national, en particulier dans ses dispositions pénales, sera un signe de la volonté française de mettre fin aux drames causés par les armes à sous-munitions.

Je rappelle que ces armes entrent dans la catégorie des systèmes dits « à effet de zone », également appelés « armes de saturation ». Elles sont conçues pour disperser, sur une large surface, une grande quantité de projectiles explosifs, de manière à renforcer la probabilité de détruire l'objectif visé. Mais ni la fiabilité ni la précision des armes incriminées par la convention ne sont reconnues suffisantes pour que les principes du droit humanitaire de proportionnalité et de discrimination soient garantis. En clair, ces armes ont des caractéristiques qui les rendent extrêmement dangereuses. Elles dispersent des sous-munitions explosives sur de vastes étendues et peuvent faire un nombre considérable de victimes, notamment des enfants.

On estime qu'elles ont déjà causé entre 50 000 et 100 000 victimes dans le monde, chiffre qui fait froid dans le dos et qui ne doit pas augmenter. Selon les experts, près de trente-cinq ans après la fin de la guerre du Vietnam, le Laos est toujours le pays le plus concerné par ce fléau : des dizaines de millions de sous-munitions non explosées continuent de faire des ravages au sein de la population. L'armée américaine en a aussi utilisé en Irak et, plus récemment, l'armée israélienne en a fait usage lors des bombardements au Sud-Liban à l'été 2006. « Ce que nous avons fait était fou et monstrueux » avait alors déclaré un gradé israélien. Citant son chef de bataillon, le commandant d'une unité de missiles a affirmé que les forces israéliennes de défense avaient tiré près de 1 800 bombes à sous-munitions contenant au total plus de 1,2 million de petites bombes. « Le conflit de 2006 au Liban a donné lieu à une contamination par sous-munitions jamais vue par le passé. La plupart ont été larguées dans les 72 heures précédant la fin du conflit », indiquait Chris Clark, qui dirige le Centre de coordination des Nations unies pour l'action contre les mines au Liban.

Ainsi que le résume notre rapporteure, ma chère collègue nordiste, Françoise Hostalier, « au-delà des conséquences humanitaires, deux problèmes majeurs se posent : d'une part, ces armes-pièges retardent le retour à la vie normale des populations, retardent la paix entre belligérants et, d'autre part, elles mettent en danger accru les forces militaires françaises ou alliées à l'extérieur ». Il est donc indispensable d'agir pour que l'ensemble des États prennent toutes les mesures nécessaires afin de prévenir et de réprimer ces marchands de mort et de désolation que sont les fabricants d'armes à sous-munitions.

Le présent projet de loi respecte l'esprit et la lettre de la convention. Il témoigne d'une volonté forte de respecter rigoureusement les engagements souscrits par la France. Il prévoit ainsi l'interdiction en toutes circonstances des armes à sous-munitions, qu'il s'agisse d'emploi, de mise au point, de production, d'acquisition, de stockage, de conservation, de transfert, de fabrication, d'offre, de cession, d'importation, d'exportation ou de commerce. Cette interdiction s'accompagne de peines lourdes et de délais de prescription allongés, dérogatoires au droit commun. Comme nous l'ont garanti M. Falco, devant la commission de la défense, et M. Morin, au Sénat, le texte permet à la France de poursuivre l'un de ses ressortissants, personne physique ou morale, même si les faits n'ont pas été commis sur le territoire national et s'ils ne sont pas punis par la législation du pays dans lequel ils ont été commis.

Il est très important – nous en avons longuement discuté – que les personnes morales soient concernées par le vocable « un Français » utilisé dans le texte. L'adoption d'éventuels amendements rédactionnels de précision présenterait, à mon sens, l'inconvénient de retarder l'adoption définitive du projet de loi. Or, si celui-ci est adopté conforme au Sénat, notre pays aura adapté la convention en droit français avant son entrée en vigueur au plan international, le 1er août prochain. On peut ainsi espérer que cette adoption sera de nature à inciter d'autres États à signer la convention, dont la portée humanitaire est réelle, et, surtout, se réjouir, dans l'immédiat, de la détermination de la France en matière d'interdiction des armes à sous-munitions.

Toutefois, ce texte n'est qu'un début ; le combat pour l'application correcte du texte commence. Si jamais les travaux de suivi de l'application de la loi, notamment par la Commission nationale d'élimination des mines antipersonnel, amenaient à constater une insuffisance sur la question de la répression de l'assistance et du financement des armes à sous-munitions ou de l'assistance aux victimes, il nous reviendrait d'améliorer encore la législation. Nous n'en sommes pas là, mais c'est le devoir de sauver des vies qui nous guide.

La France se doit de promulguer la loi dans les meilleurs délais, pour des raisons humanitaires, pour la sécurité de nos soldats et pour l'image de notre pays. Dans la lignée du vote favorable que le groupe GDR a émis lors de la ratification de la convention d'Oslo, en juillet 2009, nous voterons bien entendu en faveur de ce texte d'adaptation de notre droit aux engagements de la convention.

Je conclus en saluant la qualité du travail des organisations non gouvernementales, telles que Handicap international, la Croix-Rouge ou encore Amnesty International. Poursuivons ensemble nos efforts pour débarrasser le monde du fléau que sont les armes à sous-munitions ! (Applaudissements.)

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